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Conférence de consensus Cnesco : la différenciation pédagogique contribue-t-elle à creuser les écarts entre classes et élèves ? (d’après le compte rendu du Café)

13 mars 2017

Revoir les interventions de la conférence

 

Cnesco : Pas de consensus sur la différenciation ?
"C’est important de ne pas être d’accord. C’est ce qui fait avancer le débat". En ouvrant la seconde journée de la conférence de consensus sur la différenciation le 8 mars, Nathalie Mons, présidente du Cnesco, co-organisateur avec l’IFé de l’événement, a vu juste. Les oppositions perceptibles le 7 mars sont apparues au grand jour entre des positions très méfiantes envers la différenciation pédagogique et des partisans du travail en groupe. La seconde journée de la conférence a vu se succéder des chercheurs brillants mais bien "différenciés" comme Benoit Galand, Clermont Gauthier, Dominique Bucheton, Céline Buchs ou Denis Butlen. Au jury, composé d’enseignants et de cadres éducatifs, de dégager des recommandations. Elles devraient être présentées le 28 mars.

"Le concept de différenciation fait-il sens ?"
"D’un point de vue scientifique, le concept de différenciation fait-il sens ? Le lien entre la différenciation et la réussite de tous les élèves n’est pas prouvé". Benoit Galand (Université de Genève) a clos la conférence de consensus organisée par le Cnesco et l’IFé, en partenariat avec Le Café pédagogique, en en remettant presque en cause les fondements.

La journée du 7 avait déjà vu des conceptions divergentes, notamment lors des interventions de Clermont Gauthier, Marcel Lebrun ou Michel Grangeat. La seconde journée , parce qu’elle abordait les conditions de la réussite, a poussé les oppositions.

Pour Benoit Galand, le concept de différenciation pédagogique ne veut pas dire grand chose. Pire il s’en méfie. C’est que les enseignants ont déjà tendance à différencier leurs pratiques pédagogiques en fonction des élèves. Leurs attentes envers les élèves varient et du coup ils enseignent différemment. Le traitement différencié contribue à creuser les écarts de départ entre les classes et les élèves. On le voit pour lui dans les classes des quartiers où les enseignants baissent leurs exigences.

B Galand s’en tient donc à signaler des pratiques qui réduisent les écarts entre les élèves comme proposer des feedbacks précis et réguliers accompagnées de suggestions. Pour lui deux approches sont pertinentes : l’enseignement explicite et , assez à l’opposé, l’apprentissage coopératif. Ce dernier a l’avantage d’améliorer le relationnel et de lutter contre les stéréotypes. Pour lui la question n’est pas de différencier mais plutôt d’augmenter la qualité des activités collectives.

Enseigner les comportements
Clermont Gauthier avait déjà suscité des réactions en présentant l’enseignement explicite, comme il le conçoit, comme la méthode efficace d’enseignement. C’est la même démarche qu’il utilise pour présenter le "Soutien aux comportements positifs" (SCP) autrement dit l’enseignement explicite des comportements. Là aussi il explique que son thème d’étude est "la variable la plus importante pour favoriser la réussite scolaire". Le 7 c’était "l’enseignant efficace", le 8 c’est "la gestion de la classe"... Suit une suite de consignes que les enseignants connaissent bien : importance des premiers jours, marcher dans la classe, rappeler les règles, balayer la classe du regard etc. Ces trucs de la gestion de classe deviennent la méthode qui va faire réussir les élèves. A condition de passer de la gestion de classe efficace à l’école efficace c’est à dire à enseigner aussi les comportements des enseignants... "Les comportements attendus et les compétences comportementales attendues en classe et hors classe sont définis précisément, enseignés explicitement et renforcés lors de leurs manifestations".

