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Le rapport 2006 sur la pauvreté en France : territoire et pauvreté

21 mars 2006

Extrait du Rapport de l’ONPES 2006 : Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion

Chapitre 3

Territoires et pauvreté

Ce chapitre présente les résultats de travaux monographiques réalisés dans plusieurs bassins d’emploi de métropole et dans les départements d’outre-mer.

Pour la première fois depuis sa création, l’Observatoire a réalisé un ensemble d’études sur la pauvreté dans les départements d’outre-mer. À partir de l’enquête Budget de familles, il a estimé des seuils locaux de bas revenus et analysé les dépenses et les restrictions de consommation des ménages. La mobilisation des données relatives aux minima sociaux, aux politiques d’emploi et aux politiques locales d’insertion permet de dresser le panorama des réponses publiques apportées dans les Dom pour lutter contre la pauvreté dans des contextes caractérisés par des taux de chômage particulièrement élevés.

En métropole ou dans les Dom, les études locales apparaissent de plus en plus nécessaires car il existe une forte diversité des figures locales de la pauvreté. En outre, ces développements illustrent les apports de l’échange entre les savoirs statistiques et pratiques sur la pauvreté. Ils interrogent nos modalités de capitalisation de la production locale de connaissance.

Non seulement les taux de pauvreté varient fortement sur l’ensemble du territoire mais, surtout, les formes territoriales de pauvreté ne sont pas identiques. Entre la pauvreté des zones industrielles en déclin, celle des zones rurales enclavées, celle des centres-villes des villes moyennes, celle des banlieues des grandes agglomérations ou celle des départements d’outre-mer, il existe des différences significatives. La compréhension des contextes territoriaux est nécessaire à une meilleure prise en compte des situations concrètes, des mécanismes d’entrée et de sortie de la pauvreté.

Depuis vingt ans, notre pays a fait le choix d’une plus grande décentralisation des politiques sociales. Ce choix repose sur le postulat d’une plus grande efficacité, lorsqu’ils sont déterminés au niveau local, des instruments transférés : aide sociale, dispositifs d’insertion et, depuis 2003, gestion de prestations légales (Rmi).

En matière de pauvreté, les fondements de ce postulat sont au moins triples :

 le constat d’une grande variabilité des situations locales (selon une logique de différenciation) ;

 la nécessité de disposer de l’information apportée par la comparaison des expériences locales (selon une logique expérimentale) ;

 le sentiment d’une supériorité de l’action locale participative sur les dispositifs « importés » du niveau national (logique participative).

Chacun de ces fondements, notamment le premier, reste insuffisamment documenté. Les premiers constats faits dans les précédents travaux de l’Observatoire1 ont donné les indications d’une forte diversité des figures locales de la pauvreté, mais les éléments explicatifs de cette diversité restent encore largement à discuter. C’est pourquoi l’Observatoire a estimé nécessaire de lancer de nouvelles études sur ce sujet. Cette carence peut sembler paradoxale en présence d’une littérature abondante et d’une forte demande : en même temps que la décentralisation, se sont en effet développées les obligations de « diagnostic territorial » ou de « schémas » d’organisation à l’échelle départementale ou infradépartementale, qui sont le plus souvent le point d’entrée de politiques contractuelles2 entre collectivités publiques (collectivités locales, État, Caf...) et impliquent la mise à disposition de données locales et d’éléments de comparaison.

Cette carence se manifeste par l’impossibilité de décomposer au niveau départemental les données de taux de pauvreté monétaire. Elle n’est pas propre à la France : la plupart de nos partenaires, encouragés en cela par la Commission européenne dans le cadre du processus des Plans nationaux d’action pour l’inclusion (Pnai), s’interrogent sur la manière d’avoir une déclinaison territorialisée des grands indicateurs de pauvreté.

Dans ce contexte, la réorganisation en cours de notre système d’information sur la pauvreté est marquée par :

 la profusion des observations locales, soit sous forme d’atlas sociaux, soit par la création d’institutions partenariales à vocation généraliste (mission régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes, mission d’information sur l’exclusion sociale en Île-de-France, dispositif régional d’observation sociale en Provence - Côte d’Azur...), soit même par des institutions plus spécialisées (comme les observatoires locaux du logement...) ;

 l’identification de nouvelles têtes de réseau : Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), Observatoire des territoires...

Cette recomposition doit permettre un enrichissement de la connaissance de la pauvreté sans remettre en cause les acquis : les approches plus localisées présentent certes des carences dans la disponibilité et l’actualité des sources statistiques ; elles permettent néanmoins de se situer au plus près de l’expérience vécue de la pauvreté et de l’approcher ainsi dans sa globalité sociale et économique, y compris en mettant en évidence son ancrage dans l’histoire et la culture de chaque territoire.

Les monographies de plusieurs territoires montrent la pertinence des démarches visant à faire dialoguer les savoirs statistiques et d’autres savoirs, notamment celui des travailleurs sociaux, des associations de solidarité et des populations concernées elles-mêmes. En se confrontant, les différentes sources, non seulement se complètent (notamment sur les questions mal prises en compte localement par le dispositif statistique que sont le logement et le poids des communautés culturelles), mais aussi le plus souvent se valident ou, à défaut, établissent les limites de l’état des connaissances, et enfin, parfois, peuvent contribuer à leur adaptation mutuelle.

Il s’agit ici d’analyser la pauvreté non plus seulement comme l’ensemble des caractéristiques dont seraient porteuses les personnes pauvres, conçue de façon binaire comme une catégorie homogène distincte du reste de la société, mais de revenir au sens le plus général de la pauvreté, définie comme la faible capacité des individus à avoir accès à des niveaux de consommation et de revenu, inscrite dans une communauté locale, marquée par sa culture propre, ses difficultés particulières et formant un jeu d’acteurs à double sens avec les politiques publiques.

(...)

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