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Le traitement de la grande difficulté scolaire au collège

Le rapport Hussenet-Santana (2004-2005) sur le traitement de la grande difficulté scolaire au collège

14 février 2005

Extrait de « L’Expresso » du 14.02.05 : Le traitement de la grande difficulté scolaire au collège et à la fin de la scolarité obligatoire. Rapport établi à la demande du
Haut Conseil de l’évaluation de l’école, présenté par André Hussenet, IGEN, en collaboration avec Philippe Santana, IA-IPR.

Voici quelques extraits d’un rapport daté de novembre 2004, rendu public en février 2005 : sa lecture intégrale est nécessaire, les extraits présentés ici ne donnant que quelques aperçus pour ce qui concerne les ZEP.

1er extrait :

La lutte contre l’échec et le combat pour la réussite constituent un trait commun de toutes les politiques scolaires depuis la massification de notre école.

La constance dans la recherche des remèdes est à la fois la marque d’une forme de continuité des politiques éducatives et l’indication claire que les objectifs ne sont jamais réellement atteints, que la difficulté résiste.

Une certaine lassitude des enseignants se fait jour car leur adhésion aux objectifs proposés, leur engagement, notamment de la part de ceux qui sont confrontés à l’échec le plus massif et le plus grave, ne conduisent pas à des résultats éclatants et publiquement reconnus.

Le fait que les établissements en ZEP ne parviennent pas à rapprocher le taux des élèves en échec de celui observé dans les établissements hors ZEP, notamment parce que la dégradation de l’environnement économique et social ne leur permet pas de faire mieux que de contenir la grave difficulté scolaire, engendre le doute et peut conduire au découragement (*). Nous tenterons dans ce chapitre de proposer plusieurs catégorisations des mesures de lutte contre l’échec scolaire, d’abord en nous efforçant de tracer quelques axes d’évolution de la lutte contre la grande difficulté scolaire depuis la loi de juillet 1975 instituant le collège unique, en empruntant ensuite l’approche typologique retenue dans un rapport commandé par la communauté européenne ou celle proposée par l’OCDE.

Les études, les travaux et publications des inspections générales, de la DEP ou de l’INRP, seront abondamment sollicités mais ne nous auront pas dispensé de relire toutes les lettres ministérielles, les circulaires ou les notes de service organisant les rentrées scolaires depuis 1975.

(*) L’inspecteur d’académie de Seine Saint Denis avait, dès l’année 2000, signalé que l’énorme effort d’amélioration du taux d’encadrement réalisé dans ce département, ne se traduirait sans doute pas par un progrès des résultats scolaires à cause d’une augmentation massive de nouveaux arrivants non francophones très peu ou pas du tout scolarisés dans leur pays d’origine.

2ème extrait :

7.6.L’évocation de deux démarches à approfondir.

7.6.1. La démarche programmatique : les ZEP et REP

La lutte contre la difficulté a aussi, et surtout, été organisée autour d’une décision politique majeure concernant le système global : la discrimination positive. La création des ZEP constitue une double rupture. La première consiste à reconnaître l’inégalité des possibilités de réussite des élèves selon l’établissement fréquenté et à attribuer plus de moyens aux établissements les plus exposés à la difficulté.

Cette politique de traitement inégalitaire lancée aux Etats-Unis dès les années 60 est décidée en France en 1981, date de la création des ZEP. La carte de l’éducation prioritaire sera redéfinie pour la rentrée 99 et une nouvelle organisation sera ajoutée à cette occasion : les réseaux d’éducation prioritaires. Une circulaire de 1990 précise que l’objectif premier de la politique de l’éducation prioritaire est « d’obtenir une amélioration significative des résultats scolaires des élèves, notamment les plus défavorisés ».

Cet objectif est-il atteint ?
On constate qu’en moyenne les résultats des élèves de ZEP / REP continuent d’être sensiblement inférieurs à ceux des élèves qui n’y ont jamais été scolarisés. Les évaluations bilans pratiquées en 2003 par la DEP donnent les résultats suivants :

- en fin de CM2, 35% des élèves de ZEP sont classés dans les catégories les plus faibles (groupe 0 et 1 dans un classement à 6 groupes). Ils sont 3 fois plus nombreux que dans la population totale (4,5 fois pour le groupe 0) ; 13.4% sont dans les groupes 4 et 5 (les meilleurs) soit 2.5 fois moins que dans la population totale (4 fois moins pour le groupe 5),

- en fin de 3ème, 25.7% sont dans les groupes 0 et 1, soit 2 fois plus que dans la population totale et 15.2% sont dans les groupes 4 et 5 contre 25% pour la population totale.

A contrario, il est montré qu’à caractéristiques sociales et scolaires identiques au départ, les chances d’un élève de ZEP de devenir bachelier sont comparables à celles d’un élève hors ZEP. L’argument le plus souvent avancé au bénéfice de la politique de discrimination positive est que malgré une détérioration de l’environnement socio-économique, il n’y a pas eu de régression des performances scolaires.

