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Le rapport du Sénat (6) : les propos d’Arnold Bac (Ligue de l’enseignement)

14 février 2007

Extraits du site du Sénat, le 05.02.07 : La rapport sur le nouveau pacte de solidarité pour les quartiers

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M. Arnold BAC.- Merci de me donner la parole après les intervenants précédents. Je commencerai par me présenter, parce que je pense que ce que je vais dire n’est pas indépendant de cette présentation. Je suis d’origine instituteur spécialisé en Seine-Saint-Denis, j’y ai vécu la création des ZEP dans les années 1981, j’ai ensuite été à l’administration centrale du ministère de la jeunesse et des sports, où j’ai travaillé sur les politiques éducatives territoriales, puis à la délégation interministérielle à la ville, où je me suis penché sur cette question, et je suis maintenant à la Ligue de l’enseignement.

Une idée paraît importante à la Ligue de l’enseignement : celle qu’aujourd’hui, entre le système éducatif et un certain nombre de jeunes ou d’enfants et leur famille, il existe une rupture qui est de l’ordre d’une perte de confiance réciproque entre les uns et les autres, et qu’il est important de rétablir cette confiance réciproque, qui est souvent malmenée, pour redonner l’espoir, l’espérance et l’appétence à apprendre, pour montrer toute l’utilité de travailler à l’école, pour le dire de façon simpliste. C’est une idée qui est battue en brèche aujourd’hui par les réalités que vivent un certain nombre de jeunes et de leurs familles et il faut lui redonner vie.

Cependant, cette idée ne peut pas être, dans la situation actuelle, le seul fait de l’école. Elle a besoin de travailler avec d’autres, comme cela a été dit par les intervenants précédents. A cet égard, je ferai référence à ce qu’on appelle l’éducation partagée. Les personnels de l’éducation nationale, les services déconcentrés de l’Etat, les associations, les familles, les parents, les jeunes eux-mêmes et les collectivités territoriales ont à unir leurs efforts autour de l’objectif que j’ai évoqué il y a un instant avec des stratégies adaptées suivant les territoires.

Il faut être conscient du fait qu’un certain nombre d’acteurs de terrain vivent les dispositifs qui existent, qu’ils émanent de l’éducation nationale ou du ministère de la ville, comme des choses qui se superposent ou se juxtaposent et dans lesquelles ils ont un peu de mal à se retrouver. Ce n’est pas forcément toujours un sentiment justifié, mais il existe et il faut en tenir compte. Il importe donc de rendre plus visible le sens de ces dispositifs et l’utilité de fédérer les énergies des acteurs que je viens d’évoquer en espérant ne pas en avoir oublié.

Par rapport à cette fédération des énergies, il est à mon avis nécessaire de réaffirmer ici que le cadre de cohérence fédérateur est le projet éducatif territorial, qui doit aboutir à ce que les réalités constatées en termes d’inégalité et de difficulté scolaire soient transformées dans un sens positif. A cet égard, il me paraît important de se dire aussi que toutes les parties prenantes du projet éducatif territorial, quel que soit leur statut, doivent pouvoir voir leurs objectifs reconnus comme légitimes.

Ce ne sont pas forcément les mêmes en termes strictement identiques, même s’ils se rejoignent quelque part, mais ils doivent pouvoir être reconnus parce que, ne serait-ce qu’en termes d’horizon dans le temps, ces objectifs particuliers ne sont pas forcément les mêmes. On peut dire en effet que la vision du temps de l’élu local, de la famille ou d’un service déconcentré de l’Etat qui met en place tel ou tel dispositif n’est pas la même chose mais qu’ils rejoignent tous le même objectif : celui de faire évoluer la situation et de faire en sorte que la démocratie soit réelle, vécue et partagée par tous. Il me paraît donc important que ces partenaires divers et variés acquièrent une culture commune. Je sais que c’est évoqué par rapport à d’autres problématiques, mais l’idée de la culture commune me paraît extrêmement importante. De même, l’idée de méthodes de travail qui seraient à peu près les mêmes facilite ou faciliterait beaucoup les choses.

A mon avis, le point de départ de tout cela est d’avoir, entre tous ces partenaires, dans lesquels je mets évidemment les acteurs de l’éducation nationale, un diagnostic partagé leur permettant de dégager un certain nombre de besoins et de stratégies pour répondre à ceux-ci, qu’ils soient d’ordre éducatif, culturel ou social. Ce sont des choses qu’il me paraît important de mettre en place dès le départ avec, là aussi, l’idée de programmer dans le temps la manière dont ces objectifs peuvent être atteints ainsi que le délai dans lequel ils peuvent l’être et de préparer des modalité d’évaluation et de régulation pour regarder ce que l’on fait, s’en distancier et prendre des mesures de correction et sortir de cette impression qu’ont certains acteurs de continuer à faire la même chose tout le temps sans en voir les résultats, sauf à se heurter un beau jour à une étude ou un article de journal qui semble remettre en cause ce qu’ils font de plein fouet, ce qu’ils prennent très mal, comme je peux parfaitement le comprendre. L’idée de se doter de méthodes d’évaluation et de régulation me paraît donc très importante.

