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Pour la présidente de l’ADIE, les quartiers en difficulté sont des « gisements d’avenir »

13 novembre 2007

Extrait du « Monde » du 06.11.07 : Les quartiers en difficulté sont des gisements d’avenir

Association pour le droit à l’initative économique ADIE

Deux ans après les émeutes de 2005, le regard porté sur les banlieues ne change guère. Or leurs habitants (jeunes) font preuve d’une réelle capacité d’entreprendre

Après la grande explosion d’il y a deux ans, une fois l’émotion retombée, qu’en est-il des quartiers en difficulté, et de ceux qui y vivent ? En difficulté, ils restent, cumulant le triple échec de l’urbanisme, de l’emploi et de l’intégration. Certes, des mesures prises au plus haut niveau de l’Etat commencent à porter leurs fruits et l’annonce du plan banlieue est porteuse d’espoir. Mais la réalité de ces changements est-elle perceptible par les habitants des quartiers et surtout répond-elle pleinement à leurs attentes ? Pour les jeunes, dont 34 % sont au chômage, le présent est-il moins noir ? L’avenir est-il plus ouvert ? Rien n’est moins sûr.

D’après tous les échos du terrain, la vie a repris son cours habituel. Le regard porté par la société sur les quartiers est toujours aussi dénué de confiance. L’insécurité n’a pas diminué. Les forces de l’ordre pénètrent peu dans les quartiers, mais les contrôles se multiplient tout autour, poussant les jeunes à moins sortir de la cité, ce qui contribue à cette logique d’enfermement, qui les désolidarise de la société et fait monter la pression. Les subventions aux associations tardent à être versées et restent aléatoires. Il est donc difficile d’avoir une action forte en faveur de la paix sociale et plus difficile encore de construire des projets de promotion qui n’ont de sens que dans la durée. Le chômage des jeunes, mais aussi des adultes, est toujours présent, en dépit de l’intensification de l’action de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) ainsi que des déclarations et des efforts louables des entreprises en faveur de la diversité.

Certes, personne n’a de recette miracle pour sortir de la crise qui est non seulement une crise d’inégalité des chances, mais aussi une crise de confiance. Cependant, me basant sur l’expérience de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE) - que je préside -, qui travaille depuis dix-neuf ans dans les quartiers et intervient directement dans une centaine de zones urbaines sensibles (ZUS) où elle finance et accompagne cette année la création de 1 700 entreprises, je voudrais clamer quelques évidences que nous partageons avec les habitants.
Les quartiers populaires sont les quartiers de l’avenir.
D’abord parce que leur population est la plus jeune de France - 30 % ont moins de 20 ans contre 23 % au niveau national -, ensuite parce que c’est une population très diversifiée qui préfigure celle de la France de demain. Cette population, contrainte à se débrouiller pour vivre, est une population qui travaille dur, bien que souvent de façon informelle. Comment faire autrement quand on ne peut faire face à la complexité administrative et à la charge écrasante des cotisations sociales pour les petits revenus ? Du coup, la propension à entreprendre est bien plus forte que sur l’ensemble du territoire national (27 % contre 20 % de la population active). Pour les jeunes, elle monte jusqu’à 50 %.
Des jeunes entreprenants ! Quelle chance inouïe dans notre vieux pays ! Seulement voilà, comment créer alors que l’on ne trouve pas de locaux professionnels et que l’on n’a pas accès au capital et à l’accompagnement professionnel ? La réponse à ces questions doit être trouvée en même temps au Parlement et sur le terrain.

Au Parlement, car il faut faire évoluer des lois faites pour une économie industrielle alors que 92 % des entreprises en France ont moins de dix salariés et que près de 40 % des entreprises nouvelles sont créées par des chômeurs. Ces lois engendrent, presque par inadvertance, des situations monstrueuses : une femme qui, en plus de trois heures de ménage le matin, fait un peu de couture l’après-midi - une activité qui lui rapporte 1 500 euros par an - ne peut mener cette dernière qu’au noir car, compte tenu des forfaits minimums de cotisations, elle devrait verser 96 % de ce revenu au titre de la Sécurité sociale. L’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui vient d’être voté - et c’est un grand pas en avant - prévoit la possibilité, à titre expérimental, d’être accompagné par une association et de payer une cotisation faible. Au-delà, c’est tout le cadre institutionnel du travail indépendant qui doit être revu et corrigé car dans une économie postindustrielle fondée sur les services et les nouvelles technologies, ce type d’emploi ne peut que se développer.

Parallèlement, il faut intensifier sur le terrain le financement et l’accompagnement de ceux qui, à défaut d’avoir accès au travail salarié, créent leur propre emploi. C’est l’objet du programme quartiers de l’ADIE, monté avec l’appui des collectivités locales, de l’Etat et de la Caisse des dépôts, ainsi que du Crédit immobilier de France et de BNP Paribas. C’est le but également de CréaJeunes, un projet qui vise à aider 1 000 jeunes de banlieue, dans les deux ans qui viennent, à créer leur entreprise en leur apportant un soutien global en matière de formation, financement et suivi. La première promotion vient de démarrer en Seine-Saint-Denis, mais ce programme soutenu dès à présent par des partenaires publics et privés ne peut se développer qu’avec un appui plus large des collectivités locales et des entreprises. Bien sûr, il ne résoudra pas tous les problèmes, mais il apportera une contribution concrète au développement des quartiers en faisant confiance aux jeunes et en exploitant un immense gisement d’esprit d’entreprise.

Maria Nowak

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