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Colloque international Éducation et inégalités, CNRS, mai 2023 : synthèse et extraits : discrimination sociale, maternelle précoce, mixité sociale, cités éducatives... (à suivre)

27 février

Cnrs
Colloque international Éducation et inégalités

Synthèse complète
15, 16, et 17 mai 2023
44 p.

TABLE DES MATIERES

Edito 3

PARTIE 1 Comment améliorer les apprentissages et réduire les inégalités
à l’échelle de chaque apprenant
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 04

VERS UN NOUVEAU MODÈLE DE L’ÉDUCATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .05
Enseignants : prendre en compte la diversité des apprenants . . . . . . . . . . .05
En présentiel / à distance
Diversifier les ressources et les rythmes d’apprentissage
Faire comprendre le sens des apprentissages
Différencier les évaluations
Apprenants : s’emparer du pouvoir d’apprendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 07
Facteurs génétiques
Facteurs émotionnels et familiaux
Facteurs cognitifs

LES INTERVENTIONS POUR AMÉLIORER L’APPRENTISSAGE . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Le recours au numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
L’impact de la musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Des outils plus inclusifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Accès à la lecture pour tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

PARTIE 2 Identifier et contourner les facteurs sociaux et territoriaux
des inégalités d’accès à l’éducation
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16

DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE À L’INTERCULTURALITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Dis-moi comment tu comptes et je saurai d’où tu viens . . . . . . . . . . . . . . . 17
Favoriser l’estime de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Dis-moi quelle langue tu parles et je t’apprendrai mieux . . . . . . . . . . . . . . 19

REPÉRER LES MÉCANISMES DES INÉGALITÉS ÉDUCATIVES . . . . . . . . . . . . . . . . .20
Discontinuité culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Discrimination systémique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20
Discrimination ethno-raciale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Discrimination socio-économico-culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

PARTIE 3 Lutter contre les inégalités : des politiques publiques
aux pratiques pédagogiques
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

L’ÉCOLE À LA MAISON : LES LEÇONS D’UNE EXPÉRIMENTATION IMPOSÉE . . . . . . . . 27
Obstacles numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Obstacles socio-culturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28
Obstacles structurels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

DES POLITIQUES PUBLIQUES AUX EXPÉRIMENTATIONS… ET INVERSEMENT . . . . . . . .30
Politique contractuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30
Classes inter-degrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30
Accueil précoce à la maternelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30
Sections internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Sectorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

L’ÉDUCATION INCLUSIVE : AVEC TOUS, POUR TOUS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Les cités éducatives
L’éducation inclusive comme moteur de transformation des pratiques enseignantes 34
Promouvoir et diffuser la recherche sur les inégalités éducatives . . . . . . . . . . 35
Disposer de données fiables, objectives et accessibles . . . . . . . . . . . . . . . 35
Développer la médiation entre la recherche et le monde de l’Éducation . . . . . . 35
Faire appel à des « passeurs de science » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36
Nourrir la réflexion sur les inégalités éducatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Nourrir la réflexion sur les pratiques des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . .38
La formation des enseignants : un enjeu véritable . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

FOCUS SUR LE PROGRAMME PISA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

FOCUS SUR LE RÉSEAU THÉMATIQUE PLURIDISCIPLINAIRE DU CNRS
sur les recherches autour des questions d’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Cette synthèse a été réalisée par Sophie Dotaro, Amphibecom, avec le précieux concours de Grégoire Borst et Nicolas Vibert, co-responsables du Réseau Thématique Pluridisciplinaire Éducation du CNRS

Extrait de sfere.hypotheses.org. de février 2024

 

