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La loi d’orientation de juillet 2013 et le déficit d’éducation civique de 2018 (Claude Lelièvre dans le Café)

6 juillet 2023

Claude Lelièvre : La loi d’orientation de juillet 2013 et le déficit d’éducation civique

Dans sa dernière chronique de l’année scolaire, Claude Lelièvre revient sur l’abandon sous le ministère Blanquer d’un Enseignement Moral et Civique de l’action. Un enseignement dans lequel aujourd’hui, on ne trouve rien « des implications pédagogiques que comporte la volonté de former des citoyens actifs ». Un texte en écho avec la situation sociale actuelle.

Le contexte actuel mouvementé et délétère nous conduit à revenir sur les responsabilités que peut avoir l’École en l’occurrence, même si elle ne peut pas tout, tant s’en faut… Il y a tout juste dix ans, une « loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République » a été promulguée, le 8 juillet 2013.

Elle comportait un passage tout à fait fort en la matière : « La vie commune et le respect des droits et des devoirs au sein de la communauté éducative sont des objectifs pédagogiques tout aussi importants que la maîtrise des connaissances disciplinaires.Pour devenir de jeunes citoyens, les élèves doivent apprendre les principes de la vie démocratique et acquérir des compétences civiques grâce aux enseignements dispensés et par la participation aux instances représentatives et/ou à la vie associative des écoles et des établissements.

L’action éducative contribue également à sensibiliser les élèves à la solidarité intergénérationnelle et aux apports réciproques entre les générations, notamment par leur engagement dans la vie associative et par les échanges de savoirs et de compétences.

L’école doit assurer, conjointement avec la famille, l’enseignement moral et civique, qui comprend l’apprentissage des valeurs et symboles de la République et de l’Union européenne, des institutions, de l’hymne national et de son histoire, et prépare à l’exercice de la citoyenneté

Pour instituer un lien civique entre tous les membres de la communauté éducative, il convient de prévenir au sein de l’école toutes les formes de discrimination et de favoriser la mixité sociale et l’égalité entre les femmes et les hommes »

Et il n’y avait pas seulement dans le texte de cette loi ces considération d’orientation générale, mais aussi des modifications concrètes décidées pour le texte du « Code de l’éducation ». Elles valent d’être citées avec précision :

« Section 1 : Les principes de l’éducation

L’article L. 111-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La dernière phrase est complétée par les mots : « et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative »

b) Sont ajoutées cinq phrases ainsi rédigées : « Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. »

2° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. »

Dix ans après, on est loin du compte…Très loin même, en raison notamment de la politique menée par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer durant tout le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Où en est-on pour ce qui concerne tout spécialement l’éducation civique ? En 2015, les programmes d’un « enseignement moral et civique » (allant du CP aux terminales) ont été publiés par le ministère de l’Éducation nationale. Ces programmes insistaient sur la nécessité de s’appuyer sur des dispositifs pédagogiques propices à l’acquisition d’une culture civique réfléchie, argumentée. Mais, en 2018, le Conseil supérieur des programmes (dont beaucoup de membres ont été changés à partir de l’arrivée de Jean-Michel Blanquer à la tête du ministère de l’Éducation nationale) a annoncé des « ajustements » qui sont en fait bien plus que des inflexions car, en réalité, ils ont changé profondément la donne.

Comme l’a souligné Pierre Kahn ( coordinateur du groupe d’experts pour l’EMC auprès du Conseil supérieur des programmes en 2015), « avec le nouveau texte […] on est loin des enjeux d’une culture morale et civique qui apprenne aux jeunes à construire ensemble un monde commun. La faiblesse pédagogique du nouveau texte est à cet égard éloquente. Un enseignement moral et civique se doit – comme tout enseignement – de rendre cohérents entre eux finalités, contenus et méthodes. Or, de celles-ci, des dispositifs mis en avant par le programme de 2015, il ne reste rien ou presque (une ou deux références au ”débat réglé” et, plus modestement, à ”l’éthique de la discussion”). Rien des discussions à visée philosophiques pour le primaire, de l’examen de dilemmes moraux, du recours possible aux jeux de rôle, des exemples suggérés dans le programme de 2015 de situations pédagogiques utiles à la mise en œuvre des objectifs d’un tel enseignement. Rien, en somme, des implications pédagogiques que comporte la volonté de former des citoyens actifs. » ( Libération du 11 juillet 2018)

Pour aller plus loin en ce sens, et avoir une chance d’être à la hauteur de la situation, on peut se référer au célèbre Plan Langevin-Wallon de 1947 . Le chapitre consacré à cette question commence par une citation tout à fait caractéristique de Paul Langevin, un grand physicien et l’un des hérauts du Groupe français de l’éducation nouvelle (GFEN), : « L’école est une véritable entreprise de culture dont l’individu ne profite pleinement que s’il est entraîné et soutenu par le milieu scolaire. L’école fait faire à l’enfant l’apprentissage de la vie sociale et, singulièrement, de la vie démocratique. Ainsi se dégage la notion du groupe scolaire à structure démocratique auquel l’enfant participe comme futur citoyen et où peuvent se former en lui, non par les cours et les discours, mais par la vie et l’expérience, les vertus civiques fondamentales : sens de la responsabilité, discipline consentie, sacrifice à l’intérêt général, activités concertées et où on utilisera les diverses expériences de ”self-government” dans la vie scolaire. »

« Non par des cours et des discours, mais par la vie et l’expérience ! »…Et le texte du Plan Langevin-Wallon poursuit : « L’éducation morale et civique n’aura sa pleine efficacité que si l’influence de l’enseignement proprement dit se complète par l’entraînement à l’action. Le respect de la personne et des droits d’autrui, le sens de l’intérêt général, le consentement à la règle, l’esprit d’initiative, le goût des responsabilités ne se peuvent acquérir que par la pratique de la vie sociale. L’école offre aux enfants et aux adolescents une société à leur mesure, où ils vivent au milieu de leurs pairs. L’école devra donc s’organiser pour leur permettre de multiplier leurs expériences, en leur donnant une part de plus en plus grande de liberté et de responsabilité, dans le travail de la classe comme dans les occupations de loisir ».

‘’Faire ensemble’’ pour ‘’vivre ensemble’’. À suivre…

Claude Lelièvre

Extrait de cafepedagogique.net du 06.07.23

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