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Rosanvallon et Maurin contribuent à la réflexion sur les banlieues

23 novembre 2005

Rosanvallon à propos des banlieues : le projet d’avenir définit les individus

Extrait du « Monde » du 22.11.05 : « La société est ensevelie sous un épais vernis d’idéologies"

Pierre Rosanvallon, historien et président du cercle de réflexion "La République des idées".

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Ce qui définit l’individu est son projet d’avenir. Il ne faut donc pas seulement s’intéresser aux inégalités de situations actuelles, mais aux trajectoires, aux possibilités, c’est-à-dire aux inégalités face à l’avenir. On le voit bien dans les banlieues, où l’une des causes des révoltes, c’est le blocage des possibles, des "capabilités", comme dit Amartya Sen. La vision républicaine est une vision statique et statistique de l’intégration : cela ne suffit plus pour comprendre les choses. Les émeutes récentes montrent que la question ne peut plus être "Que font-ils pour s’intégrer ?" ou "A quels modèles doivent-ils se conformer ?", mais : "Que fait la société française pour ouvrir l’horizon d’insertion de ces jeunes et augmenter le champ de leurs possibles ?"

Il ne suffit plus de parler de l’exclusion en général. La société ne se partage pas simplement entre les exclus des zones dites sensibles et les inclus des bons territoires. Il faut voir que les inégalités se nichent à l’intérieur même de ces derniers. Regardez comme les parents luttent pour habiter dans telle ou telle rue afin que leurs enfants aillent dans les meilleures écoles. Les partages sont fins et insidieux, et traversés par de nouvelles passions séparatistes et endogamiques qui s’organisent par le haut, c’est-à-dire d’abord par la constitution de ghettos riches.

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Propos recueillis par Eric Le Boucher

Eric Maurin explique la constitution des ghettos sociaux

Extrait du « Monde » du 22.11.05 : La crise sociale française : des nouvelles précarités, des salariés plus isolés

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De nouvelles distances se creusent entre ceux que leurs statuts et leurs diplômes protègent devant l’avenir et les autres. Elles ne sont nulle part aussi visibles que sur le territoire et dans les choix résidentiels. Les changements de résidence restent en France relativement fréquents (10 % par an environ), mais ils ne donnent lieu à aucun brassage social.

Parmi les personnes changeant de résidence, les plus aisées, les plus diplômées, se massent de plus en plus exclusivement dans les quartiers les plus riches, et ainsi de suite, les plus pauvres n’ayant par défaut que les quartiers les plus déshérités pour emménager. Au final, les populations les plus riches se concentrent dans quelques territoires seulement, plus encore aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Les quartiers sensibles ne sont qu’une conséquence d’un processus de séparation traversant toute la société.

L’âpreté de la ségrégation territoriale rend sensible un changement très profond dans la façon dont les classes sociales se définissent désormais les unes par rapport aux autres. La désindustrialisation a sonné le glas de catégories sociales complémentaires dans le processus de production et sur le lieu de travail. La complémentarité et la coexistence des différentes classes sociales sur les lieux de production disparaissent au profit de relations de clients à donneurs d’ordres, c’est-à-dire de relations médiatisées par le seul marché.

En forçant le trait, on pourrait dire que plus rien ne soude entre elles les différentes fractions de classes, elles n’ont plus rien à négocier et partager. Cette évolution libère et met à nu les tensions purement séparatistes et endogamiques qui sommeillent dans notre société

Eric Maurin

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