EXTRAITS

(page 22) DISCRIMINATION SOCIOÉCONOMICO-CULTURELLE
Florence le Hebel, en présentant le fruit d’une recherche collective et interdisciplinaire réunissant didactique, psychologie, sociologie, et sciences du langage, confirme l’influence du statut socio-économico-culturel des élèves sur la manière dont ils mobilisent leurs connaissances. Le but ultime des chercheurs est d’établir un modèle prédictif des difficultés de compréhension et d’acquisition de composantes de la culture scientifique à la fin de l’école obligatoire (15-16 ans) qui sont potentiellement discriminantes pour les élèves selon leur statut socio-économico-culturel (SSEC) et
leur niveau de performance. En s’appuyant sur les exercices proposés en sciences dans le cadre des enquêtes PISA 2015, la chercheuse a d’abord analysé les échanges verbaux et observé les gestuelles d’un échantillon d’une cinquantaine d’élèves pendant des travaux de groupe menés sur ces exercices. Les élèves étaient répartis en quatre groupes : SSEC favorisé/performants, SSEC favorisé/non performants, SSEC défavorisé/performants et SSEC défavorisé/non performants. Puis elle a étudié précisément la manière dont chacun mobilise différents niveaux de représentation mentale pour
résoudre la question scientifique posée : compréhension de l’énoncé, mémorisation des mots et des phrases, structure sémantique du texte et processus d’association avec les connaissances antérieures. La chercheuse a ainsi identifié les stratégies des élèves performants, quel que soit leur SSEC.
« Ils possèdent une grande capacité d’argumentation et de remobilisation des connaissances dans différents contextes, alors que les élèves en difficulté changent de représentations mentales sans arrêt pour répondre aux questions », précise-t-elle. En réalité, ce qui distingue les élèves performants issus des milieux défavorisés, c’est la manière dont ils vont expliquer leurs résultats scientifiques, en se référant à la vie quotidienne. « Ils utilisent leurs expériences de la vie quotidienne directement comme des explications, alors que les élèves de SSEC favorisé les utilisent comme des exemples
de leur explication ».
Florence le Hebel et ses collègues ont conforté ces résultats par une étude statistique portant sur 16 sources potentielles de difficultés rencontrées par les élèves, réparties en trois catégories, lors de l’élaboration d’une réponse à une question scientifique (voir encadré page 25).
« Nous avons constaté que les populations de haut niveau de performance et de bas niveau de performance ne sont pas homogènes, au sens où les sources de difficulté qui posent problème aux élèves ne sont pas les mêmes selon leur milieu social ».
La source de difficulté la plus discriminante, celle qui génère le plus d’écart entre les élèves de SSEC favorisé et ceux de SSEC défavorisé, est la complexité cognitive de l’exercice, quel que soit le niveau scolaire des élèves. Les élèves de milieu défavorisé, quelles que soient leurs performances académiques, ont en effet du mal à acquérir un niveau scientifique élevé, notamment parce qu’ils ont
beaucoup moins d’opportunités de développer des raisonnements complexes au quotidien dans leurs interactions sociales, ou dans leurs activités extrascolaires. Dans ce contexte, le rôle compensatoire de pratiques pédagogiques ou des politiques éducatives peut-il se limiter aux élèves de milieu défavorisé ayant de faibles performances ? Ce constat fait écho aux diverses enquêtes révélant leur faible proportion parmi les élèves des classes préparatoires et des grandes écoles.
« Les études se focalisent toujours sur l’opposition entre performants/ favorisés et non
performants/défavorisés, or il existe toute une communauté invisible : les élèves performants de milieu défavorisé », remarque la chercheuse.