Quelles valeurs pour les enseignants ?
Même méfiance chez Denis Butlen pour des activité différenciées. "Ce qui est dangereux c’est l’individualisation non contrôlée qui ne ménage pas de temps collectif". Il reste "dubitatif sur la façon de casser la classe en morceaux". Ses travaux montrent concrètement les concessions que les enseignants font en éducation prioritaire pris entre les exigences de socialisation des élèves et nécessité de transmettre. Il insiste sur les processus de dévolution et d’institutionnalisation des savoirs. Une des conséquences pour lui c’st la nécessité de revoir la formation, une conviction largement partagée par la salle et d’autres intervenants. Il faut mieux accompagner les enseignants pour qu’ils comblent les lacunes des élèves et les amènent à appréhender les enjeux des activités proposées.

La nécessité de revoir la formation Dominique Bucheton la partage. Elle analyse les représentations des enseignants, leurs doxa : faire le programme, combler les manques, multiplier les exercices, et en souligne les limites. Elle met aussi l’accent sur les valeurs des enseignants : croire ou non en l’éducabilité de tous. Ce qu’elle promeut c’est l’atelier dirigé pour tous : une mini classe à 6 ou 8 élèves hétérogènes où l’enseignant prend une posture d’accompagnement et démultiplie les interactions orales avec les élèves. Ce dispositif agit sur les représentation du maitre comme des élèves puisque , c’est un autre de ses enseignements, les deux sont liés.

La pédagogie coopérative c’est efficace ?
Céline Buchs, université de Genève, défend aussi l’importance des interactions sociales. Ses travaux démontrent, chiffres à l’appui, l’efficacité de l’école à l’université de la pédagogie coopérative. Celle ci crée une interdependance positive entre les élèves et l’enseignant. Le travail de groupe doit être organisé de façon à ce que chaque élève soit responsable d’une tache. Il faut donc fortement structurer le travail des groupes.

André Tricot se limitera a présenter des enseignements de la recherche sur les dispositifs efficaces.Par exemple veiller à retirer les information inutiles des documents des élèves les plus faibles, si l’information est complexe la présenter progressivement. Ces enseignements sont tirés des travaux sur la charge cognitive.

Un vrai débat , de vrais dissensus
Une conférence qui n’aboutit pas directement à un consensus est-elle inutile ? Elle n’a certes pas l’efficacité des "grandes messes" ministérielles. Mais c’est la richesse du Cnesco d’amener ainsi de vrais débats où s’échangent des arguments contradictoires. C’est de cette façon qu’on alimente la réflexion collective et au final qu’on respecte les enseignants.

Justement c’est à eux de trancher. Le jury de la conférence, présidé par Marie Toullec Théry, doit rendre le 28 mars ses recommandations. Bon courage !
François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 09.03.17 : Cnesco : Pas de consensus sur la différenciation ?

 

Cnesco : Comment différencier l’enseignement ?

Comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ? C’est la question de fond posée par la conférence de consensus organisée par le Cnesco et l’IFé les 7 et 8 mars à Paris, en partenariat avec Le Café pédagogique. Plusieurs centaines de participants sur place, des centaines en ligne, un défilé impressionnant de chercheurs français et étrangers, un jury composé de professionnels : cette nouvelle conférence descend dans la classe pour observer les pratiques. Elle recommandera celles qui seront jugées efficaces.

"Les pays qui réussissent le mieux sont ceux qui font le lien entre la recherche et les préoccupations des praticiens". Jean-François Chesné (Cnesco) a ouvert la première journée de la conférence de consensus sur la différenciation en rappelant l’importance de la recherche.

Ce 7 mars pas moins de 11 chercheurs se succèdent à la tribune autour de trois objectifs : définir la différenciation pédagogique, établir le lien avec le socle commun et réfléchir aux dispositifs dans la classe.

