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Le recteur Daniel Bloch fait le bilan des années Blanquer : (1) Le primaire (avec les dédoublements) (ToutEduc)

27 juillet 2023

Que reste-t-il des années Blanquer ? L’analyse du recteur Daniel Bloch (Chap.1)

Le recteur Daniel Bloch propose aux lecteurs de ToutEduc un bilan des "années Blanquer" en plusieurs volets. Voici le premier. Selon la formule traditionnelle, les opinions qui y sont exprimées n’engagent que leur auteur.

Premier chapitre : l’École primaire.

À sa nomination comme ministre de l’Éducation nationale, en 2017, Jean-Michel Blanquer avait déclaré qu’il engagerait prioritairement deux chantiers, l’un portant sur l’école primaire et l’autre sur l’enseignement professionnel. Quel est le bilan de son action dans ces deux domaines ? Mais quels résultats aussi pour le Collège, un Collège que son successeur, Pap Ndiaye avait, dès son entrée en fonction, qualifié d’ “homme malade du système éducatif“, ce qui impliquait sans doute de sa part l’opinion que son prédécesseur l’aurait par trop négligé, et qui sous-entendait aussi, à contrario, que du côté de l’école primaire et de l’enseignement professionnel, le nécessaire aurait été fait, et qu’il n’y avait qu’à attendre pour en récolter les fruits. Il nous faudra également évoquer la question des lycées, pour lesquels son successeur n’a pu que constater les innombrables difficultés auxquelles ont conduit la réforme des études lycéennes et du baccalauréat général, déstructurés. Sans compter les relations entre les enseignements secondaires et supérieurs, altérées. Il ne s’agit en aucune manière ici d’être exhaustif, l’objectif étant de ne traiter que de ce qui nous apparaît comme essentiel pour l’avenir de l’École. Un choix qui ne sera pas nécessairement partagé.

La priorité à l’école primaire était bienvenue. Tout d’abord parce que la France se situait - en termes de compétences acquises par les élèves - en queue du peloton européen, mais aussi en queue de peloton pour ses taux d’encadrement. Au cœur de l’action engagée dès la rentrée 2017 par Jean-Michel Blanquer, figurait la division par deux des effectifs des classes du Cours préparatoire (CP), dès lors qu’elles relevaient des réseaux d’éducation prioritaire (REP), ces réseaux regroupant des écoles et des collèges ayant les plus fortes proportions d’élèves relevant de milieux défavorisés. Ces dédoublements ont ensuite été étendus, d’abord à la première année du cours élémentaire (CE1) et ensuite à la grande section de maternelle (GS). Or les résultats de cette politique apparaissent aujourd’hui comme d’une ampleur bien décevante.

Tout d’abord, il s’est agi d’une opération engagée sans une formation préalable de l’ensemble des enseignants concernés aux pratiques pédagogiques nouvelles susceptibles de prendre appui sur cette réduction des effectifs. Ici se pose la question, insuffisamment prise en compte, des modes d’implantation des réformes et plus généralement des conditions à réaliser pour leur donner le maximum de chances de réussite. Pour bien faire comprendre ce dont il s’agit, nous prendrons un exemple lié à une expérience conduite à Grenoble puis à Lyon, autour de l’année 2005, une expérience centrée sur les premiers apprentissages dans ce même cycle, s’étendant de la grande section de maternelle jusqu’au CE1, une expérience impliquant notamment un enseignement explicite et structuré axé sur le développement du langage oral et sur l’acquisition du principe alphabétique. Avec, ce qui est essentiel, des périodes d’enseignement en petits groupes de niveau mettant à profit l’existence, en zone d’enseignement prioritaire, de postes d’enseignants en nombre supérieur à celui des classes concernées. Cette expérience, intitulée PARLER, réussit pleinement à Grenoble, où au terme de ces trois années, les élèves de quartiers difficiles ont été hissés au niveau de compétences moyen national où tous les types de classes sont réunis. Mais elle échoue à Lyon. Une première conclusion à retenir aurait consisté à en dénier l’intérêt, au motif que les résultats n’en ont pas été reproductibles. Une différence essentielle cependant : encadrée à Grenoble par une équipe de recherche universitaire, elle l’a été à Lyon selon le mode standard. L’Inspection générale dans son analyse des résultats de ces deux expériences met en avant ce qui, pour elle, est à l’origine des différences des résultats observés : à Grenoble, les enseignants – même s’ils sont désignés et non pas volontaires pour y participer, ce qui aurait constitué un biais – le font avec enthousiasme, un enthousiasme issu des contacts fréquents avec les universitaires en charge de son implantation et de son évaluation, alors que cette implantation, à Lyon, s’était effectuée selon le mode standard. L’Inspection générale en avait alors déduit que cette expérience n’était pas généralisable, l’enthousiasme n’étant pas exportable. Sans une participation active des enseignants à leur définition et à leur mise en place, les réformes, aussi pertinentes seraient-elles, sont condamnées à échouer. On ne peut se satisfaire de fournir le seul mode d’emploi.

