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Des Atsem "maternelles" aux "animatrices", un métier en pleine métamorphose : article de Recherches en éducation, 2024 (ToutEduc)

12 janvier

ATSEM, un métier en pleine métamorphose (Recherches en éducation)

“J’aime bien par exemple, pour les petites sections leur faire faire les lettres sur l’ardoise. (...) Baptiste il sait écrire ‘Baptiste‘ en entier et ça c’est des trucs j’aime bien parce que j’ai vu toute l’évolution et puis c’est moi qui ai dit“ assure Louise, 50 ans et ATSEM depuis sept ans.

Son témoignage, parmi la trentaine d’entretiens de professionnelles recueillis par Arthur Imbert dans le dernier numéro de la revue Recherches en éducation (REE), illustre l’évolution du métier d’agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (ATSEM) ces dernières décennies au regard des évolutions qu’a connues l’école maternelle et de sa "scolarisation".

Evolution du milieu social et des qualifications

Le sociologue du travail explique ainsi que “ces travailleuses ont été cantonnées jusque dans les années 1980 à la gestion de l’hygiène dans l’école maternelle, que ce soit celle des locaux ou celle des élèves accueillis“, avant qu’elles ne bénéficient “de l’élargissement de la notion d’éducation“ débouchant sur la création de nouveaux diplômes. Il constate également, au fil du temps, une modification des caractéristiques sociodémographiques des ATSEM. Si en 1990, leur origine sociale “était semblable à celle du groupe des agentes d’entretien des écoles primaires, qui sont elles aussi employées communales“, elle s’en éloigne trente ans plus tard. A l’époque en effet, dans les deux métiers seule la moitié des pères étaient ouvriers qualifiés, tandis qu’en 2020 chez les ATSEM, parmi les pères ouvriers 75 % étaient qualifiés, contre un taux de seulement 61,1 % chez les pères d’agentes d’entretien.

Puis, avec la création du CAP “Petite enfance“ et la mise en place du concours en 1992, la part d’ATSEM sans diplôme (ou détenant un brevet des collèges) a été divisée par trois, tandis que la part de bachelières est passée de 6 % à 19,2 % en trente ans, et celle des ATSEM possédant un diplôme du supérieur de 1,5 % à 13,3 %. Néanmoins, “ces travailleuses se retrouvent avec des titres qu’elles ne peuvent pas monnayer à leur juste valeur“ et “retrouver ces jeunes filles populaires, diplômées du supérieur, parmi les ATSEM, pointe le désajustement entre la production des diplômes et l’offre d’emploi disponible“. Il y a donc eu une “évolution significative dans la composition sociale du groupe des ATSEM“, qui “proviennent désormais davantage des fractions les plus hautes des classes populaires“. Dès lors, cohabitent aujourd’hui dans les écoles maternelles “plusieurs générations d’ATSEM avec des origines et des expériences sociales différenciées“.

Identités

Il est avant tout question pour Arthur Imbert de la transformation de l’identité professionnelle des ATSEM, notamment avec les évolutions dans la division du travail à l’école maternelle qui ont conduit à les faire entrer dans la classe : “Les ATSEM sont le premier groupe professionnel à s’installer durablement dans cet espace aussi bien matériel que symbolique que défendaient jusque-là les enseignantes. Elles ont été depuis suivies par les AESH (accompagnantes d’élèves en situation de handicap).“ De plus, “elles ont été appelées à venir aider les enseignantes dans leur mission d’individualisation pédagogique“, d’où un certain enrichissement de leur fiche de poste.

On retrouve donc d’un côté des ATSEM “maternelles“, les plus âgées, dont le rôle “résulte de la diffusion d’un modèle d’école maternelle (antérieur, ndlr) centré sur une préoccupation pour le développement de l’enfant : une école assez éloignée des apprentissages fondamentaux et qui cultivait sa particularité vis-à-vis de l’école élémentaire“. Madeleine, 55 ans, ATSEM depuis seize ans symbolise bien cette vision : “Je suis assistante maternelle pour les enfants je m’occupe d’eux, dans tout ce qu’ils ont besoin à l’école. Leurs besoins pour s’habiller, pour le passage aux toilettes, pour l’endormissement, pour les repas, pour les cajoler quand ils pleurent. Quand ils ont un bobo les soigner, je suis là pour eux quoi. “

Ayant débuté à “une époque où le binôme ATSEM/enseignante était loin d’être la norme dans l’ensemble des écoles maternelles françaises“, poursuit le sociologue, elles “centrent leur action sur le travail affectif et de soins, des composantes de la notion de care“, là où l’enfant “a besoin d’une personne qui prenne le relais de la mère dans le cadre scolaire et qui soit pour lui un ‘repère‘ “, et leur travail “est vu comme préparatoire, comme en coulisse de la scène qu’est le travail en classe“.

Les nouvelles ATSEM sont pour leur part qualifiées “d’animatrices“, elles sont plus jeunes (de 10 ans en moyenne) et possèdent une moindre expérience dans la fonction. Aucune d’entre elles n’est sortie sans diplôme(s) de leur formation initiale. Avant de devenir ATSEM, elles ont occupé une ou plusieurs autres positions éducatives dans des métiers que l’on peut classer parmi les ‘technicien.nes de l’éducation‘, c’est à dire “les activités les plus subordonnées“.

Elles se trouvent au croisement de deux processus : elles sont à la fois des figures d’un recrutement moins populaire chez les ATSEM et les représentantes de la féminisation et la popularisation des métiers de l’animation socioculturelle.

Si “leur position subordonnée n’est jamais remise en cause“, elles estiment que “le cœur de leur métier se situe en classe, dans l’assistance aux enseignantes pour la mise en place des ateliers pédagogiques“, bien qu’ils représentent assez peu de temps dans leur journée. Ils ont pourtant une “forte charge symbolique“, les ATSEM “apprécient que l’enseignante leur fasse suffisamment confiance pour être ‘libres‘ avec un groupe“, et cette animation est “génératrice de fierté“, elles vivent le travail de transmission comme un vecteur de valorisation professionnelle “d’autant plus fort quand les ateliers touchent aux apprentissages dits fondamentaux“.

A contrario, elles critiquent fortement le ménage, qualifié de dégradant : “Ce qui me plaît le moins clairement c’est le ménage, je suis pas sur le rôle d’ATSEM, là. Je trouve que ça ressemble plus à un poste d’ATSEM de faire de la garderie et de la cantine que du ménage“ déclare Élise, 53 ans et ATSEM depuis trois ans.

La revue Recherches en éducation n° 54/23024 ici

Extrait de touteduc.fr du 10.01.24

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