Il est évidemment difficile de se contenter d’un tel résultat et il serait nécessaire de relancer une étude de l’ampleur de celle conduite en 1989 par Catherine Moisan et Jacky Simon afin de disposer d’une meilleure analyse de la situation. On sait la richesse et l’originalité des actions menées et le caractère innovant de l’éducation prioritaire, cela ne suffit pas. Au lancement des ZEP, trois conditions étaient requises pour entrer dans ce mouvement :

- être effectivement confronté à une situation sociale - donc scolaire - difficile,

- mobiliser des partenaires (collectivités territoriales, monde associatif, etc.),

  s’accorder sur un projet qui engage les acteurs.

Il importe, dans le cadre d’une politique qui s’appuie sur les établissements de mesurer les facteurs favorables à la réussite et de connaître l’origine des freins :

- l’engagement volontaire des acteurs est-il possible, suffisant, nécessaire ? A quelles conditions peut-il être obtenu aujourd’hui ?

- les moyens en personnel, financiers, pédagogiques (outils, formations) sont-ils suffisants, appropriés ?

- le travail collectif des partenaires est-il une condition impérieuse de la réussite et comment peut-il être réellement efficace et au service de la réussite scolaire ?

- l’application de la carte scolaire est-elle un facteur favorable à la réussite, ou bien est-ce le contraire qui est vrai ?

Le travail de Yves. Dutercq et Jean-Louis Derouet déjà cité montre la quasi impossibilité des collèges de ZEP « d’articuler ambition éducative et prise en compte du public, exigences de la mission de service public et contraintes liées aux spécificités de la situation locale ». Il montre également que l’autonomie dont ils disposent n’est pas suffisante pour avancer, qu’une relation nouvelle entre l’établissement et l’appareil pédagogique et administratif de l’éducation nationale doit s’instaurer. Autrement dit, il faut des pilotes attentifs et responsables, qui soient capables de proposer des outils et de mobiliser des compétences.

3ème extrait :

Chapitre 8 : comparaisons dans le temps et dans l’espace
Trois types de classification des remèdes à la difficulté scolaire proposées par des organismes européens ou internationaux sont présentés ici, pour :

- rappeler l’universalité du problème de la difficulté scolaire et les principales modalités de son traitement,

- permettre de référer une action à une théorie de l’échec ou à une catégorie identifiée de solutions mises en oeuvre dans un ou plusieurs pays,

- montrer que la mise en valeur de certains remèdes n’est pas proportionnée au nombre des élèves qui en bénéficient.
Les effets de loupe sont effectivement fréquents et pas toujours immédiatement perceptibles. L’accent mis depuis quelques années sur les classes relais et récemment encore sur le « décrochage scolaire » ne doivent pas faire oublier que les classes relais ont accueilli 4.500 élèves en 2003-2004, que le nombre des « décrocheurs », des « perdus de vue » est estimé à moins de 1% de la population scolaire (chiffre que D. Glasman90 juge assez nettement surestimé) alors que 110.000 élèves sont inscrits en
SEGPA, 18.000 dans les maisons familiales d’éducation et d’orientation, et que plus de 600.000 élèves fréquentent un collège en ZEP ou REP.

4ème extrait :

8.1.2. La théorie du handicap socio-culturel, très en vogue dans les années 60-70, inspire beaucoup de recherches et d’études encore aujourd’hui. Elle est le modèle explicatif dominant. L’existence d’une étroite liaison entre les pratiques culturelles d’un milieu social et la scolarité des enfants qui en sont issus rend compte d’une grande partie de l’échec et de la réussite à l’école, elle justifie les programmes compensatoires.

Les ZEP (plus du cinquième des collégiens y sont scolarisés), les dispositifs d’aide et de soutien, les études surveillées, dirigées, encadrées, les dispositifs d’aide personnalisé, le tutorat, l’école ouverte, constituent des modalités de traitement de la difficulté scolaire qui entrent dans ce cadre théorique.

8.1.3. La sociologie de la reproduction ne considère plus l’enfant lui-même comme handicapé, mais désigne l’école comme institution handicapante, comme organe de reproduction des rapports de classe. La création du collège unique, le souci de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin (ZEP), la volonté de lutter contre l’idée même de déterminisme social ont à voir avec cet univers de la reproduction.

8.1.4. Le rapport au savoir
La mise en évidence, à travers les études de micro-sociologie, du primat du sens que donne l’élève à l’apprentissage et à sa réussite va inspirer toutes sortes de recommandations concernant par exemple le tutorat, l’aide individualisée, les travaux croisés, les itinéraires des découvertes.

8.1.5. Le courant interactionniste montre comment l’échec se construit au quotidien à travers l’interaction entre les acteurs (élèves, professeurs, familles...). Ce cadre théorique conduit à :

• travailler en formation initiale et continuée sur le regard que porte le professeur sur l’élève (l’effet pygmalion désigne le fait que l’élève se comporte conformément à l’attente de l’adulte),

• clarifier les objectifs dans les programmes d’enseignement et à distinguer compétences et performances,

• mettre l’accent sur la liaison de l’école et des familles,

• valoriser le local (projet d’établissement, autonomie) puisque c’est à ce niveau que les interactions ont lieu.

