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Les contrats de réussite, par François-Régis Guillaume (mars 2003)

2003

LES CONTRATS DE RÉUSSITE

Les réflexions sur les contrats de réussite sont souvent obscurcies par des questionnements inspirés par l’image du contrat commercial ou du contrat de travail. Que peut signifier l’idée de contrat dans l’éducation nationale ? Essayons de comprendre pourquoi, il est apparu utile de recourir à cette notion, puis interrogeons-nous sur ce qu’elle recouvre réellement.

Dans la tradition républicaine, il n’y a pas de place pour le contrat. Il s’agit seulement pour le service public de l’obligation de respecter la loi, ce qui va de soi , et pour les agents du service public d’un " contrat d’adhésion " à un statut qui a été conçu pour ne laisser aucune marge d’interprétation ou de négociation. Le travail des enseignants est structuré par un statut, des horaires, des programmes conçus pour délimiter le " territoire " de chaque enseignant de telle manière qu’il n’y ait aucun chevauchement entre ces territoires, ce qui minimise les conflits, mais fait qu’aucun travail collectif (ou en équipe) n’est nécessaire.

Cette tradition occulte les problèmes mis à jour par la sociologie : la sélection et l’orientation des élèves, les inégalités sociales. Tout est affaire de mérite. Le système est régulé par les redoublements des élèves qui ne réalisent pas les performances définies par les programmes. Le recours au contrat est alors un moyen de dépasser l’uniformité apparente de tous les territoires et de tous les citoyens et de s’approcher de la réalité.

Tentons une définition pragmatique (plus que juridique) : Le contrat, dans un service public peut être compris comme un accord, négocié entre la hiérarchie et les acteurs de terrain, pour préciser et adapter un projet qui s’inscrit dans la mission générale confiée à ces agents du service public. Comme tout projet, il s’appuie sur l’analyse d’une situation particulière, il retient des objectifs prioritaires et prévoit les étapes de la réalisation. Le contenu minimum d’un contrat serait un projet validé par les instances hiérarchiques.

La hiérarchie veille à ce que la mission générale ne soit pas perdue de vue, elle légitime, après correction, les demandes des acteurs de terrain et s’engage à faciliter pour ce qui la concerne la réalisation du projet. Les acteurs, ayant identifié ce qui leur est nécessaire pour accomplir leur mission, indiquent les contraintes, non prévues à leur statut, qu’ils se donnent collectivement pour y parvenir.

Pratiquement, quelle est la conséquence d’un contrat ? Ou au moins la conséquence recherchée ? Au delà des conséquences que peut avoir sur le fonctionnement d’un établissement l’élaboration collective d’un projet, une gestion par contrat peut modifier les règles de répartition des moyens et d’affectation des personnes.

Le contrat nécessite pour être respecté que les objectifs retenus et les priorités soient pris en compte transversalement par les différents bureaux qui attribuent les moyens et par les commissions paritaires des différentes catégories de personnel. Les barèmes de mutations du personnel et les clés mathématiques de répartition des moyens sont alors en concurrence avec des priorités définies par contrat. On voit bien que ces priorités ne pèseront suffisamment que si les cadres administratifs et leurs interlocuteurs sont eux-mêmes persuadés de leur légitimité.

Certes, les responsables administratifs ont toujours tenté de corriger certaines injustices résultant de ces procédures (cela était plus facile avant que ces procédures ne soient automatisées), mais le contrat, y ajoutant transparence et légitimité, peut aller plus loin que quelques exceptions à la règle.

Pour les acteurs de terrain, le contrat valide leur engagement dans un projet et prend acte des contraintes qu’ils acceptent. C’est une autre image du fonctionnaire qui réapparaît avec l’idée d’engagement.

Ce type de contrat est très éloigné des concepts élaborés en droit public. Les sanctions aux manquements sont purement morales (le discrédit éventuel des signataires). Pour que les signataires puissent engager les agents du service public, il faudrait des procédures d’élaboration beaucoup plus développées et des délais raisonnables. Le seul noyau dur, c’est l’obligation réciproque ou mieux l’engagement réciproque des signataires.

Cependant, ces contrats " faibles " sont, tout comme l’idée de projet, des tentatives nécessaires pour adapter le service public à la prise en compte des réalités du terrain. Mais contrats et projets apparaissent tellement antagonistes aux traditions administratives et aux conceptions des acteurs que leur assimilation sera longue et leur réalisation éloignée des désirs de ses promoteurs.

Signalons aussi qu’à coté des contrats internes aux instances de l’Education nationale tels que les contrats de réussite, il existe des contrats associant plusieurs ministères, des collectivités locales, des associations. (Si on ajoute à cette liste des entreprises, le contrat change de nature, puisque le manquement peut donner lieu à des pénalités ou des réparations). Pour ces contrats " externes ", malgré l’absence de sanctions on est plus proche de la définition traditionnelle.

On comprend que les juristes du service public n’apprécient guère ce type de contrat très éloigné de la belle construction intellectuelle qui est au cœur du Droit Public. On peut craindre que, comme pour les projets d’établissements, beaucoup de contrats n’aient pas beaucoup de substance et que l’idée ne se dévalue rapidement. Peut être aurait-il fallu trouver un terme moins fort juridiquement, mais cette tentative de modernisation du fonctionnement du service public, extension des idées de projet et d’initiative des acteurs, mérite d’être soutenue.

F.-R. Guillaume

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