> Enseignement supérieur et Ouverture sociale > Ouverture sociale > Ouverture sociale (Types de documents) > Ouverture sociale. Positions (et publications) militantes > Des élèves de ZEP dans les grandes écoles dans l’intérêt de celles-ci

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Des élèves de ZEP dans les grandes écoles dans l’intérêt de celles-ci

16 février 2006

Extrait des « Echos » du 14.02.06 : Controverse sur les grandes écoles

Vous la trouvez bonne, vous, cette idée à la mode d’élargir l’accès aux grandes écoles en tenant compte de critères « sociaux » ? Le président de la République a parlé de quotas d’élèves boursiers dans les classes préparatoires, on évoque ici ou là la création de voies spéciales pour les élèves des zones d’éducation prioritaires, comme l’a déjà fait Sciences po. Il est même question de modifier les concours d’entrée pour diminuer l’importance de la culture générale - comme si la culture était un luxe superflu, et non une base indispensable à la compréhension du monde... Au nom d’une conception contestable de l’équité sociale, on est en train de compromettre la qualité de nos futures élites !

 Vous vous alarmez bien vite... Pour ma part, je trouve très positive cette idée d’ouverture. Pas seulement pour des raisons d’équité sociale, mais aussi d’efficacité et d’intérêt général. Ces jeunes gens qui sont, comme vous le dites, destinés à faire partie des élites, sont issus de milieux assez étroits, dans une société de plus en plus cloisonnée : toutes les statistiques le démontrent. Côtoyer des camarades venus de quartiers et de familles beaucoup moins favorisés ne peut que leur ouvrir les yeux sur des réalités auxquelles ils auront sûrement à faire face dans leur vie future.

 Cet élargissement se fera au prix d’une baisse de niveau : c’est le label même des grandes écoles qui est en jeu, et, pour leurs élèves, la valeur de diplômes chèrement acquis. Il y a déjà un précédent, c’est la dévalorisation des diplômes universitaires : évitons de compromettre la partie la plus solide de notre enseignement supérieur !

 Au risque de vous scandaliser, je ne trouve pas très sain un système de sélection qui fige l’avenir des jeunes à vingt ans en établissant une hiérarchie précoce selon le type de formation reçue. Au sommet de la pyramide, les débuts de carrière se distribuent en fonction de la cote de l’école, et parfois du rang de sortie. C’est un tri extra-fin qui valorise peut-être nos grandes écoles dans l’environnement français, mais qui nuit à leur visibilité dans une concurrence mondiale de plus en plus rude : voyez les rangs peu flatteurs qu’elles obtiennent dans les classements internationaux... Bousculer un peu le jeu n’est pas une si mauvaise idée.

 Il faut peut-être réformer les grandes écoles, mais pas au prix de la qualité. Or l’aménagement de filières spéciales, plus « accessibles », risque fort d’abaisser le niveau.

 ... Ou de l’améliorer. Les élèves issus des ZEP n’auront pas le même vernis hérité du milieu familial, la même culture standard que leurs condisciples, mais ils seront peut-être moins conformistes, plus conscients des réalités, dotés d’une expérience humaine plus variée. Par ailleurs, avoir surmonté les handicaps de départ est un gage d’énergie et d’envie d’apprendre. Il y a même des lycées de banlieue où il faut un certain courage pour être le premier de la classe. Votre souci est la qualité de nos futures élites ? Vous devriez vous réjouir que le vivier d’où elles sont issues s’élargisse et se diversifie.

Répondre à cet article