Bien évidemment toutes ces théories cohabitent dans l’esprit de beaucoup à l’école et autour de l’école, structurent l’opinion et inspirent les décideurs plus ou moins explicitement. Mieux vaut les bien connaître et en identifier les influences, notamment durant les périodes de débat susceptibles de féconder des réformes importantes.

5ème extrait :

Quatre sujets prioritaires pour la réflexion et la décision.

1/ La concentration de la difficulté scolaire dans certaines zones du territoire, engendrée par la concentration de difficultés économiques, sociales, du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion sociale, exige à la fois de ne pas laisser l’école seule responsable de la lutte contre l’échec et de ne pas renoncer à atteindre dans ces portions de territoires les objectifs communs.

Si le dynamisme de certaines ZEP impose le respect, l’impression générale est que la politique de discrimination positive lancée en 1981 et relancée en 1999, n’a pas donné les résultats escomptés et qu’en conséquence, la volonté politique est moins perceptible, l’opinion publique moins enthousiaste, la mobilisation permanente des équipes en place moins aisée.

Il paraît absolument nécessaire de lancer une évaluation de grande ampleur pour déterminer la conduite à tenir et notamment mesurer les effets respectifs du volontariat, de la qualité du projet et de son suivi, du partenariat et des moyens supplémentaires octroyés, de la réalité du pilotage, de la gestion de la carte scolaire...
L’étude de l’économiste Thomas Piketty concernant l’efficacité qu’aurait la diminution des effectifs des classes ne peut, si elle est confirmée, rester sans conséquence sur la conduite d’une politique de discrimination efficace.

Bref, l’existence et le fonctionnement des ZEP, en tant que moyen réputé décisif contre la difficulté scolaire, doivent faire l’objet de décisions que l’on ne saurait prendre sans se donner au préalable les moyens d’analyser rigoureusement, de comprendre, de juger de la valeur de cette politique. Il faut évaluer ce qui signifie : dire ce que vaut la mise en oeuvre du programme de discrimination positive.

6ème extrait :

4/ Les élèves à besoins éducatifs particuliers.

Nous avons vu que la notion d’élèves à besoins éducatifs particuliers n’est absolument pas entendue de façon identique dans l’ensemble des pays et que la proportion d’une génération considérée comme ayant des besoins éducatifs particuliers variait considérablement d’un pays à l’autre, (17% en Finlande, 13% au Danemark, 10% aux Etats-Unis, 3% ou moins en Belgique et en Espagne, 3.5% en France et 0.8% pour le Japon).

Il nous semble cependant qu’elle est préférable à la notion d’ « élèves en difficulté » dont le flou est tel qu’il ne permet pas de cerner une réalité précise et encore moins d’organiser l’action de remédiation. Substituer la notion de « besoin » à celle de « difficulté » n’est d’autre part pas sans conséquence, la première met l’accent sur le déficit, la seconde sur la nécessité d’agir de manière adaptée.

Le recensement des terminologies adoptées dans les différents pays pour désigner la nature des handicaps, permet de repérer 16 catégories, depuis les « incapacités d’apprentissages spécifiques », les « déficiences auditives », l’élève dont la langue maternelle est étrangère jusqu’aux élèves multi handicapés, sévèrement retardés sur le plan sensoriel et mental, ou aux élèves exceptionnellement doués.

Une identification plus fine des difficultés, ou des besoins, conduit non seulement à mieux cerner la réalité mais aussi et surtout à mieux concevoir les remèdes ou la satisfaction des besoins.

Si l’évaluation des dispositifs de consolidation de 6° ou l’aide individualisée n’ont pas été très positives, c’est sans doute parce que les réponses apportées ont été trop globales. Si les ZEP améliorent la socialisation des élèves sans changer significativement les résultats scolaires, c’est peut-être aussi parce que les besoins ne sont pas suffisamment précisés.

Un effort de catégorisation conduirait progressivement à la formulation de diagnostics plus précis et à la mise en oeuvre de réponses plus adaptées et plus subtiles et donc plus efficaces. Autrement dit, à donner de la consistance à ce que l’on appelle la pédagogie différenciée. Pour satisfaire ces besoins, il faut d’abord les identifier, les reconnaître et être capable de les dénombrer. L’efficacité de la lutte contre la difficulté scolaire passe certainement par cet effort, en évitant une excessive spécialisation des réponses qui conduirait à priver les maîtres de leur autorité et de leur responsabilité au profit d’autres spécialistes plus éloignés du terrain et connaissant mal les questions de l’enseignement.

7ème extrait :

Définir clairement les responsabilités.

Si les experts affirment que la responsabilité de l’impulsion appartient à l’autorité qui exerce la responsabilité globale sur la gestion du système, c’est à dire au gouvernement, ils insistent sur le rôle déterminant des autorités régionales et locales.

La question du pilotage des actions de lutte contre la difficulté est, à notre sens, posée et la gestion du dossier ZEP et des SEGPA ou celui de l’autonomie des établissements illustre bien la nécessité d’une conduite plus cohérente et plus ferme de cette politique publique.

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