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La ZEP de Saint-Pierre-des-Corps citée dans un article sur la scolarisation à 2 ans

30 août 2006

Extrait du « Monde » du 30.08.06 : Pour ou contre l’école à 2 ans

Faut-il scolariser les enfants dès 2 ans ? A l’heure de la rentrée des classes, le sujet - controversé - refait surface à l’occasion de la parution d’un ouvrage collectif hostile à cette pratique. Codirigé par Claire Brisset, qui vient de quitter ses fonctions de défenseure des enfants, et Bernard Golse, pédopsychiatre, ce livre compile les points de vue de professionnels de l’enfance qui, chacun dans son domaine, développent les inconvénients d’une scolarisation des tout-petits (L’école à deux ans. Est-ce bon pour l’enfant ?).

On ne trouve guère de pédopsychiatres pour défendre une scolarisation précoce. De leur point de vue, elle néglige le développement psychoaffectif des enfants, qui ont besoin, jusqu’à 3 ans, d’un environnement adapté à leurs besoins, en petits groupes et non pas dans des classes d’une vingtaine d’élèves, avec dans le meilleur des cas, une aide en la personne d’un agent territorial spécialisé.

Les études du ministère de l’éducation nationale l’attestent : mettre son enfant dès 2 ans à l’école apporte un avantage faible du point de vue des acquisitions scolaires par rapport à une scolarisation à 3 ans, sauf pour les enfants étrangers et issus de l’immigration ainsi que pour les enfants de cadres. Mais, plaide Bernard Golse, chef du service pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris, le développement à cet âge-là "ne se joue pas en termes d’apprentissage. La plupart des enfants ont besoin d’autre chose que de l’école, qui ne leur laisse pas le temps d’organiser les bases de leur sécurité intérieure et leur fait courir des risques d’inhibition et de passivation".

Du point de vue du langage, les tout-petits n’auraient rien à gagner non plus à fréquenter très tôt l’école. "L’acquisition du langage dépend de la médiation bienveillante et exigeante dont va bénéficier l’enfant, explique Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université Paris-V-Sorbonne. A cet âge, il a besoin d’un rapport quasi individuel avec l’adulte et, de ce point de vue, l’école ne propose pas une solution honorable."
Si l’on ajoute à cela le fait que les locaux scolaires sont peu adaptés aux tout-petits, que les rythmes veille-sommeil n’y sont pas forcément respectés, que la formation des maîtres ne prend quasiment pas en compte les besoins très spécifiques de cette classe d’âge, on s’interroge sur l’intérêt de la démarche.

Et pourtant, l’école accueille environ un quart des enfants de 2 ans à 3 ans. Cette scolarisation précoce s’est développée à partir des années 1960 alors que les mères étaient de plus en plus nombreuses à travailler. Faute souvent d’autres modes de garde, elles ont trouvé avec l’école un mode d’accueil qui de plus est gratuit.
Agnès Florin, professeur de psychologie à l’université de Nantes et spécialiste de la scolarisation des enfants de 2 ans à 3 ans, estime que les pédopsychiatres ont vite fait d’imputer à la seule scolarisation précoce des troubles qui relèvent d’autres variables. "J’attends des pédopsychiatres qu’ils nous montrent des enquêtes généralisables sur les désavantages de la scolarisation des tout-petits comparés à d’autres modes de garde", commente-t-elle.

Pour l’heure, les différents travaux ne vont pas dans ce sens. "Toutes les études disponibles montrent un avantage de la scolarisation avant 3 ans au moins dans le développement du langage", assure Agnès Florin. Mais ces travaux s’attachent surtout à comparer les activités et les acquisitions des enfants plutôt que l’impact sur leur développement psychoaffectif. Seule une étude sur la qualité de l’attachement menée auprès de 173 enfants (Agnès Florin et Solène Macé) montre que les tout-petits se sentent autant sécurisés par l’adulte, qu’ils soient en crèche ou à l’école maternelle.

Sur le terrain, certains enseignants considèrent que ça n’est pas leur métier que d’accueillir des tout-petits, d’autres le font avec passion. Comme Sylvie Lenoble, directrice d’une école en zone d’éducation prioritaire (ZEP) à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). "Ce n’est pas tout à fait le métier que l’on apprend à l’IUFM (qui forme les professeurs des écoles). Il faut appliquer une pédagogie différente de celle qu’on nous a enseignée."
Cette enseignante chevronnée, qui accueille dans sa classe des tout-petits de milieux modestes et d’origine étrangère, considère qu’il est "essentiel de les aider à entrer tôt dans la culture de l’école souvent très éloignée de la leur".

Dans sa classe, chaque enfant reçoit une attention particulière. "Il est primordial de s’intéresser individuellement à lui et de ne pas le faire entrer brutalement dans le groupe", insiste-t-elle. Dans la classe, doudous, tétines, couches sont les bienvenus. Les mamans aussi. "Le premier mois, elles peuvent rester toute la matinée si elles le souhaitent, ou même repartir avec leur enfant si cela est trop difficile, poursuit Sylvie Lenoble. Mon idée, c’est de faire une sorte de passerelle entre l’école et la famille."

Pour autant, sa pratique n’apparaît pas majoritaire. "L’école maternelle a fait ses preuves et il faudrait pouvoir accueillir tous les enfants de 2 ans, quand les parents le souhaitent, dans les meilleures conditions", considère Lucile Barberis, présidente de l’Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques. Mais, reconnaît-elle, "tous les enseignants ne sont pas prêts, tous les enfants et toutes les familles non plus".

Martine Laronche

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Internet : Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques

A lire :

  Le « Journal des psychologues » (mai 2006, numéro 237) a consacré son dossier à la scolarisation précoce.

  « La garde des enfants de 2 ans : qu’en dit la recherche ? » Synthèse réalisée par Agnès Florin pour le Programme incitatif de recherche en éducation et formation (PIREF).

  [« L’école à deux ans. Est-ce bon pour l’enfant ? » sous la direction de Claire Brisset et Bernard Goise (Odile Jacob, 2006, 350 p., 26 €).

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