Une deuxième remarque se rapporte au champ d’application, trop restreint, de cette réforme. En effet, compte tenu du nombre d’élèves en sérieuses difficultés dans des classes hors REP, mais aussi de ce que tous les élèves en REP ne sont pas en grandes difficultés, quatre sur cinq élèves en difficultés présents dans toutes nos écoles passent ainsi entre les mailles du filet.

Se pose aussi la question de l’efficacité des moyens engagés pour ces dédoublements : la méthode alternative consistant à prendre en charge, en très petits groupes, quelques heures chaque semaine, les élèves les plus en difficultés, sous condition de disposer de “Plus d’enseignants que de classes“ a été trop vite jetée aux orties pour notamment récupérer les emplois liés à ce dispositif et les redéployer, ces emplois s’ajoutant à ceux, d’aubaine, liés à la baisse de la démographie scolaire. À moyens constants, le nombre d‘élèves pris en charge aurait ainsi pu être 3 ou 4 fois plus important et les progrès de ce fait plus conséquents .

On ne peut aussi que s’étonner de la chronologie adoptée pour la mise en place adoptée pour la réduction de la taille des classes : initiée en CP, suivie en CE1 puis, en marche arrière - introduite en grande section de maternelle. Il eût évidemment fallu – comme à Grenoble - commencer par la grande section de maternelle, poursuivre en CP puis enfin en CE1, afin d’être en état de mesurer, dans de meilleurs délais, les effets de ces réductions dès lors qu’elles auraient porté sur trois années successives. Et alors apporter plus rapidement les corrections méthodologiques, si nécessaire. Mais, plus encore, fallait-il la décliner au niveau de ce cycle de trois années ? La recherche établit qu’il eût mieux valu commencer plus tôt, avant d’avoir à faire face à des difficultés de toutes sortes davantage ancrées, plus difficiles à surmonter. Ce qui aurait été le cas avec un cycle – toujours de trois années - engagé de façon plus précoce, s’étendant par exemple de la moyenne section jusqu’au CP, en disposant ainsi de trois années, construites en cohérence, préparatoire, à tous égards, et pas seulement à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, aux deux années du cours élémentaire et aux deux années du cours moyen. On notera ici que ce type de méthode, dès lors qu’elle s’applique sur une année seulement, comme elle a pu l’être au niveau de crèches, mais sans continuité avec l’École maternelle, n’a pu donner que de médiocres résultats.

On doit également mentionner ici la question du mode de recrutement et de formation de enseignants du premier degré, lui aussi en échec. Les candidats au concours d’entrée doivent, depuis 2022, être titulaires du Master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF). Ce qui nécessite cinq années d’études au-delà du baccalauréat, dont trois pour la licence et deux pour le MEEF. En 2022 par exemple, pour les emplois de professeur des Écoles, il y eu 6 582 candidats admis pour “seulement“ 14 112 candidats présents. Pour certains, un ratio entre le nombre de candidats et le nombre de places trop faible. Pourtant, pour la moitié des candidats, ceux qui échouent, il y a ainsi deux années de formation en Master ainsi perdues, coûteuses pour eux-mêmes comme pour les finances publiques. Un mode de recrutement et de formation trop tardif auquel son successeur souhaitait, avec raison, mettre fin.

On pourrait également traiter dans ce bilan “engagé“ la question du calendrier scolaire, et de l’organisation de la semaine, réduite à quatre jours de scolarité, en 2008, sous l’égide de Xavier Darcos, alors qu’auparavant celle-ci en comportait quatre et demie. Avec 144 jours de classe par an, les écoliers français travaillent depuis lors 40 jours par an de moins par que les autres enfants européens. Mais bien davantage chaque jour. Une réforme que l’historien Antoine Prost, en juin 2008, décrivait comme un forfait accompli dans l’indifférence générale, comme un Munich pédagogique. Vincent Peillon, en 2013, décide de revenir progressivement à une situation pédagogiquement plus correcte. D’ailleurs, précédemment, en 2010, auditionné à l’Assemblée nationale, Jean-Michel Blanquer, alors directeur en charge des questions scolaires au ministère, avait violemment critiqué la semaine de quatre jours pour laquelle "le monde des adultes s’est entendu sur le monde des enfants". C’est pourtant le même, une fois Ministre, qui décide, par décret de juin 2017, de s’en remettre aux autorités locales pour fixer les règles en la matière. Un raz-de-marée : la semaine de quatre jours, avec ses longues vacances et ses journées épuisantes - et pas seulement pour les élèves - se généralise, sans que personne – ou presque ne s’en indigne. Au détriment des enfants des familles défavorisées.

Entendons-nous bien : les remarques critiques formulées dans cette Note “engagée“ l’ont été pour tenter de désigner des points de blocage, avec l’objectif de contribuer à les surmonter. Ce qui nous a conduit à passer sous silence diverses avancées à porter en positif au bilan du quinquennat au cours duquel Jean-Michel Blanquer a eu la charge de l’Éducation nationale. Et pour le premier degré, la plus significative d’entre elles est sans doute celle liée à la politique conduite en matière d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Elle mérite d’être signalée. Et d’être confortée.

Extrait de touteduc.fr du 26.07.23

 

Voir le MC Langue Expérimentations : AGIR, PARLER, ROLL.../

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