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Selon un sondage IFOP/Le Figaro, contesté, la laïcité est jugée "discriminatoire" par 78% des musulmans. Le commentaire de Fatiha Agad-Boudjelaht, enseignante en REP et essayiste (BFM), l’analyse de Telos et un article de Libération

21 décembre 2023

Additif du 21.12.23

CheckNews
Sondage sur les « Français musulmans » et le Hamas : comment plusieurs médias de droite se sont arrangés avec les résultats

Plusieurs médias qui ont consacré des articles à l’enquête de l’Ifop ont omis de mentionner certaines données, notamment concernant la « sympathie » des Français musulmans à l’égard du groupe islamiste.

Extrait de liberation.fr du 20.12.23

 

Des sondages montrent que les jeunes et les Français de confession musulmane sont de plus en plus hostiles à la laïcité, notamment à l’école. Invitée de RMC ce vendredi, l’essayiste Fatiha Agag-Boudjahlat y voit le fruit d’une "panique identitaire".

La laïcité, un principe en perte de vitesse en France ? C’est ce qui ressort de deux sondages publiés en amont de la journée de la laïcité marquant samedi la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Selon un sondage Ifop publié vendredi et réalisé auprès de Français musulmans, 78% d’entre eux estiment que "la laïcité telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics est discriminatoire envers les musulmans".

Fatiha Agag-Boudjahlat, essayiste et principale adjointe d’un collège en Bourgogne, connue pour ses prises de positions en faveur de la laïcité, estime qu’il faut tempérer ces résultats "chocs" ce sondage comportant "des biais" selon elle.

"Quand on pose des questions à une communauté, elle vous répondra en tant que communauté. Je pense que les réponses sont biaisées car les gens pensent faire un acte de foi en répondant. Du genre : ’Oui je suis un vrai musulman, donc je pense qu’il ne doit y avoir aucune limite à la pratique de ma religion’", illustre-t-elle dans Apolline Matin sur RMC ce vendredi.

"C’est le fruit de toute cette panique identaire"
Elle estime toutefois que ces résultats ne sont pas surprenants au regard de la tendance à une sorte de "traditionnalisation" de la pratique du culte musulman en France.

"C’est le fruit de toute cette panique identitaire présentant les musulmans comme des victimes perpétuelles, tous ces influenceurs sur les réseaux sociaux, la mode des abayas... C’est le fruit d’une orthodoxie qui s’installe tout doucement", assure-t-elle.

43% des jeunes favorables au port de signes religieux ostensibles dans les lycées
Le terrain de "combat" de la laïcité le plus essentiel est l’école, selon Fatiha Agag-Boudjahlat, alors que 68% des jeunes estiment que "la pratique de la laïcité devrait évoluer en France" et 43% des jeunes Français se disent favorables au port de signes religieux ostensibles dans les lycées publics.

Selon l’étude Ifop, 65% des Français musulmans souhaitent que les couvre-chefs religieux puissent à l’avenir être portés par les élèves dans les collèges et lycées et même 73% pour les vêtements amples type abayas et qamis.

"Si les filles musulmanes ont l’impression qu’elles sont plus ciblées par les lois, c’est parce que la religion musulmane a plus d’exigences envers les filles que les garçons", estime-t-elle.
"C’est aux filles d’être pudiques, de se couvrir, d’être discrètes, de ne pas montrer leurs corps au cours de natation... C’est la religion musulmane qui est très genrée et discriminatoire, pas la loi", juge-t-elle.

Dialogue et fermeté sont les maîtres-mots à avoir selon Fatiha Agag-Boudjahlat, pour éviter un maximum les incidents liés à la religion à l’école.

Extrait de bfmtv.com du 08.12.23

 

Le sondage IFOP/Le Figaro

 

Les musulmans et la laïcité en France. À propos d’une enquête de l’IFOP
Olivier Galland, Gérard Grunberg

« Au regard de ce que vous savez, diriez-vous qu’en France la laïcité, telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics, est discriminatoire envers les musulmans ? » À cette question posée récemment par l’IFOP à un échantillon de musulmans habitant en France, les réponses ont été les suivantes : très discriminatoires : 44%, assez : 34%, pas vraiment : 11% pas du tout : 11%[1]. Ainsi, 78% d’entre eux estiment que la laïcité est discriminatoire à leur égard.