Je pense également qu’il faut mettre en place un lien très étroit avec les projets d’école, les projets d’établissement du second degré et les projets de ZEP et de REP. Nous vivons parfois (sans doute trop souvent, mais je suis peut-être pessimiste) avec, d’un côté, des établissements scolaires du premier et du second degrés (avec la ZEP et le REP) et, de l’autre, le projet éducatif territorial qui essaie de faire le lien alors que tout cela pourrait être mis en synergie si on acceptait un cadre de cohérence commun que j’ai appelé le projet collectif territorial parce qu’il permet de tracer des pistes de développement et de travail commun.

Il se pose aussi - cela a été évoqué pour les ZEP - la question du pilotage du projet éducatif territorial. Même si cela ne paraît pas facile à mettre en place, c’est à mon avis une condition de réussite. Il faut arriver à un pilotage tripartite entre les collectivités territoriales, l’Etat et - je ne le dis pas seulement parce que j’en fais partie - le monde associatif, avec ce qu’il peut apporter en termes de souplesse, d’adaptabilité et de créativité.

Autre point important : la question de la pérennité des financements. Vous savez bien que l’un des grands problèmes des collectivités territoriales et des associations vient de la pérennité des financements et de leur programmation pluriannuelle. A cet égard, il y a quelque chose à inscrire également pour que, dans le cadre d’une évaluation de la régulation (il ne s’agit pas de créer des rentes de situation), on puisse sécuriser sur une certaine durée ― une durée de trois ans ne me paraîtrait pas mauvaise ― les ressources financières qui sont apportées pour mettre en place et installer ces politiques.

J’évoquerai aussi le fait que certains acteurs des projets éducatifs de territoire ont parfois le sentiment d’être traités en intervenants de seconde zone. Leurs représentants ne sont pas ici, mais je pense aux parents et aux familles. D’après ce qu’ils disent sur leur vécu et leur implication dans ces politiques ainsi que sur leur présence dans les conseils d’école ou les conseils d’administration de collèges ou de lycées, ils ont l’impression d’être traités un peu à part et d’être mis de côté. Il est très important, notamment dans les quartiers exposés à des difficultés, de trouver des stratégies pour mettre en avant leur rôle et leurs apports, même si ce n’est pas toujours très facile. Je pense que c’est une donnée importante.

Il en est de même pour les associations locales, qui ont l’impression d’être traitées comme la cinquième roue du carrosse alors que les associations, notamment celles qui sont fédérées et qui ont une histoire, un passé et une expérience, peuvent apporter beaucoup au développement éducatif territorial à partir de ce qu’elles ont pu mutualiser depuis des années et de ce qu’elles peuvent mutualiser en temps réel à travers d’autres lieux que celui où elles exercent par le seul fait qu’elles sont membres d’une même organisation, quelle qu’elle soit.

Un autre point me paraît très important : la politique de formation. Dans les ZEP, il y avait au départ une dimension extrêmement intéressante et prometteuse qui n’a pas pu vraiment se mettre en place : celle des formations communes des acteurs. Sans du tout mésestimer la nécessité de formations spécifiques ― les IUFM en sont un bon exemple ―, il est important que, dans le cadre des politiques éducatives territoriales, il y ait des moments communs de formation entre les différents acteurs, quelle que soit leur origine professionnelle, en y incluant les bénévoles et même les élus et coordonnateurs de politiques éducatives territoriales. Ce sont des moments extrêmement importants et fructueux et je pense que c’est un aspect qui est trop négligé aujourd’hui. Les formations liées aux besoins recensés auprès des personnels et des acteurs présents sur un territoire ne doivent pas être mises de côté.

Je tiens également à évoquer l’aspect du temps des personnels de l’éducation nationale. Je pense que les personnels de l’éducation nationale n’ont pas vraiment vu inscrit dans leur temps de service celui qui permet de travailler avec d’autres acteurs, comme cela a été dit tout à l’heure. C’est un point extrêmement important dont on ne peut pas faire l’économie, si ce n’est en continuant à regretter de temps à autre le peu de moments consacrés au travail commun entre les personnels de l’éducation nationale et les
autres acteurs.

Je conclurai par un dernier point qui concerne les différentes têtes de réseau qui existent autour de ces politiques éducatives territoriales et autour des ZEP, c’est-à-dire aussi bien les administrations centrales des ministères que les organismes comme la Caisse nationale d’allocations familiales, le FASILD, les têtes de réseau associatives ou les associations d’élus. A mon avis, il importe que ces réseaux mettent leurs efforts en synergie pour créer des outils communs d’aide et d’outillage pour les acteurs locaux et pour valoriser ce qui se fait sur le terrain afin que l’on puisse sortir du pointillisme avec lequel, de temps à autre, un organe de presse, à l’occasion d’un événement, met en exergue telle ou telle réalisation positive alors qu’en général, on en parle peu. Je pense que cet effort ne peut aboutir que si les têtes de réseau dont j’ai parlé unissent leurs efforts en cette matière.

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