A l’inverse, Mélanie Maximino Pinheiro (LaPsyDé, Paris) s’est tournée vers les élèves en difficulté des milieux favorisés. « On s’intéresse beaucoup aux élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés mais quid des autres, interroge la chercheuse, ceux issus de milieux socio-économiques plutôt favorisés, qui peuvent aussi être confrontés à des difficultés académiques ?
 ». Elle a remarqué dans son étude que certains élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés avaient de bonnes performances académiques, alors que certains élèves issus de milieux socio-économiques favorisés ne réussissent pas aussi bien qu’attendu (45% de l’échantillon). Elle explique
que ces variations seraient liées à des caractéristiques cognitives différentes des élèves qui réussissent par rapport à ceux qui ne réussissent pas, quel que soit leur milieu socio-économique.
« Les analyses émotionnelles, cognitives et métacognitives ont montré que les élèves qui réussissent sont des élèves résilients, heureux à l’école, avec un meilleur concept de soi académique, moins de difficultés en mémoire de travail, et plus de connaissances métacognitives. On peut considérer ces caractéristiques comme des facteurs protecteurs pour la réussite scolaire des élèves de milieux socio-économiques défavorisés ». Sans remettre en question les études sur les inégalités éducatives liées à l’origine socio-économique des apprenants, ce travail permet de montrer que le statut socio-économique et la réussite académique ne sont pas toujours liés, et que des analyses des profils cognitifs permettraient de mieux comprendre les différentes associations qui peuvent exister entre statut socio-économique, milieu d’origine et réussite académique. Ces résultats doivent également amener à reconsidérer les pratiques pédagogiques. Comment, en effet, l’enseignant peut-il mieux prendre en compte la présence de ces différents types d’élèves dans sa classe de sciences ? « Au lieu de se contenter d’enseigner des phénomènes scientifiques restreints, ne mettant en jeu que des relations logiques très simples11, l’enseignant en sciences devrait inciter les élèves à développer un raisonnement complexe ou créatif en interrogeant en permanence la compréhension de l’objet
scientifique dans toute sa complexité, et en promouvant le développement d’une résolution de tâche en plusieurs étapes » répond Florence le Hebel.

&nbsp :

(page 25)
IDÉES-FORCES Le niveau d’éducation parentale ne constitue plus un facteur protecteur de la réussite scolaire pour les enfants de parents immigrés.
Les élèves de milieux sociaux défavorisés ont un niveau en sciences moins élevé que les élèves
de milieux sociaux plus favorisés car ils ont moins d’opportunités de développer des raisonnements complexes dans leur vie quotidienne.
La fermeture des écoles spécialisées au Canada, conçues pour promouvoir l’école inclusive, n’a pas nécessairement eu les effets bénéfiques escomptés.
Les enfants de milieux sociaux défavorisés qui réussissent à l’école (résilience académique) se distinguent par de meilleures compétences émotionnelles, métacognitives et exécutives.
 

(page 30
ACCUEIL PRÉCOCE À LA MATERNELLE
Au tout début de la chaîne éducative, Estelle Herbaut s’est intéressée9 à la politique française de l’accueil précoce à l’école maternelle (dès 2 ans), qui cible depuis une dizaine d’années les enfants des quartiers défavorisés. Quels en sont les effets sur le développement des enfants et la réduction
des inégalités éducatives ? Globalement positifs, selon son analyse, mais l’impact de la scolarisation précoce est plus marqué sur e développement moteur, et reste relativement peu important sur les compétences sociales et langagières de l’enfant, avec toutefois un bénéfice accentué pour les élèves de milieux défavorisés, et les élèves ayant un niveau de compétences langagières en dessous de la médiane avant la scolarisation précoce.

 

(page 32)
SECTIONS INTERNATIONALES [et Mixité sociale]
Aude-Line Gervais (laboratoire TELEMME, Aix-en-Provence) a étudié les effets de l’implantation d’une section internationale (où les élèves dont les parents appartiennent à des catégories socio-professionnelles favorisées sont sur-représentés) dans un collège REP+ d’un des arrondissements
marseillais les plus pauvre d’Europe.10 Les premiers résultats observés à l’échelle de l’établissement sont plutôt concluants, la classe était complète dès la première année (24 élèves) et a attiré environ 30% d’élèves provenant d’autres collèges. Toutefois, ces élèves provenaient de collèges voisins eux
aussi REP+ avec un profil social des élèves similaire. En conséquence, l’ouverture de cette section internationale visant à plus de mixité sociale a aussi eu pour effet de priver les collèges REP+ voisins de certains de leurs « bons » élèves : la déségrégation du collège accueillant la section internationale et son changement d’image se sont donc opérés au détriment des collèges REP+ voisins.

