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Réforme de la formation initiale des enseignants : les réactions de trois collectifs ou associations d’universitaires

10 avril

Formation des enseignants : « Des étudiants mal instruits font des professeurs démunis  »
TRIBUNE
Collectif

Les « écoles normales du XXIᵉ siècle » annoncées par Emmanuel Macron limiteront la place des savoirs disciplinaires alors qu’il faudrait au contraire les renforcer, affirme un collectif de professeurs, dans une tribune au « Monde »

Priorité des priorités nationales, l’éducation n’est entre les mains ni du Parlement ni des universitaires. Les réformes se succèdent par décrets, inspirées par des rapports de cabinets de conseil privés non portés à la réflexion nationale. Or, dans un contexte où l’école semble devoir rejouer le combat de la raison contre l’obscurantisme, elles conduisent à sacrifier les savoirs dans la formation des futurs professeurs.

Que sont les « écoles normales du XXIe siècle » programmées par le gouvernement ? Une nouvelle appellation des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspe), précédemment connus sous le nom d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation, autrefois instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), qui eux-mêmes remplacèrent en les fusionnant les « écoles normales ». Depuis les IUFM, le principe est resté le même : faire intervenir à la fois des enseignants-chercheurs des universités, chargés des savoirs et savoir-faire disciplinaires, et des « formateurs » rémunérés par le ministère de l’éducation nationale et attachés surtout aux manières d’enseigner.

La nouvelle réforme, sans que ni le réseau des Inspe ni les universitaires n’aient été consultés, prévoit une nette limitation de la place des savoirs disciplinaires dans la formation des futurs enseignants, non seulement en master mais aussi dès la licence : elle préempte une part considérable de l’enseignement actuellement confié aux universitaires dans les écoles normales comme dans les universités elles-mêmes. En master, le partage du temps de formation des futurs professeurs est envisagé ainsi : en première année, 37,5 % de terrain en salle de classe, 25 % de « pratiques et enseignements professionnels » et seulement 37,5 % d’« approfondissements universitaires disciplinaires et optionnels » (30 % en seconde année).

Un conflit stérile et caricatural
Or, la réforme consiste spécialement à supprimer le concours à bac + 5, l’actuel capes dont la préparation est le point d’orgue de la formation scientifique des futurs enseignants, au profit d’un concours nettement plus accessible à bac + 3. Dans un contexte de pénurie de vocations, ouvrir plus largement la formation au professorat peut se comprendre. Mais pour quelles raisons renoncer à la qualité de cette préparation ? Observant l’insuffisance de la formation continue des professeurs du secondaire, comment ne pas s’inquiéter de la part croissante (50 %) que le gouvernement se prépare à leur réserver dans la formation des futurs enseignants de collège et de lycée ?

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Extrait de lemonde.fr du 09.04.24

 

La réforme de la formation initiale n’offre pas les garanties de son opérationnalité et de sa légitimité

Selon l’Association des enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation (AECSE), « une réforme de la formation des enseignants sans les acteurs susceptibles de la mettre en œuvre n’offre pas les garanties de son opérationnalité et de sa légitimité ». « Outre les problèmes de calendrier et de mise en œuvre, c’est « l’économie globale de la réforme » avec son cycle préparatoire et son cycle supérieur qui laisse dubitatif » écrivent les co-présidents.

Le 19 octobre 2023, l’Association des enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation (AECSE), par la voix de ses co-présidents, s’inquiétait déjà du projet de réforme de la formation des enseignants à la suite des déclarations de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ) en fonction à cette époque. Ils en dénonçaient le côté arbitraire en l’absence de concertation avec les représentants des sciences de l’éducation et de la formation dans les universités et les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE). Ils annonçaient également les effets néfastes sur l’économie générale de ces formations (mise en concurrence des personnels, formation non adossée aux contextes d’intervention, enseignements fondamentaux réduits à leur portion congrue, etc.).

Cette inquiétude s’est confirmée, le jeudi 21 mars dernier, par la diffusion d’un diaporama intitulé « Les écoles normales du 21ème siècle – Stratégie de formation et de recrutement des professeurs ». La « conception restrictive de l’activité enseignante » qui guide les principales propositions contenues dans ce document « de travail » confirme les craintes que nous pouvions avoir. Craintes amplifiées par les annonces du chef de l’État, Emmanuel Macron, ce vendredi 5 avril 2024.

