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Un rapport du Centre d’analyse stratégique (la Doc. Française, déc. 2012, 238 p.) reprend l’ensemble des problématiques de la politique de la ville et traite de l’éducation prioritaire et de la ségrégation scolaire

21 décembre 2012

Rapport - Politique de la ville.
Perspectives françaises et ouvertures internationales 12/12/12. Centre d’Analyse Stratégique (Premier ministre).
La Documentation française. Rapports & Documents, 2012, n° 52, 238 p.

 

3 extraits

Page 30 :
[…] Comment rendre crédible l’idée de parcours scolaires positifs, de parcours de formation professionnelle valorisants, alors que l’école échoue le plus souvent à procurer cet espoir et se contente de sauver son image en octroyant à une pincée d’élèves de zones d’éducation prioritaire (ZEP) la chance d’accéder à des classes préparatoires aux grandes écoles ? Peut-être faut-il partir des rares cas où des établissements scolaires chargés de ce public dit « défavorisé » réussissent à lutter efficacement contre l’exclusion et à améliorer de façon conséquente leur niveau – par exemple un des lycées de Roubaix classés en ZEP ou le collège Victor Schoelcher de la cité de la Duchère à Lyon ? Il faut se dire qu’ils ne sont pas les exceptions qui confirment la règle de l’échec, de l’impossibilité de modifier le destin de ces jeunes par l’école mais bien le modèle à suivre pour mettre au point une stratégie générale de réussite.

Qu’ont en commun les collèges qui parviennent à limiter au maximum l’exclusion de leurs élèves ? Ils font travailler une partie des enseignants avec des associations de quartier pour prendre en charge les élèves exclus afin qu’ils ne perdent pas contact avec les contenus de l’enseignement et ne se retrouvent pas dans la tentation logique de récidiver leurs inconduites aussitôt réintégrés dans un collège où ils se sentiraient un peu plus déphasés encore qu’avant. Quel est le secret des très rares lycées qui amènent à la réussite scolaire et professionnelle une bonne partie de leurs élèves ? Ils établissent des contacts méthodiques avec des entrepreneurs, des membres des chambres de commerce et d’industrie, ils organisent entre eux et les élèves des discussions et des visites d’entreprises. Ou bien ils envoient leurs élèves passer quelques jours dans une université proche où on leur présente les formations disponibles et les métiers auxquels elles préparent. Bref, on leur fait vivre ensemble des expériences qui les initient à des parcours, qui les aident à choisir eux-mêmes celui qui leur convient. On leur procure ainsi, par l’institution, ce que les familles mieux loties peuvent apporter directement à leurs enfants. Et on leur épargne, autant que possible, la souffrance de l’orientation imposée. […]

Page 45 :
[…] Les inégalités de traitement dont pâtissent ces quartiers sont corroborées par des études sur les politiques de l’emploi et d’éducation prioritaire. Les premières ont montré que, toutes choses étant égales par ailleurs, les demandeurs d’emploi résidant en ZUS sont surreprésentés dans les dispositifs les moins coûteux et les moins efficaces en termes de retour à l’emploi, et sous-représentés dans d’autres dispositifs, plus coûteux, qui permettent un accès plus durable à l’emploi non aidé1. Des études portant sur les zones d’éducation prioritaire (ZEP) aboutissent aux mêmes conclusions. Certes, l’Éducation nationale accorde des moyens conséquents pour les établissements en ZEP, sous la forme d’heures d’enseignement et de crédits indemnitaires pour les enseignants qui permettent d’abaisser les effectifs par classe.
Mais les enseignants de ces établissements, qui sont plus jeunes et moins qualifiés qu’ailleurs, ont des salaires moins élevés qui compensent le surcoût résultant des postes supplémentaires et des crédits indemnitaires. […]

Pages 111-130 : Les politiques de choix de l’école et leurs effets.
Agnès van Zanten
Page 111 :
[…] En France, l’assouplissement de la carte scolaire est présenté dans les textes officiels comme un outil de promotion de l’égalité de chances. Il fait partie, avec les « internats d’excellence » et les « cordées de la réussite »1, d’un ensemble de dispositifs qui visent à compenser les limites, voire pour certains l’échec des politiques territoriales, notamment de la plus emblématique d’entre elles, les zones d’éducation prioritaires2, par une redéfinition radicale des objectifs, des bénéficiaires et des leviers d’action.

En effet, dans le cadre de ces nouvelles politiques, ce qui est recherché, ce n’est pas l’amélioration globale des conditions de scolarisation de groupes importants d’élèves dans des territoires définis comme prioritaires en raison de la concentration de difficultés sociales et scolaires, mais de celles d’un petit nombre d’individus. Ces derniers doivent remplir, de façon explicite ou implicite, deux critères, à savoir appartenir à des groupes ou à des territoires perçus comme « défavorisés », mais aussi faire preuve de bonnes dispositions à l’égard de l’école.

