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- Echanges tendus entre les syndicats et la ministre - Mixité sociale : une lettre à la ministre de Djéhanne Gani, professeure de collège en éducation prioritaire (Le Café)

16 janvier

Syndicats et Amélie Oudéa-Castéra : échanges tendus

Dès lundi matin, le soutien à la ministre de l’Éducation nationale commençait à faiblir du côté du gouvernement. Prisca Thevenot reconnaissait ne pas savoir si la ministre « a menti » sur les raisons du passage de son ainé dans le très conservateur établissement privé Stanislas. En déplacement avec le ministre de l’Intérieur en Seine-Saint-Denis, la ministre a demandé « de clore ce chapitre des attaques personnelles ». Quelques heures après, Amélie Oudéa-Castéra débutait ses rencontres bilatérales avec les organisations syndicales représentatives. Avec les événements des derniers jours, les rencontres s’annonçaient tendues. Elles le furent.

C’est la FSU qui a débuté le bal de ces rencontres. « On a coupé court à la discussion au bout d’une heure vingt », nous a déclaré Sophie Vénétitay du Snes-FSU. « Lors de son propos liminaire, la ministre a beaucoup été sur le terrain personnel pour évoquer la polémique Stanislas, en expliquant qu’elle était très émue, qu’elle avait un attachement à l’École publique, mais que là il s’agissait de choix personnels. On lui a répondu que, nous en tant que représentants syndicaux, ce qui nous intéressait c’était un échange avec la ministre de l’Éducation nationale pas avec la personne. On lui a donc fait part de l’émotion et la colère ressenties par la profession à la suite de ses propos. Elle a redit ses regrets. Nous avons donc demandé des excuses publiques, elle n’a pas répondu sur ce point-là ». Autre sujet de désaccord avec la fédération : la feuille de route de la ministre qui ne dévie pas de celle de son prédécesseur – choix des savoirs, « régénération du métier enseignant » et bien-être des élèves à l’école. Pour la FSU, conditions de travail et salaire – avec abandon du pacte, sont des préalables au dialogue social. « On a mis fin à la réunion puisque finalement elle a reconnu qu’elle ne dévierait pas de sa feuille de route ».

En début d’après-midi, c’est l’UNSA éducation qui était reçue rue de Grenelle. Et là encore, le bilan n’est guère brillant même si la réunion est allée jusqu’à son terme. « La ministre est revenue sur la polémique et ses propos pour justifier la scolarisation de ces enfants au collège Stanislas, les regrettant et affirmant son attachement à l’École publique. Pour notre fédération, ces propos sont désastreux sur le fond pour l’École publique et ses personnels » écrit la fédération dans un communiqué. « De plus, ils empêchent de s’occuper des vraies urgences de l’École, et donc de traiter trois sujets majeurs pour notre système éducatif : la mixité sociale en posant la question de la responsabilité de l’enseignement privé, l’inclusion et enfin l’attractivité des métiers. Ce dernier enjeu est essentiel… Il intègre à la fois la problématique des conditions de travail et notamment la taille des classes, l’aménagement des locaux ou encore la baisse de la pression sur les résultats. L’attractivité implique aussi une meilleure gestion des ressources humaines et une prévention des risques psychosociaux. La question des rémunérations est enfin essentielle pour TOUS les métiers ». L’UNSA Éducation qui dénonce « la logique délétère du Pacte » a exprimé « son désaccord fondamental avec les mesures annoncées dans le cadre du « choc des savoirs », où le « bon sens » supposé est démagogiquement mis au même niveau que les travaux de recherche ». « Cette vision passéiste et conservatrice de l’École renonce à l’ambition de démocratisation et va accroître les déterminismes sociaux dans l’orientation. Les injonctions sur l’organisation des classes, le choix des manuels et l’utilisation de telle ou telle méthode pédagogique nient l’autonomie professionnelle des différents métiers de l’éducation, qui est pourtant un levier important pour agir sur l’attractivité des métiers. C’est pourquoi l’UNSA Éducation combattra cette politique éducative de toutes ses forces », conclut le syndicat.

Aujourd’hui, la ministre devrait continuer de recevoir les syndicats. Peu de chances que les échanges soient plus cordiaux…

Lilia Ben Hamouda

Extrait de cafepedagoique.net du 16.01.24

 

Merci madame la Ministre

Djéhanne Gani est enseignante, professeure dans un collège public d’éducation prioritaire et attachée à l’école publique. Comme beaucoup de ses collègues, elle s’est indignée des propos tenus par la Ministre mais se réjouit que ces derniers permettent de lever le voile sur le sujet essentiel qu’est l’absence de mixité dans certains établissements scolaires français.