Ces chiffres montrent la largeur du fossé qui existe dans les conceptions de la place de la religion dans la société et dans l’État entre les Français musulmans et les autres Français, ce que montre le tableau 1.
[...] La question « Il n’y a qu’une seule vraie religion » proposait les items suivants : Il y a une seule vraie religion – Il y a une seule vraie religion mais d’autres religions contiennent des vérités – Il n’y a pas de vraie religion car toutes les religions contiennent des vérités – Aucune des grandes religions n’a de vérité à offrir. La réponse du tableau cumule les deux premiers items.

Les musulmans français qui ont répondu à cette enquête s’identifient d’abord comme musulmans. Ils sont tous croyants et les deux tiers d’entre eux se disent religieux. Pour les trois-quarts d’entre eux, il n’existe qu’une seule religion, l’islam. Ce que dit la religion doit l’emporter sur ce que dit la science. Les Français non musulmans sont ainsi à l’exact opposé : 12% seulement d’entre eux se disent en effet croyants et religieux et seulement 17% pensent qu’il n’y a qu’une seule vraie religion. La science l’emporte sur ce que dit la religion chez 81%, contre seulement 24% chez les musulmans. Les musulmans se trouvent ainsi insérés dans une civilisation fondamentalement différente de la leur, très fortement laïcisée et largement détachée de la religion. Ils ne peuvent donc que se sentir très différents de l’ensemble de la société dans laquelle ils vivent. On peut comprendre que dans ces conditions la conception de la laïcité qui est dominante dans notre société leur paraisse discriminatoire à leur égard.

[...] On aurait pu penser que l’immersion de cette population musulmane dans la société française aurait modifié leur rapport à la religion et à la laïcité dans les jeunes générations françaises de naissance. C’est ce que semblait montrer l’enquête de l’INED réalisée en 1992 et dirigée par Michèle Tribalat. Mais depuis, cette tendance s’est manifestement complètement inversée.

Sur presque tous les thèmes abordés, les plus jeunes sont plus nombreux que les plus âgés à se montrer rigoristes et orthodoxes dans leur rapport à la religion (tableau 2), un résultat inverse à celui qu’on constatait en 1992. Sur les questions reprises de l’enquête réalisée en 2016 dans les lycées auprès d’un échantillon (non représentatif) de 1753 élèves musulmans de classes de seconde (en lycées général et professionnel), les tendances restent à peu près stables, sauf en matière d’habillement où le rigorisme s’est renforcé. Tout se passe comme si le vêtement porté était devenu l’un des principaux signes de l’identification à leur religion par les jeunes musulmans. 83% des moins de 25 ans pensent que la religion musulmane est la seule religion (78% en 2016 chez les élèves musulmans). La majorité des moins de 35 ans souhaite que les élèves puissent ne pas assister aux cours dans le contenu heurterait la religion. Nous venons d’observer récemment un cas concret à propos de cette revendication.

On aurait pu penser également que le fait de faire des études supérieures aurait modifié le rapport à la science. Il n’en est rien (tableau 3). Ce sont les plus diplômés qui se disent le plus fréquemment croyants et religieux. De manière générale, la variable du niveau d’études ne joue pratiquement aucun rôle dans leurs attitudes à l’égard de la religion.

[...] Ce tableau ne doit pas nous amener à considérer que l’intégration de ces nouvelles générations de musulmans est impossible. Y renoncer serait pire que tout.

Le fait que les jeunes générations musulmanes revendiquent davantage leur identité religieuse peut s’interpréter de deux manières fort différentes. La première est celle de François Kraus qui a conduit l’enquête de l’IFOP : une véritable sécession d’avec la République et la société française. Si cette interprétation est juste, la situation est très grave et presque désespérée. La seconde, plus optimiste, est que la revendication identitaire des jeunes musulmans n’est pas foncièrement sécessioniste, mais qu’elle constitue un appel à une intégration qui préserve une forme d’identité spécifique au sein de la société française. L’enquête de l’IFOP ne permet pas à elle seule de trancher entre ces interprétations. Mais il revient en tout cas aux responsables politiques, aux acteurs institutionnels et aux citoyens ordinaires d’aider à ce que cette seconde interprétation puisse l’emporter. [...]

Extrait de telos-eu.com du 18.12.23

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