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Les préconisations du CNESCO contre la ségrégation (suite). Entretien du Café pédagogique avec Nathalie Mons et anlyse du Lab Afev

18 juin 2015

Peut-on aller contre le mouvement de ségrégation sociale croissante dans l’Ecole ? Le colloque du Cnesco, début juin, puis la publication des préconisations du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) ouvrent des pistes. Nathalie Mons, présidente du Cnesco, revient sur ces préconisations et sur ce qu’elles impliquent comme changements pour le système éducatif français.

Dans vos préconisations vous utilisez une formule qu’on entend rarement dans l’Education nationale. Vous parlez "d’établissements ghettos". La formule convient-elle vraiment ?
On utilise cette formule car l’objectif de l’étude sur l’évolution de la ségrégation sociale et scolaire c’était de pouvoir voir s’il y avait des concentrations d’élèves défavorisés dans certains établissements. Les données statistiques montrent qu’un élève sur dix étudie dans un établissement où plus de 62% des élèves viennent de familles défavorisées, c’est à dire de parents ouvriers, inactifs ou chômeurs. Le terme se justifie du fait de cette concentration.

Les 100 établissements pour lesquels nous demandons un plan d’urgence ont tous au moins 80% d’élèves défavorisés. Mais c’est localement que les acteurs, éducation nationale et collectivités territoriales, responsables de la politique de la Ville doivent faire le diagnostic et les désigner.

Certes il y a bien une impulsion nationale qui est donnée par le ministère, qui fixe un cadre. Mais le choix des politiques de lutte contre la ségrégation ne peut être fait que localement. La mise en oeuvre aussi. Ainsi nous ne préconisons pas uniquement une nouvelle sectorisation avec plusieurs collèges par secteur. Il y a d’autres solutions possibles comme, par exemple la carte scolaire mouchetée. On s’est rendu compte que même dans les zones urbaines très concentrées il y a des ilots favorisés .

Mais ces solutions supposent que les collectivités territoriales jouent le jeu. Dans la situation politique actuelle est ce probable ?
Pour le Cnesco, il est clair que faire une politique de mixité sociale suppose de la durée et un consensus national. Le sujet est tellement grave que le débat sur cette question ne peut pas être idéologique. Il faut arrêter ensemble de créer une bombe à retardement. On n’est pas dans un débat droite - gauche. D’ailleurs début juin, le colloque a accueilli des collectivités territoriales de gauche et de droite. Quand on regarde ce qui se fait sur le terrain on voit bien que peu de collectivités territoriales ont vraiment travaillé la question aussi bien à droite qu’à gauche. Il n’y a pas de corrélation entre la couleur politique et les politiques menées.

Vos préconisations accordent une grande place aux parents. Il s’agit juste de les convaincre ?
C’est un des enseignements des interventions étrangères lors du colloque. L’exemple américain montre que les politiques volontaristes, comme le busing , ont échoué parce qu’en général les parents ont obtenu leur annulation. En Belgique on a vu que la politique nationale d’affectation des élèves, appuyée sur les différents décrets, est remise en cause également par les parents.

La conclusion c’est qu’on ne peut avoir de politique efficace et durable de mixité à l’Ecole qu’avec le soutien des parents. Les parents aisés doivent être conscients de l’intérêt qu’ils ont à scolariser leur enfant dans des écoles à population mixte. Le colloque a donné des exemples intéressants de cette évolution des parents. Par exemple la création d’écoles bilingues aux Etats-Unis où le brassage avec des élèves hispaniques facilite l’apprentissage en immersion de l’espagnol.

En France sur quoi pourrait reposer cette évolution ?
Il est clair qu’il faut que les propositions de ces écoles qui recherchent davantage de mixité séduisent les parents. Cela peut être par leur proposition pédagogique et un encadrement intéressant qui suive vraiment les élèves. Il faut ajouter que pour que l’offre et la confiance existent il faut que l’école s’ouvre aux parents. Il faut que les parents puissent dialoguer avec l’équipe et pas seulement quand il y a des problèmes. Ainsi la confiance peut se créer et les parents, au début peu favorables à une école ayant mauvaise réputation, finiront par se dire qu’ils ont fait le bon choix.

Pour arriver à ce résultat il va falloir du temps. L’exemple néerlandais montre aussi qu’il faut aider des groupes de parents à apparaitre. En France, dans l’exemple de Toulouse Le Mirail , il a fallu trois ans pour que le taux d’évitement commence à baisser.

Aujourd’hui les établissements défavorisés sont ceux où vont les enseignants expérimentés, où les professeurs absents ne sont pas remplacés. Ce que vous demandez implique une autre politique de gestion des moyens dans l’Education nationale ?
Il faut exiger de l’Education nationale que l’offre scolaire soit identique dans tous les établissements. C’est vraiment la condition première.
Propos recueillis par François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 17.06.15 : N. Mons : Contre la ségrégation, commencer par assurer une offre scolaire identique dans tous les établissements

 

[...] Or, le système éducatif français ne se donne pas les moyens de remédier au problème. Ses outils traditionnels, l’éducation prioritaire et la carte scolaire, ne sont pas adaptés, insiste Georges Felouzis. L’affectation par la carte scolaire peut avoir tendance à importer le séparatisme urbain dans l’école. Quant à l’éducation prioritaire, elle n’a pas pour objectif premier de lutter contre la ségrégation mais d’en limiter les conséquences. La ségrégation peut même se renforcer quand il y a contournement d’un établissement en raison de son « label » ou de sa réputation. [...]

Extrait de lab-afev.fr du 26.06.15 : liberté égalité mixité

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