Différenciation structurelle et pédagogique
Dominique Lafontaine (université de Liège) oppose différenciation structurelle et différenciation pédagogique et présente la première. Elle montre que la différenciation structurelle est encore très présente. Ainsi le redoublement est encore très utilisé en Europe et en France même s’il a fortement baissé dans notre pays. Le système éducatif français est aussi marqué par des filières différentes au niveau lycée, des classes de niveau et de fortes inégalités entre écoles. Pour D Lafontaine, les enquêtes internationales, comùe Pisa , montrent que les performances des élèves sont moins élevées quand il y a différenciation structurelle, par exemple avec des filières et une orientation précoce. Elle donne en exemple la réforme polonaise de 2003 qui , en prolongeant le tronc commun, a permis d’améliorer les résultats. De même la différenciation structurelle ne conduit pas à produire une élite plus nombreuse. Elle empêche aussi la mise en place d’une différenciation pédagogique plus souple.

Mais, pour D Lafontaine, ce qui pousse les pays a abandonner la différenciation structurelle c’est une évolution des valeurs du système éducatif. L’évolution de la Pologne, où les conservateurs envisagent de rétablir des filières, devrait nous faire réfléchir. ..

Il revient à Alexia Forget, Université de Genève, d’évoquer la différenciation pédagogique. En présentant les différents moments et moyens de la différenciation, elle insiste sur quelques processus de différenciation, comme les groupes de besoin ou les tables appui : un lieu où les élèves peuvent venir chercher de l’aide. Elle insiste aussi sur l’importance de la gestion de la classe pour permettre la différenciation

Différencier peut-il nuire aux élèves ?
La différenciation pédagogique peut-elle se retourner contre les élèves ? Sabine Kahn (ULB Belgique) et Bernard Rey (ULB) vont en fait aller plus loin et interroger le rapport des élèves à l’école. "Il est urgent de sortir des pratiques d’adaptation et de l’idée que la différence est liée à la nature de l’élève pour penser qu’elle est liée à la rencontre entre des cultures différentes", explique S Kahn. Elle montre que la forme scolaire, par son obsession de faire avancer tous les élèves au même rythme est propice à la création de différences. Pour elle la différence est liée à la spécificité de la culture scolaire. "Plutôt que plaider pour la remédiation, je plaide pour une médiation des univers culturels nécessitant une réflexion sur les savoirs enseignés et les compétences visées", conclue-t-elle.

Bernard Rey prolongera son raisonnement en analysant des exemples de malentendus sur le travail scolaire. "La pédagogie différenciée n’est pas là pour combler des manques de connaissances ou de "bases" mais pour faire partager la manière scolaire de voir les problèmes", explique-t-il.

Quelles pratiques de différenciation ?
Avec les intervenants suivants on entre dans la classe et les pratiques pédagogiques. Philippe Tremblay (Université Laval, Québec) analyse les dispositifs de co enseignement. Pour lui ils peuvent être positifs mais à condition que les enseignants soient égaux et partagent des buts communs. "Plus on pratique le co enseignement meilleur il devient" , explique P Tremblay qui parle de "mariage pédagogique".

Par la suite trois intervenants présentent la méthode de différenciation qui leur semble la plus efficace. Clermont Gauthier, qui défend l’enseignement explicite est interrogé sur l’efficacité réelle de ses recommandations. Michel Grangeat , université de Grenoble, défend lui l’évaluation formative : des temps de classe dédiés à la métacognition. Pour lui cette méthode responsabilise les élèves et les tourne vers l’avenir. Enfin Marcel Lebrun expose les trois types de classe inversée. Il y voit la solution pour différencier les enseignements.

Et le numérique ?
Franck Amadieu, université de Toulouse, clôturera la journée avec une analyse des effets du numérique sur la différenciation pédagogique. "Dans les années 1990 on croyait que le numérique offrirait des ressources tellement riches que l’enseignement serait plus facile", explique-t-il. Depuis les recherches ont montré qu’apprendre avec un hypertexte est quelque chose d’ardu et que la richesse des apports du numérique peuvent rendre l’accès à l’information plus difficile. "La richesse apportée par le numérique peut être un piège", souligne -t-il. Les élèves peuvent facilement s’y perdre. Il faut donc aider les élèves dans l’information numérique. [...]

Extrait de cafepedagogique.net du 08.03.17 : Cnesco : Comment différencier l’enseignement ?

 

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