Outre les problèmes de calendrier et de mise en œuvre, c’est « l’économie globale de la réforme » avec son cycle préparatoire et son cycle supérieur qui laisse dubitatif. Placé à la fin de la 3ème année d’une licence « mention : préparation au professorat des écoles », créées par les universités (dans au moins une université par académie), le concours d’accès aux ENSP accueillera 80% des effectifs du concours externe. Ce parcours présente une particularité de taille par rapport au schéma existant puisque cette licence ne sera pas pilotée « dans une composante mais dans une structure sui-generis co-portée MENJ-MESR et dénommée École Normale Supérieure du Professorat » (ENSP) et dont la direction reviendra à un inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) « disciplinaire ».

Plusieurs autres aspects de ce projet en questionnent la politique générale. Nous faisons notamment référence à ces tests standardisés en L1 et L2, conçus par le MENJ qui, en plus des examens du diplôme de cette formation en 3 ans, permettraient à celles et ceux qui les passeraient avec succès d’être dispensés des épreuves écrites du concours d’accès aux ENSP. Les économies substantielles faites à ce niveau par rapport au coût que représentent les actuels concours de recrutement de l’enseignement sont évidentes malgré leurs absences dans les évaluations budgétaires de cette réforme.

Évoquons encore la nature des épreuves d’admissibilité et d’admission des concours pour (dixit) « éviter une année de préparation supplémentaire et élargir ainsi autant que possible les viviers » ou les questions de ressources humaines induites par ce modèle, vaguement évoquées à ce stade, alors qu’elles seront pourtant cruciales à courts, moyens et longs termes.

Certes, nous ne nions pas les difficultés liées au recrutement des enseignants. Ces « déficits de vocation » sont corrélés, nous le savons que trop bien, aux difficultés d’exercer ces métiers de l’enseignement et de l’éducation (professeurs des écoles, professeurs du second degré, conseillers principaux d’éducation) dans des contextes qui nécessitent, parfois plus qu’ailleurs, une approche réflexive du milieu et des conditions dans lesquels les apprentissages peuvent avoir lieu.

Nous n’ignorons pas, non plus, les difficultés relevant d’une formation initiale et continue des enseignants. Nous en sommes les témoins voire les cobayes depuis ces trente dernières années avec pas moins de cinq réformes (1990, 2013, 2019, 2022, 2025) tentées dans ce domaine. Concernés au premier chef par les adaptations permanentes qu’exige une formation basée sur les processus d’apprentissage en milieu scolaire, nous possédons une expertise dont ce projet de réforme semble nier l’existence.

Réformer la formation des enseignants sans les acteurs susceptibles de la mettre en œuvre n’offre pas les garanties de son opérationnalité. Persister dans cette direction, c’est prendre le risque d’un échec annoncé.

Laurent Gutierrez & Sarah Croché
Co-Présidents de l’AECSE

Extrait de cafepedagogique.net du 09.04.24

 

Formation des enseignants : quid des "compétences inaliénables des universités" ? (QSF)

"On parlait il y a peu, pour l’Éducation Nationale, de ’choc des savoirs’. La réforme (de la formation des enseignants) qui se dessine ne peut qu’aller en sens contraire : elle aboutira au recrutement de professeurs insuffisamment formés et mal armés pour exercer leur métier", estime QSF (Qualité de la science française, une association d’universitaires, ndlr) qui réagit vigoureusement aux annonces présidentielles. Elle souligne l’absence de concertation avec les universités et avec les INSPE qui en sont une composante. "On parle pourtant de ’licence’ et de ’master’, diplômes qui relèvent de la formation universitaire par excellence (...). Ne néglige-t-on pas (...) les compétences inaliénables des universités dans la conception de leurs formations ? (...) QSF ne peut que réagir contre cette disparition de l’université de l’horizon réformateur de nos dirigeants."

L’association ne s’oppose pas à "un large pré-recrutement en fin de licence" ni à une "sensibilisation aux questions pédagogiques dans le cadre d’une licence disciplinaire, y compris sous forme de stages", mais elle défend (sans qu’il soit très clair dans son communiqué si sa réflexion porte essentiellement sur le CAPES, ndlr) "l’exigence d’une formation disciplinaire de qualité d’au moins trois ans, suivie d’une quatrième dédiée à la préparation d’un concours sur programme, et d’une entrée dans le métier en cinquième année".

Elle estime par ailleurs que "la formation des professeurs est un enjeu trop important pour être décidée dans la hâte (...). Il n’est à l’évidence ni raisonnable ni concevable que, pour les dix-huit spécialités de CAPES, une formation de licence, une préparation à un concours, un programme de concours et une formation de master puissent être définis en moins de deux mois, en vue d’une mise en place effective à la prochaine rentrée."

Extrait de touteduc.fr du 09.04.24

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