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Après l’avoir combattue, Nicolas Sarkozy fait l’éloge de la discrimination positive

26 février 2007

Extraits du « Monde » du 25.02.07 : A Perpignan, Nicolas Sarkozy s’invite dans une cité pour remettre un pied dans les banlieues

Ce n’est pas la dalle d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise, où il lâcha le mot "racaille". Ce n’est pas la cité des 4 000 à la Courneuve, en Seine-Saint-Denis, où il prononça celui de "Kärcher". C’est une petite salle polyvalente du quartier de Mailloles à Perpignan, ville où, en juin 2005, se sont déroulées des violences entre communautés gitane et maghrébine. C’est là que Nicolas Sarkozy a tenté, vendredi 23 février, de renouer modestement un lien avec la banlieue et les jeunes des cités par deux associations de ce quartier en difficulté, cette réunion ne devait officiellement recevoir que Rachida Dati, porte-parole du candidat et tête de pont de M. Sarkozy dans les banlieues. Si la présence du ministre de l’intérieur a été envisagée, elle n’a pas été formellement décidée. On verra sur place.

La presse a été tenue dans l’ignorance des préparatifs. C’est alors que son avion se posait sur le tarmac de l’aéroport de la préfecture de l’Aude, en début d’après midi, que le candidat de l’UMP, sans doute assuré que l’accueil lui serait favorable, a lâché : "Ok, on y va."
Immédiatement, les journalistes, qui l’attendaient au commissariat principal de la préfecture de l’Aude, sont priés de monter dans un bus sans être renseignés sur leur destination. Au bout de quelques minutes, un des collaborateurs du candidat lève une partie du mystère : "On va à la cité Mailloles où Mme Dati est entrain de discuter avec des jeunes. Je vous demande de ne pas courir. On va voir là-bas comment on va travailler tranquillement." On ne saurait être plus prudent.

Diversité

Arrivé sur les lieux, on découvre le candidat-ministre déjà installé sur une chaise en plastique, au milieu de plusieurs dizaines de jeunes et de mères de famille. Le débat démarre par un hommage d’une participante à Mme Dati : "Elle a réussi à nous faire sentir les choses que nous n’avions pas comprises, explique une jeune fille en dévoilant en partie le travail préalable de la conseillère de M. Sarkozy. Entre ce qu’elle nous a dit de vous et l’image que vous donnez dans les médias, ce n’est vraiment pas la même chose."

La sono est crachotante comme pour mieux souligner que cette réunion n’a pas été montée de toutes pièces pour aider le candidat à reprendre pied dans les quartiers. Vantant les mérites de sa conseillère, M. Sarkozy fait l’éloge de la "discrimination positive", une expression qui avait disparu de son vocabulaire de candidat officiel. Il promet, s’il est élu, de faire représenter la diversité "à la tête des cabinets ministériel et des administrations". Il parle de "passer à une autre étape de la politique de la ville" et réaffirme son projet d’un "plan national de formation qualifiante pour chaque jeune en difficulté" : "C’est à l’Etat de corriger les inégalités."

La seule contradiction viendra d’un jeune homme qui, habilement, l’interroge : "La France dites-vous, "aimez-la ou quittez-la". Vous l’aimez cette France, et pourtant vous avez envie de la changer. Pourquoi quelqu’un issu de l’immigration n’aurait pas le droit de critiquer la France ?" Réponse biaisée du candidat : "Quand on habite la France, on respecte ses valeurs. On ne choisit pas le sexe de son médecin. Le sacrifice rituel ne doit pas être pratiqué de la même façon qu’à Kayes (Mali). Je ne fuis pas le débat. Une infime minorité se comporte en France comme elle ne pourrait pas le faire dans un pays de l’autre côté de la Méditerranée." Au bout d’une cinquantaine de minutes, M. Sarkozy repart.

Le soir, le candidat retrouve, lors d’un meeting consacrée à "l’autorité", un public acquis à sa cause. Même s’il se dit conscient que ce mot "vous fait immédiatement soupçonner de préparer rien de moins qu’un Etat policier", il n’hésite pas une fois de plus à caricaturer Mai 68. Abandonnant ses références à Jaurès et à Blum, il s’est montré, dans cette thématique idéale pour le ministre de l’intérieur qu’il est encore, plus à l’aise que devant les jeunes de la cité Mailloles. Le chemin de son retour en banlieue est encore long.

Philippe Ridet

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