Carte scolaire et responsabilités de l’Etat

19 septembre 2006

Extrait de « L’Expresso » du 18.09.06 : Assouplir la carte scolaire pour les plus démunis ?

Si assouplir veut dire que tout le monde peut choisir son établissement, cela aurait plus d’inconvénients que d’avantages. Cela renforcerait la nature ségrégative de l’offre scolaire ainsi que les inégalités entre établissements". Dans L’Humanité, le sociologue Georges Felouzis prend parti pour un assouplissement ciblé de la carte scolaire. "Alors que faire ?..

Si on assouplit la carte il faut le faire dans l’intérêt des plus faibles et non pas des plus forts. Cela signifie donner la possibilité aux élèves les plus défavorisés, et notamment à ceux qui sont dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), d’être les seuls à pouvoir choisir leur établissement. Par contre, les autres ne choisiront pas. Bien sûr, cela ne résoudrait pas les problèmes de l’école ni de la société, mais c’est la seule réforme acceptable dans la mesure où elle se fonderait sur le souci des plus faibles".

Une réflexion qu’éclaire la récente thèse de Guy Lapostolle sur "la démocratisation de l’enseignement secondaire sous les deux septennats de F. Mitterrand". Elle montre que la question de la démocratisation qualitative de l’Ecole a été au cœur des objectifs et des difficultés des ministres de F. Mitterrand et particulièrement de Savary et de Jospin.

Ayant échoué à l’imposer, pour G. Lapostolle ils ont légitimé de nouvelles exigences des familles, essentiellement celle de la liberté de choix. " Dès lors que l’école n’est plus guidée par l’idéal d’égalité des chances, en d’autres termes qu’elle n’œuvre plus en faveur de la mobilité sociale ou qu’elle avoue son impuissance à cet égard, les parents sont en droit d’en attendre d’autres services. La place est faite à d’autres principes susceptibles de guider son action. La liberté comme un moyen de régulation d’un certain marché et le communautarisme comme possibilité d’y exercer ses libertés viennent du fait qu’elle n’a pas répondu aux espoirs mis en elle. Ces autres aspects de la démocratisation revendiqués apparaissent donc en partie comme des conséquences possibles de cet échec de la concrétisation de l’égalité réelle...

Or, à la fin de la décennie 1990, de nombreux travaux scientifiques montrent que la liberté laissée tant au niveau du choix des options qu’à celui du choix de l’établissement est un véritable obstacle à la démocratisation qualitative. Danièle Trancart, Marie Duru-Bellat, Sylvain Broccolichi, Agnès Van Zanten1 montrent tous que des disparités se sont accentuées entre les établissements scolaires".

C’est dans les années 1980 que le débat entre liberté de choix des parents et exigence de démocratisation a eu lieu.

Dès les années 1990, il est apparu que ces deux principes étaient antithétiques comme l’atteste ce texte, prophétique, de Robert Ballion qui date de 1991. " Depuis quelques années, l’Etat se désengage en matière d’éducation. De plus en plus il renvoie à la base le traitement des problèmes et se comporte comme si leur résolution ne pouvait découler que d’arrangements locaux. Le politique s’efface devant la société civile. Le choix de l’établissement scolaire par les familles illustre les dérives que peut entraîner ce repli de l’action publique au bénéfice des logiques sociales dominantes. A l’Etat d’intervenir pour fixer les règles du jeu...
Si l’Etat ne se préoccupe pas au premier chef de la recherche d’équité et de justice sociale, l’éducation, loin d’être le domaine où la société essaie d’actualiser ses valeurs, deviendra peut-être plus encore que le terrain économique, un espace de soumission à l’ordre des choses, un terrain de luttes et de production d’inégalités".

La thèse de G. Lapostolle

L’article de G. Félouzis dans L’Humanité

Rappel : G. Félouzis dans Le Café

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Lire les articles de la veille sur la carte scolaire dans Le quotidien des ZEP

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