Considérer les élèves comme "des interlocuteurs valables", conclusion de la Rencontre internationale des Léa

21 juillet 2022

Les élèves sont des interlocuteurs valables

"Considérer la parole des élèves est une valeur éducative forte dans les pédagogies coopératives. Pour les responsabiliser, encore faut-il écouter et crédibiliser ce qu’ils ont à dire", écrit le réseau Léa après la Rencontre internationale des Léa. "Ainsi, en retranscrivant les entretiens d’auto-confrontation des élèves, nous avons pu nous rendre compte à quel point la parole des élèves peut renseigner et aider à la compréhension de ce qui se joue en classe, lorsque nos élèves se lancent dans nos activités. Par exemple, la retranscription des propos d’une élève dans le cadre de notre travail nous donne à voir, et à entendre, une raison qui freine les élèves à demander de l’aide à leurs enseignants (cf. bande son infographie). Envisager les élèves comme des interlocuteurs valables n’est pas simplement une « belle » intention mais c’est une manière de responsabiliser les élèves tout en nous offrant la possibilité d’avoir des retours explicites sur ce que nous leurs proposons, ce qui permet d’ailleurs une adaptabilité plus opérante."

Extrait de cafepedagogique.net du 11.07.22

 

Envisager les élèves comme des interlocuteurs valables : d’un principe de recherche à une valeur éducative

La rencontre internationale des LéA, à l’Institut Français de l’éducation, affichait son thème : « Sens et valeur des projets conduits dans les recherches collaboratives ». Dans le même temps, notre équipe de recherche du LéA des classes coopératives du lycée Jacques Feyder planchait sur l’axe de notre travail qui serait intéressant de partager dans ce cadre. Bien souvent, dans nos travaux, nous partons de la classe, et ce qui s’y passe en terme de contraintes, d’intentions et de mises en œuvre, pour aller jusqu’aux questionnements et à la recherche. Cette fois nous avons pris le chemin dans l’autre sens. Changer d’approche pour ré-observer différemment. Nous sommes donc partis d’un principe qui guide la méthode de recherche à une évolution de pratique en classe.

Considérer la parole des élèves est une valeur éducative forte dans les pédagogies coopératives. Pour les responsabiliser, encore faut-il écouter et crédibiliser ce qu’ils ont à dire.
Dans nos travaux de recherche, la parole des élèves est à la fois un matériau de recherche et d’analyse. Ainsi, cette parole passe d’une donnée collectée à un support de recherche via des entretiens d’auto confrontation. Dans notre LéA, considérer les élèves comme des interlocuteurs valables est donc tout à la fois un principe méthodologique et une valeur éducative qui s’incarne.

D’un principe de recherche …

Faire des entretiens d’auto-confrontation d’élèves lors d’un travail de recherche permet de collecter des données pour ensuite analyser la perception et le fonctionnement cognitif des élèves. C’est ce que nous faisons dans notre LéA en enregistrant des travaux de groupe d’élèves et en diffusant ensuite les vidéos aux élèves concernés en leur demandant d’expliciter leurs choix, leurs perceptions et leurs actes. Ainsi, la parole des élèves est nécessaire, crédible et éclairante. Envisager les élèves comme des interlocuteurs valables est donc un principe de recherche admis et mobilisé. Bien sûr des biais existent, comme la censure des élèves ou bien la normalisation de leurs propos à ce qu’ils pensent qu’on attend d’eux. La formation à la conduite d’entretien semi-directif et la prise en compte de ces biais dans l’analyse permet d’optimiser cette collecte de donnée.

