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En finir avec les idées fausses sur l’école, par Louise Tourret, Edit. de l’Atelier, avril 2024 (analyse par Claude Lelièvre)

17 avril

En finir avec les idées fausses sur l’école
de Louise Tourret
Editions de l’Atelier, avril 2024, 223 pages, 13 euros 50

Cet ouvrage entend débusquer les idées fausses qui pourrissent le débat éducatif et remettre à leur juste place, avec conviction et hauteur de vue, les questions d’éducation dans la société.

"Les profs ne travaillent pas assez"
"Certains enfants ne sont pas faits pour l’école"
"Il faut s’inspirer des pédagogies nordiques"
"Les enfants HPI sont forcément malheureux."
"Il faut une classe par âge."
"L’enseignement privé est forcément de meilleure qualité"... 

Les fausses solutions et les idées reçues sur l’éducation ne manquent pas. Les ministres se succédant au siège de Jules Ferry redoublent de zèle et d’inventivité pour prescrire des remèdes miracles instantanés. De l’uniforme aux vacances, de l’apprentissage professionnel au numérique, des choix pédagogiques aux problèmes de niveau et d’orientation, la plupart des questions qui se posent sont équivoques et leurs réponses souvent partielles et partiales.
Avec malice et de solides références à l’appui, Louise Touret remet en perspective ces débats avec les apports de chercheuses et chercheurs, l’histoire de l’école et les grandes questions philosophiques que nous rencontrons au moment de faire grandir nos enfants et futurs citoyen.nes.
Un livre à mettre entre toutes les mains tant l’éducation est un terrain de tensions politiques et le terreau indispensable à la vie en commun.

 

« En finir avec les idées fausses sur l’école »
Claude Lelièvre
Historien de l’éducation

« Vaste programme ! » avait répondu le général de Gaulle à un tonitruant « mort aux cons ! » lors de l’un de ses meetings. On pourrait en dire autant quant au livre de la journaliste Louise Tourret (spécialisée sur les questions de l’éducation à « France culture ») qui vient de paraître aux éditions de l’Atelier.

« En finir avec les idées fausses sur l’école » est le quinzième ouvrage d’une série qui a commencé en 2014 avec « En finir avec les idées fausses sur les fonctionnaires et la fonction publique » (rédigé par Bernadette Groison). On peut citer en réédition durant l’année 2023 « En finir avec les idées fausses sur la laïcité » (Nicolas Cadène, 2°édition) et « En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite » (Vincent Edin, 3° édition).

Comme Louise Tourret le dit dans son introduction « en quinze ans de journalisme éducation », elle « a pu rencontrer beaucoup d’élèves, d’enseignantes et enseignants, de chercheuses et chercheurs, des responsables d’association ou même des artistes qui ont fait de l’école leur cause » . Les réponses circonstanciées qu’elle donne à un certain nombre d’interrogations sont le fruit médité et ordonné de ces rencontres. C’est ce qui en fait le prix.

« En finir avec les idées fausses sur l’école » ? Louise Tourret est bien placée pour savoir que c’est en toute rigueur improbable, chacun ayant une forte expérience de l’Ecole qui tend à s’imposer (car cette expérience comporte toujours une certaine part de vérité même si elle est toujours partielle et pas forcément généralisable, tant s’en faut).

Louise Tourret en est tout à fait consciente. Et on peut même dire que cela est aussi au fondement, paradoxalement, de sa tentative originale. « Trop de propos et d’opinions reposent sur une connaissance personnelle et partielle de la situation, qui doit beaucoup aux origines sociales, à l’époque, au rapport de nos propres parents à la question et au hasard des écoles et des équipes enseignantes fréquentées. Tout le monde a une expérience à mettre en avant […]. Il faut écouter ces histoires car aucune statistique ne peut rendre compte de la complexité des parcours […] Les récits disent quelque chose du monde, sans avoir valeur de généralité. Ils peuvent fonder un certain rapport à l’école » ( pages 11 et 12)

Louise Tourret conclut son introduction en indiquant l’ambition exigeante mais modeste (en dépit du titre !) qu’elle donne - à juste titre- à son ouvrage : « ce livre n’est pas un énième brûlot pour dire que tout va mal. Ce n’est pas non plus un pensum naïf pour affirmer que tout va bien . Par les travaux que je mentionne, avec les chiffres que je cite, j’invite les lecteurs et les lectrices à réfléchir avec ou contre moi et à interroger leurs présupposés »

Un bon nombre des thèmes qu’elle aborde sont traités par un véritable dossier synthétisant les études et les questions ad hoc . Elles permettent le plus souvent de se faire une représentation informée et diversifiée de l’état du problème posé, et donc d’interroger effectivement les présupposés.

Cela est d’autant plus précieux que Louise Tourret part le plus souvent de questions ou thèmes tels qu’ils apparaissent dans le champ politico-médiatique.

« Les profs ne travaillent pas assez » . « Les enseignants-es sont toujours absents ». « Plus personne ne veut enseigner ». « Les élèves réussissent mieux dans le privé ». « On apprend mieux dans une bonne classe » . « La maternelle, ce n’est pas vraiment l’école ». « Le niveau baisse ». « On est matheux ou littéraires ». « Les élèves sont de plus en plus violents » . « Les parents n’ont pas à intervenir dans le fonctionnement de l’école ». « Certains élèves devraient être orientés plus tôt ». « L’école française nous coûte trop cher ». « Il faut passer davantage de temps à étudier les fondamentaux ». « Pour progresser en orthographe , il faut faire des dictées »

Ses questions ou thèmes de départ sont parfois formulés de façon plus clivante ou quelque peu énigmatique. Mais toujours traités avec un certain sérieux. « C’est au programme, c’est étudié ». « Les tenues scolaires présentent un intérêt pour l’école ». « L’école n’est pas raciste » . « L’école n’est pas sexiste ». « L’école n’est pas classiste ». « Les neurosciences vont transformer l’éducation ». « On compensera avec des cours particuliers ». « Certains élèves ne sont pas faits pour l’école » . « Les enfants HPI sont malheureux à l’école (et dans la vie) » . « La compétition fait progresser les élèves » . « L’école réglera les problèmes de société ». « Réussir , ça se mérite ». « Pour lutter contre le harcèlement, il faut renforcer les sanctions » . « Un cours doit durer une heure ». « Le centre des loisirs, c’est moins bien que le mercredi à la maison ». « Il faut une classe par âge ». « Il faut raccourcir les vacances scolaires pour améliorer les performances ». « L’école tue la créativité ». « Les pédagogies alternatives ont le vent en poupe ». « Le numérique, c’est l’avenir ». « Il faut s’inspirer des pédagogies nordiques » . « La philosophie à l’école, c’est gadget. « On n’est pas là pour rigoler »

On se doute bien que chacun de ces thèmes n’est pas traité sans réplique possible. Et Louise Tourret le sait fort bien. Son ambition est de contribuer à faire bouger les lignes et de secouer les présupposés. « J’invite , a-t-elle dit, les lecteurs et les lectrices à réfléchir avec ou contre moi et à interroger leurs présupposés ». Et cette invitation est tenue.

Louise Touret, « En finir avec les idées fausses sur l’école », éditions de l’Atelier, avril 2024, 223 pages, 13 euros 50

Extrait de blogs.mediapart.fr du 16.04.24

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