Merci madame la Ministre,

D’avoir remis à l’idée du jour dès les premières heures de votre mandat la question centrale – souvent esquivée – de l’enseignement privé sous contrat, un sujet majeur de l’École.
Comme vous, je fais partie des nombreux citoyens, préoccupés par l’éducation des enfants de la République, de tous nos enfants. Comme vous, nous leur souhaitons une éducation de qualité épanouissante et heureuse. Le choix du service public d’éducation doit être fait pour eux, comme pour notre démocratie.

Alors que certains craignaient l’effacement de l’éducation nationale dans votre large portefeuille, vous avez su démentir cette crainte et nous vous en remercions. L’école publique mérite d’être au cœur du débat public. Grâce à vous, c’est aujourd’hui le cas, et vous en avez saisi l’enjeu et le levier principal : oui, il est urgent et nécessaire de débattre de l’école privée sous contrat, financée à trois quart par l’argent public au service des familles souvent les plus favorisées. En effet, comme vous devez le savoir, cette école « subventionnée », n’est soumise à aucune condition de mixité sociale ou de carte scolaire. Or, elle est un (f)acteur de l’absence de mixité, notamment dans la capitale. Les données du ministère sont des preuves de la non-mixité révèlent l’épreuve de la mixité. L’enjeu n’est-il pas social et politique dans un contexte de creusement des inégalités et des reproductions de celles-ci dans une École inégalitaire, de plus en plus ségréguée ? L’état des lieux est sans appel : le privé sous contrat accueille deux fois plus d’élèves socialement très favorisés que les établissements publics et deux fois moins d’élèves défavorisés, avec un écart particulièrement marqué dans les agglomérations. La mise en concurrence joue un rôle dans le séparatisme social et scolaire, fragilisant l’école publique.

Enfin, merci d’avoir rassemblé les citoyennes et citoyens – partis politiques, syndicats enseignants comme des personnels de direction, fédérations des parents d’élèves – tous attachés au service public d’éducation, s’inquiétant du recul de la mixité sociale et scolaire comme de ses effets délétères.

Oui, les services publics, et donc l’école publique, sont la priorité qui rassemble les Françaises et les Français. C’est une des préoccupations fondamentales et quotidiennes à laquelle il est de votre responsabilité de répondre, au nom de l’intérêt général et commun. L’affaiblissement de l’École publique et le recul de la mixité jouent un rôle dans l’affaiblissement des liens sociaux et dans la perte de confiance dans l’École et les institutions en général. L’Etat ne doit-il pas s’assurer que l’éducation reste un service public, un bien commun, gratuit et équitable pour toutes et tous ?

Vous pointez les heures de cours manquées, vous avez raison, aujourd’hui cette question est d’autant plus préoccupante que le métier peine à recruter, que des postes sont supprimés et que les postes de remplacement manquent depuis des années. Si les raisons en sont multiples, il existe deux leviers d’action possibles à très court terme et aux effets immédiats. Augmenter les salaires des enseignants et réduire les effectifs des classes permettraient à la France de rejoindre la moyenne des pays européens, et garantiraient de meilleures conditions de travail comme d’apprentissage. Le climat scolaire, le bien-être dans la classe pour les enfants comme les enseignants seraient améliorés, ce qui ne manquerait pas d’avoir des effets bénéfiques sur des résultats, la prise de parole, le temps accordé à chaque élève, les pratiques pédagogiques. Ensuite, à moyen terme, favoriser les conditions de la mixité sociale et scolaire relève de la cohésion nationale et sociale, pour réconcilier et apaiser notre démocratie. Transformer l’école et l’ouvrir à des pratiques manuelles et de débat philosophique pour tous les enfants de la République déhiérachiserait les savoirs et leur perception sociale en rendant l’école plus accueillante à tous les talents.

Il faut aimer l’école publique, la chérir, la protéger : faisons le défi de l’apprendre et du faire, ensemble, durant le temps de la scolarité pour une éducation « nationale » en actes, faisant nation. Et si une éducation commune, ouverte à l’altérité, éduquait à la démocratie et faisait vivre la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » ?

Djéhanne Gani

Extrait de cafepedagogique.net du 16.01.24

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