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« Les ZEP en question(s) », un dossier de la Ligue (2) : entretien avec Marc Favret (MEN)

16 février 2006

Extrait des « Idées en mouvement » de février 2006 : Le dossier ZEP du mensuel de La Ligue)

Nous continuons la publication du dossier « Les ZEP en question(s) » du mensuel de la Ligue de l’Enseignement « Les Idées en mouvement », n° 136, février 2006.

Vingt-cinq ans après, un regard sur les ZEP

Devenu directeur des écoles au ministère de l’Education nationale en 1981, Jean Marc Favret était aux côtés d’Alain Savary lors du lancement des Zep. A présent Inspecteur général de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche à la retraite, il évoque pour nous les ZEP d’aujourd’hui à la lumière de son expérience.

Les Idées en mouvement : Quel est votre bilan sur l’action dans les ZEP ?

Jean-Marc Favret : Je le disais déjà en 1981 : “l’École peut beaucoup, elle ne peut pas tout”. Dans ses intentions initiales, la politique des ZEP consistait à donner plus à ceux qui ont moins, avec un projet éducatif réfléchi et construit, et impliquant un travail en partenariat avec les autres acteurs de la socialisation. Cela supposait un peu plus d’enseignants, peut-être moins d’élèves par classe.

Aujourd’hui, il faut approfondir la réflexion avec les acteurs et les partenaires sur les critères qui “font” la ZEP. Critériser uniquement sur les résultats scolaires ou les données sociales n’est pas suffisant. Il faut à la fois prendre l’avis des personnes de terrain et de personnes plus extérieures mais ayant bien les pieds dans la glaise de l’action tant pédagogique que sociale dans le milieu où se situe l’école ou le collège. S’ajoute la notion de projet qui me paraît un peu trop estompée aujourd’hui. Il ne suffit pas de dire qu’il va y avoir plus de moyens. Un projet suppose des acteurs éducatifs, enseignants et éducateurs au sens large, motivés, lucides sur les difficultés et la manière dont elles se combinent et sur l’emploi des moyens. Enfin, comme on part d’un projet d’école et/ou de collège pour passer à un projet “territoire”, il faut que tout le monde tire dans le même sens, avec la conscience partagée des acteurs dans l’École et à la périphérie de l’École qu’il faut à tout prix travailler ensemble. J’y vois une des grandes difficultés des ZEP car cela est très consommateur de temps ; or si les résultats ne sont pas vite sensibles, une lassitude s’installe.

Comment remédier à cette lassitude ?

La nécessaire lucidité sur les résultats est assez peu évoquée. L’évaluation pour le Parlement, le ministre, la presse et l’évaluation dans une Zep ne sont pas la même chose. Pour bien faire, le projet de départ devrait comporter des instruments de mesure adaptés à la zone proprement dite. Il est bon par exemple d’avoir sur la lecture des critères objectifs, articulés sur des critères nationaux. Mais le climat, l’implication des familles, peuvent être observés de près dans une ZEP et moins dans une autre, en fonction des constats de départ, et de ce qu’on a voulu améliorer.

Je ne suis pas sûr qu’on ait conscience que pour persévérer, pour maintenir le courage et le tonus, il faut mesurer objectivement ce qui se passe et ce qu’on a apporté. Ces résultats doivent aussi se faire connaître alentour, parce que le soutien proche est important. Une solidarité entre quartiers difficiles et quartiers moins difficiles est nécessaire.

On évoque souvent la question des moyens : le problème n’est-il pas davantage dans leur mauvaise répartition que dans leur octroi ?

Au départ, nous ne voulions donner des moyens qu’aux projets portés par une équipe crédible, c’est-à-dire pas seulement à ce qui apparaissait être un bon projet sur le papier mais un projet porté par des personnes volontaires, coopérantes et, pour une part au moins, qualifiées. À la longue, pour ne pas décourager des équipes de bonne volonté face aux difficultés, pour leur laisser le temps de faire leurs preuves, les moyens ont été accordés sur la base de critères et moins sur celle des projets. Je pense qu’avec la concentration des efforts sur les Zep de niveau 1, il est possible de revenir à cette logique du projet.

Les ZEP ont également pâti d’une préoccupation politique souvent inégale...

C’est vrai qu’il y a eu à un niveau politique national des hauts et des bas dans l’intérêt pour les ZEP et dans leur soutien. Aujourd’hui émerge la nécessité d’un nouveau pilotage central fort. Les organes centraux, autant les ministères que les rectorats, l’État que les régions, doivent veiller à ce qu’il y ait un pilotage de proximité, par quelqu’un d’un niveau intermédiaire venant en appui assez régulièrement, et constituant un contact sérieux pour les coordonnateurs de Zep, les IEN 1 et les chefs d’établissements, afin d’échanger sur les difficultés rencontrées et surtout d’y apporter vite des remèdes crédibles.

Y a-t-il également des efforts à produire en matière de formation ?

Il existe de bonnes formations au travail en Zep, mais dans des IUFM confrontés de près au problème. Il faut surtout trouver les moyens d’une formation- action sur mesure dans les premiers moments de la prise de fonction, sous la forme de groupes de travail réunissant des acteurs (enseignants, travailleurs sociaux, militants associatifs, etc.) pour revenir efficacement sur un problème survenu. Ces rendez-vous pourraient par exemple avoir lieu une demi-journée toutes les deux semaines.

Propos recueillis par Laetitia Déchanet

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Le travail associatif dans les Zep

Les fédérations de la Ligue de l’enseignement sont engagées dans les Zep de leur département.

L’exemple des Yvelines et du Calvados.

La fédération de la Ligue de l’enseignement des Yvelines développe une action de médiation pour la ZEP de Trappes. Cette dernière souhaitait rétablir la communication entre l’École et la famille. Trois médiateurs de la fédération étudient les demandes, qui émanent de l’École, des parents ou, plus rarement, des élèves. Ils organisent ensuite une réunion avec la famille, préalablement préparée avec les enseignants. « Nous aidons les familles à avoir la culture de l’École, nous ne sommes ni juges ni arbitres » explique Oumar, qui poursuit : « nous faisons tout pour ne pas être pris pour des assistants sociaux, nous disparaissons ensuite pour les amener à discuter seuls ». Les problèmes ainsi examinés relèvent de l’orientation, du comportement, de l’absentéisme, du retard, du manque de matériel, du suivi scolaire ou peuvent être d’ordre sanitaire (besoin de lunettes, apparition de caries...). Leur résolution peut prendre une heure ou six mois.

La fédération du Calvados, quant à elle, conduit un projet socio-éducatif intitulé « carrefour pour l’accompagnement à la parentalité ». L’action s’inscrit dans le contrat de Ville ainsi que dans le programme d’enrichissement du lien familles-École mis en oeuvre depuis plusieurs années par la ZEP de la Grâce de Dieu (Caen). Parmi les objectifs : valoriser la fonction parentale, contribuer à la rupture de l’isolement, développer des pratiques citoyennes autour de la parentalité, faciliter la relation des parents aux institutions et diverses autres structures... Dans ce cadre, un véritable lieu d’écoute a été mis en place et permet des rencontres collectives ou plus confidentielles. Il s’agit bien là d’instaurer de manière pérenne une dynamique participative des familles. À court terme, la fédération envisage de consolider l’accompagnement des parents élus aux conseils des écoles et de le mettre en oeuvre dans le conseil d’administration du collège de la ZEP.

L.D.

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