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Après le rapport Thélot, François Dubet parle de l’égalité des chances et cite les conventions ZEP Sciences Po

26 octobre 2004

Extrait de « 20 minutes » du 12.10.04 : interview de François Dubet
Interview
François Dubet : « Pour que l’école soit la moins injuste possible »
Alors que le rapport Thélot vient d’être rendu, le sociologue pointe l’inégalité du système scolaire. Qu’est-ce qu’une école juste, et comment s’en approcher au plus près ?
Je crois qu’une école parfaitement juste est une utopie. La vraie question est plutôt de savoir comment faire pour qu’elle soit la moins injuste possible. Le seul modèle de justice scolaire – que nous martelons du matin au soir – est celui de l’égalité des chances. Celui d’une école qui ne sélectionnerait les élèves que sur leur pur mérite, un système qui neutraliserait miraculeusement les inégalités liées à l’origine sociale, aux conditions d’éducation, etc. Or, non seulement les enfants ne sont pas égaux, mais l’arbitre du match n’est pas toujours totalement impartial.
C’est-à-dire ?
Il est un peu plus favorable aux meilleurs élèves, en général ceux qui sont socialement les plus favorisés. Je ne veux pas dire par là que les enseignants sont des gens qui trichent. Mais, par exemple, quand il y a des décisions d’orientation à prendre concernant deux élèves comparables, elles sont toujours en faveur de l’élève socialement favorisé, parce que l’on fait l’hypothèse que sa famille l’aidera plus...
Une fois le constat posé, que peut-on faire ?
Trouver des principes de pondération. Il faudrait d’abord rétablir l’égalité de l’offre scolaire. Comment se fait-il, notamment, que les établissements où les élèves sont meilleurs coûtent plus cher ? Si l’on veut que des élèves de conditions très inégales rentrent à égalité dans une compétition, on doit trouver des manières de rétablir artificiellement de l’égalité. Je suis très favorable à ce que fait Science-Po par exemple, en intégrant – par un recrutement spécifique – de très bons élèves des ZEP. Les dispositifs doivent être ciblés sur les individus plus que sur les groupes. La situation qui me scandalise le plus, c’est celle d’un bon élève d’un collège dit « difficile » qui, en dépit de son niveau, parce qu’il est dans un collège difficile, devrait ne jamais s’en sortir. Par ailleurs, comme l’école est devenue un véritable marché, il faudrait que les parents soient plus informés. Il y a une grande injustice entre ceux qui savent comment profiter du marché sauvage actuel (comment contourner la carte scolaire notamment) et les autres.
Vous soutenez aussi que l’école doit particulièrement venir en aide aux élèves les plus faibles...
Absolument. Puisque l’école produit fatalement des inégalités, celles-ci seront d’autant plus « justes » qu’elles n’affecteront pas le sort des plus faibles. Dans le monde du travail, on a inventé le Smic : le plus mal payé des salariés a au moins droit à cela. Je crois que l’école doit garantir au plus mauvais des élèves ce à quoi il a droit pour mener une vie sociale normale, et que l’on pourrait appeler la « culture commune » : qu’il sache évidemment lire, écrire, compter, qu’il ait appris à se servir d’un ordinateur et qu’il parle un peu d’anglais parce qu’il en faut pour vivre... C’est pour cela que je défends vigoureusement le collège unique, dont l’objectif majeur est de divulguer cette culture commune dans une classe d’âge. Ensuite, que la diversité des compétences et des talents opère !
L’injustice perdure après la fin des études. Il devrait exister plus de passerelles lorsque l’on est dans la vie active ?
C’est exact. Si l’on détendait un peu le lien entre les diplômes et les qualifications sociales, on aurait peut-être une redistribution des cartes. Comparaison toute bête : à peine 4 % des ingénieurs français ont été ouvriers et techniciens, contre... 40 % en Allemagne ! Le diplôme n’est pas forcément le destin...
Propos recueillis par Luc Brunet.

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