Le principal levier devient à son tour l’accès de ces élèves à des environnements scolaires plus favorables à leur réussite que ceux qu’ils devraient fréquenter en fonction de leur lieu de résidence avec en outre, dans les cas des internats et des cordées, un accompagnement en principe plus étroit de leur parcours sur le plan pédagogique et éducatif.

Étant donné les enjeux symboliques et pratiques, tant individuels que collectifs, associés à ces politiques, il paraît important de se pencher sur leurs modalités concrètes et leurs effets. Menant par ailleurs une recherche sur les effets des cordées de la réussite et, plus généralement, des dispositifs d’ouverture sociale, et dans l’attente des résultats des évaluations en cours sur les internats d’excellence, nous nous intéresserons exclusivement dans cet article aux politiques de choix de l’école.
<br<Toutefois, l’observation de la seule situation française s’avérant insuffisante pour en donner une vision compréhensive, nous examinerons également des dispositifs en vigueur dans d’autres pays en distinguant trois types de modèles : les politiques de zonage, sans ou avec assouplissement des règles d’affectation ; les politiques de « quasi-marché » ; et les politiques incitatives en direction d’élèves ou d’établissements perçus comme désavantagés. Ces modèles se différencient les uns des autres par le degré de choix accordé aux familles2, mais aussi par les mécanismes d’incitation et de régulation mis en place. […]

 

Présentation générale du rapport

Rapport - Politique de la ville. Perspectives françaises et ouvertures internationales 12/12/12

Au moment où s’ouvre la concertation sur la prochaine étape de la politique de la ville, le Centre d’analyse stratégique a souhaité apporter sa contribution au débat public et à la réflexion gouvernementale. Au-delà du bilan qu’il dresse du PNRU, le programme national de rénovation urbaine lancé en 2003, ce rapport a pour d’autres contextes nationaux, ce qui permet de jeter une lumière neuve sur nos débats hexagonaux.
Toutes les contributions de cet ouvrage s’enrichissent en effet de perspectives internationales. La dernière partie est même consacrée à l’étude systématique des politiques urbaines menées dans quatre pays – l’Allemagne, les États-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni – qui se distinguent par leur histoire, leur régime de protection sociale, leur mode d’articulation entre sphères publique et privée, et par la nature des relations entre leurs échelons locaux et nationaux.

D’un contexte à l’autre, les réponses varient. Aucune n’est exempte d’effets pervers, aucune n’échappe aux difficultés de mise en œuvre. Le constat n’en demeure pas moins le même partout : les démarches politiques ascendantes et participatives améliorent les relations entre les habitants et les acteurs locaux. Elles ont, des habitants, notamment en atténuant le sentiment d’insécurité et en améliorant la qualité de vie ressentie.
D’où la première conclusion à tirer des pages qu’on va lire : pour gagner en efficacité, la politique de la ville doit adopter une approche décisionnelle résolument ascendante, participative, et ancrée localement. Ensuite, soulignant l’importance des représentations, ce rapport invite à corriger le regard et à considérer les quartiers non comme des puits de problèmes mais comme des gisements de ressources. Enfin, en termes d’objectif, un glissement s’opère, l’idéal de mixité sociale cédant le pas aux efforts en faveur de la mobilité sociale et résidentielle des habitants.

Pour aller dans ce sens, il nous faut encore construire ou parfaire les outils de l’observation. Malgré les progrès accomplis dans la connaissance des territoires, grâce à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, il reste difficile aujourd’hui d’appréhender les parcours des personnes et d’identifier les mécanismes sous-jacents producteurs d’inégalités, de discrimination et d’exclusion. Dotée de tels instruments, la politique de la ville pourra servir d’aiguillon aux politiques sectorielles – urbaines, économiques et sociales –, veiller à leur adaptation selon les besoins des quartiers et des habitants. Ces quartiers pourront alors jouer effectivement une fonction de sas, voire de tremplin, pour les ménages qui y résident.

Ce rapport s’inscrit clairement dans la continuité des travaux du Centre d’analyse stratégique ces dernières années. Nos analyses sur le thème de la ségrégation – peut-on parler de « ghettos » français ? –, sur ces fameux « effets de quartier » qui détermineraient ou non les comportements individuels, ou encore sur la participation des habitants, esquissaient déjà ces orientations stratégiques.

• Participants : Gideon Bolt, Marion Carrel, Julien Damon, Laurent Davezies, Jacques Donzelot, Renaud Epstein, Philippe Estèbe, Thomas Kirszbaum, Christine Lelévrier, Yannick L’Horty, Pascale Petit, Susan J. Popkin, Brett Theodos, Rebecca Tunstall, Ronald van Kempen, Agnès van Zanten, Ralf Zimmer-Hegmann

• Travaux coordonnés par Noémie Houard, Chargée de mission, Département Questions sociales

Lire le rapport intégral en PDF, version française.

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