(page 32)
SECTORISATION
En dépit du critère du lieu d’habitation qui prévaut pour les affectations des élèves en collège public, les parents ont toutefois la possibilité de demander une dérogation, soit pour inscrire leurs enfants dans un autre collège public, soit pour les inscrire dans un collège privé. Selon Audrey Chamboredon
(CRIS, Paris), ces choix, courants dans les classes sociales moyennes et supérieures, entraînent une augmentation de la ségrégation sociale à l’école et contribuent à créer des conditions de scolarisation inégales entre des élèves de milieux sociaux différents. La chercheuse a comparé les choix scolaires des familles des agglomérations de Lille et de Toulouse.11 On observe en effet dans ces deux villes des effets distincts de la sectorisation, dus à des situations urbaines et démographiques et des comportements des familles différents. Lille se caractérise par un niveau de ségrégation scolaire et
un taux d’élèves scolarisés dans le privé très élevés, alors que ces indices sont plus bas à Toulouse. « Au niveau des politiques publiques, les différenciations entre ces deux métropoles et leur contexte urbain appellent des solutions différentes. La sectorisation toulousaine fonctionne bien dans un contexte où l’augmentation démographique implique de redessiner régulièrement les secteurs scolaires, et ou le secteur privé est moins accessible, car concentré dans le centre-ville. A Lille, en revanche, où la moitié des élèves ne sont pas dans un enseignement sectorisé car ils sont dans le
secteur privé, la concertation entre les acteurs de l’enseignement (public et privé) parait plus adaptée pour faire face à la ségrégation à l’école ».
IDÉES-FORCES
La crise sanitaire a aggravé les inégalités éducatives entre les élèves (et les étudiants) issus des milieux défavorisés et les autres.
L’Allemagne et la France mènent des expérimentations pour réduire les inégalités, mais les temporalités d’implémentation diffèrent entre les deux pays : 5 ans pour l’Allemagne, 1 an pour la France.
La scolarisation dès l’âge de 2 ans des enfants à l’école maternelle dans les quartiers défavorisés améliore le développement moteur, mais dans une moindre mesure les compétences sociales et langagières, même si le bénéfice est plus important pour les élèves de milieux défavorisés.
Les dispositifs de déségrégation scolaire doivent être adaptés aux particularités des territoires, notamment en fonction du taux d’élèves scolarisés dans le privé et de la facilité d’accès de ces établissements privés.

 

(page 33) LES CITÉS ÉDUCATIVES
Attention toutefois au brouillage des rôles éducatifs des partenaires sur un même territoire, tempère Marie-Charlotte Allam (laboratoire PACTE, Grenoble) qui a mené une enquête ethnographique dans trois « cités éducatives »12 en s’intéressant à la manière dont les professionnels de l’éducation enseignants, animateurs, intervenants associatifs, travailleurs sociaux, etc.) s’emparent de la question du partenariat éducatif au sein de ces communautés. L’objectif des cités éducatives est de promouvoir
une approche globale des problèmes éducatifs. Toutefois, pour la chercheuse, que les partenariats portent sur des objets scolaires ou non (même s’il s’agit d’un « atelier potager » par exemple), seuls les objectifs formels d’apprentissage priment, ce qui entraine une confrontation entre les différentes cultures professionnelles et crée des tensions en lien avec les méthodes éducatives utilisées.

 

Note du QZ : Peut-on espérer que le Cnrs publie ultérieurement le texte intégral de l’ensemble des contributions de cet important colloque au cours duquel des recherches menées en éducation prioritaire ont été souvent citées ?

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