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Les jeunes de banlieieu et leur déficit linguistique (Alain Bentolila dans Libération)

14 février 2008

Extrait de « Libération » du 07.02.08 : Les linguistes ont d’autres mots à dire
Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université Paris-V, soutient que les jeunes des banlieues souffrent massivement d’un « déficit linguistique », manifesté par un « vocabulaire exsangue et une organisation approximative des phrases » (1).

[...]

(1) Le Monde, 21 décembre 2007.

Alain Kihm linguiste, directeur de recherche au CNRS.

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  • Cette attaque dont Alain Bentolila fait ici l’objet est étonnante. Par sa violence d’abord. On voit mal ce que vient faire dans un débat d’idées une phrase tournée de la manière suivante : “Le point de vue de Bentolila participe de ce courant néoréactionnaire, anti-68, où, sous couvert d’opposition à une prétendue ‘pensée unique’, les pires contre-vérités s’énoncent fièrement.” Si Alain Kihm n’était pas chercheur mais journaliste et s’il se trouvait payé pour faire une chronique politique sur Canal+ à une heure de grande écoute, sans doute ne s’exprimerait-il pas autrement. Ensuite sur le fond. L’argumentation d’Alain Kihm repose sur le postulat selon lequel les jeunes des banlieues parleraient une langue qui serait la leur, distincte, consistante, et égale en dignité à toutes les autres (dont le français). Selon lui, en effet, “Ce pays est en situation de diglossie : il s’y pratique plusieurs langues qui, pour être égales en valeur expressive aux yeux du linguiste sans préjugés, ne le sont pas aux yeux de beaucoup de ceux qui font les promotions - maîtres, professeurs, recruteurs, intellectuels, etc.” Or, cette remarque serait exacte si l’on considérait la langue d’origine des jeunes concernés, dont il faut rappeler qu’ils sont, dans leur immense majorité, issus de l’immigration. Mais ce n’est pas le cas. Alain Bentolila ne se plaint nullement d’entendre parler l’arabe, le comorien ou le chinois dans notre pays. Il se plaint que des jeunes, scolarisés en France depuis leur plus jeune âge, parlent si mal encore, quand ils parviennent à l’âge adulte, la langue qu’une foule de professionnels avaient mission de leur enseigner.

    Le mot d’immigration décrit un processus, pas un état. Il évoque le sort d’hommes et de femmes qui ont quitté la terre où ils sont nés pour s’acclimater chez nous. Ceux-ci ont accompli un incroyable sacrifice, ils savent que, leur vie durant, ils hanteront des limbes. Mais ils ont l’espoir que leurs enfants connaitront après eux un destin plus léger. Qu’en allant à l’école, ils apprendront la langue et acquerront des droits. Celui, en particulier, de circuler dans divers milieux sociaux, de nouer des amitiés et de trouver du travail.

    Je ne sais pas bien sur quelle théorie (qu’il ne nous dit pas) Alain Kihm fonde son concept de “langue”, mais je doute qu’il se soit jamais posé aucune question pédagogique. Quand un enfant ne parle pas le français chez lui, ou quand il parle un français trop pauvre en ressources lexicales et syntaxiques, il n’a pas le sentiment de parler “une autre langue”. Et quand il n’acquiert pas à l’école, dès son plus jeune âge, une maîtrise suffisante du système phonémique de la langue qu’on lui enseigne, eh bien, il y a beaucoup de mots de cette langue qu’il écoutera, le reste de ses jours, sans seulement oser les répéter. Ou sans pouvoir.

    Alain Kihm ne semble pas porter dans son coeur les “maîtres, professeurs, recruteurs, intellectuels, etc”. On ne voit pas bien dans quelle catégorie il se range lui-même. Sans doute celle de “savant” ou de “chercheur”. Son raisonnement en tout cas relève du sophisme.

    Christian Jacomino
    Docteur en sciences du langage
    Directeur des ateliers Voix Haute de lecture et de pédagogie du français

    Voir en ligne : Un sophisme

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