… à une valeur éducative…

La recherche collaborative porte une intention clairement identifiée : faire travailler ensemble des chercheurs et des enseignants autour d’un objet communément identifié. Ce qui est moins clair, en revanche, ce sont les modalités et les conditions qui permettent à cette recherche collaborative de devenir opérante, sans verser dans la recherche en coordination ou en subordination. Il n’y a, semble-t-il, pas de protocoles efficaces ou de procédures figées. Ici l’exigence reste pleinement humaine et se recentre ainsi sur le tâtonnement assumé et balisé. L’équipe du LéA des classes coopératives Jacques Feyder observe une porosité entre les pratiques de recherche, menées avec Sylvain Connac et Bruno Robbes, et les pratiques de la classe. Ainsi, en retranscrivant les entretiens d’auto-confrontation des élèves, nous avons pu nous rendre compte à quel point la parole des élèves peut renseigner et aider à la compréhension de ce qui se joue en classe, lorsque nos élèves se lancent dans nos activités. Par exemple, la retranscription des propos d’une élève dans le cadre de notre travail nous donne à voir, et à entendre, une raison qui freine les élèves à demander de l’aide à leurs enseignants (cf. bande son infographie). Envisager les élèves comme des interlocuteurs valables n’est pas simplement une « belle » intention mais c’est une manière de responsabiliser les élèves tout en nous offrant la possibilité d’avoir des retours explicites sur ce que nous leurs proposons, ce qui permet d’ailleurs une adaptabilité plus opérante.

…en actes

Les valeurs ne tiennent que lorsqu’elles s’incarnent dans les actes. Il nous fallait donc réfléchir à comment prendre en compte la parole des élèves, comment faire, concrètement, pour considérer les élèves comme des interlocuteurs valables ? La pratique des conseils d’élèves est bien évidemment au centre de cette vision (cf. rubrique sur les conseils d’élèves). Il y aussi la pratique du conseil de classe participatif qui donne la parole aux élèves, mais surtout les forme à cette parole, pour présenter leur bilans et leurs engagements scolaires (cf. article sur les conseils de classes participatifs). Néanmoins, ces pratiques restent limitées, tout comme les entretiens d’auto-confrontation des chercheurs, à des temps « hors classe », en dehors de la didactique. Pour tenter d’incarner cette valeur dans le quotidien de la classe, nous avons choisi d’avoir davantage recours aux « retours » des élèves sur les activités proposées. Ainsi, nous leur demandons à l’écrit, à la fin d’une activité, ce qu’ils ont pensé de cette manière de faire, les difficultés, les propositions d’amélioration, etc. Nous l’avons par exemple, testé après nos tentatives de classe puzzle (cf. article de présentation de cette tentative.

Par ailleurs, de nombreux enseignants choisissent d’organiser la construction des apprentissages de leurs élèves avec un temps de travail en groupe. Il consiste à leur donner la possibilité, après avoir réfléchi individuellement à la résolution d’une situation-problème, de confronter leurs avis pour susciter du conflit socio-cognitif en suscitant et en crédibilisant leur parole. De ces controverses peuvent naître des conflits cognitifs, associés à un état d’incertitude quant à la solidité des connaissances dont on dispose pour dépasser les obstacles que l’on est en train de rencontrer.
Nous avons étudié ces processus auprès de lycéens vivant régulièrement ces situations de travail en groupe.

Visualiser l’infographie en cliquant

Bien loin de se conclure, cette réflexion se résume par cette infographie interactive et se prolonge dans les critiques, les compléments et autres retours que vous pourrez laisser en commentaires de cet article.

Laurent Reynaud

Bibliographie

Bruchez, C., Fasseur, F. et Santiago, M. (2007). Entretiens phénoménologiques et entretiens
focalisés Sur l’activité : analyse comparative, similitudes et variations. Recherches qualitatives,
Hors Série 3, 98-125.
Buchs, C., Darnon, C., Quiamzade, A. Mugny, G. et Butera, F. (2008). Conflits et apprentissage :
régulation des conflits sociocognitifs et apprentissage. Revue française de pédagogie, 163, 105-125.
Caron, G., Fillion, L., Scy, C. et Vasseur, Y. (2018). Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée. Paris : ESF.

Extrait du Réseau des Léa du 06.07.22->https://reseaulea.hypotheses.org/20371]

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