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Le collège, victime de l’idéologie du tri social, billet de Jean-Pierre Véran

28 février 2023

Le Collège victime d’une idéologie scolaire partagée
Oui, notre Collège est « malade », mais c’est d’une idéologie scolaire largement partagée qui empêche de prendre en considération le système de tri social installé par une politique des savoirs cachée sous les oripeaux de la méritocratie républicaine.

Jean-Pierre Veran
formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université
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Le ministre de l’éducation nationale parle du collège comme de « l’homme malade » du système éducatif français, et annonce qu’il entame la transformation du Collège[1]. Cela se traduit par le remplacement en 6e dès la rentrée 2023 d’une heure de technologie par une heure de soutien ou d’approfondissement en français ou en mathématiques. "Transformation", vraiment ?

On a là une parfaite illustration de l’idéologie scolaire dont est effectivement victime le Collège. Ce n’est pas en jouant sur un ou deux paramètres, une heure en moins ici remplacée par une autre heure là, qu’on trouvera le chemin de la « guérison » du Collège. D’autres ministres s’y sont, avant M. Ndiaye, essayés sans plus de succès. En effet, en se limitant à des mesures cosmétiques, on ne remet pas en cause le système du Collège, conforme à l’idéologie scolaire dominant encore le débat éducatif en France.

De quoi est composée cette idéologie ? Elle repose sur plusieurs croyances. La première est que les enseignements tels qu’ils sont conçus vont de soi. On a, pour enseigner aux collégiens, des professeurs de lycée et collège (PLC), formés pour enseigner aussi bien au Lycée général et technologique qu’au Collège. Il est donc naturel que les disciplines enseignées au Collège soient conformes à celles enseignées au Lycée général. Si le lycée est couronné par le baccalauréat, le Collège, lui, a aussi son examen terminal, le diplôme national du brevet (DNB). Et ces examens, reposent pour partie sur des épreuves terminales et pour partie sur un contrôle continu, pour lequel il est indispensable que les élèves aient des notes et des moyennes de ces notes. Il faut donc croire aussi à la parfaite justesse de la note et ne surtout pas se questionner sur le sens de la moyenne et de la moyenne de moyennes, la fameuse moyenne générale, en fonction desquelles est attribué ou refusé le diplôme. Les notes sont bonnes, voire excellentes, si l’élève travaille correctement, moins bonnes ou mauvaises s’il ne travaille pas suffisamment ou pas du tout. En effet, croyance complémentaire, chacun le sait et le répète, notre école tout entière est fondée sur la reconnaissance et la valorisation du travail, de l’effort, en un mot du mérite, et rien n’est plus républicain que cette méritocratie. Le ministre lui même se présente comme le pur produit de cette belle méritocratie. Il est donc parfaitement logique qu’à l’issue du collège s’opère "naturellement " le tri entre les élus qui vont poursuivre leur formation en lycée général et technologique et les autres, qui vont être orientés en voie professionnelle.

Il ne viendrait à l’idée de personne de se demander pourquoi les élèves issus de milieux favorisés sont sur-représentés en voie générale et ceux de milieux populaires sur-représentés en voie professionnelle. Il en va ainsi depuis toujours…

Voilà pourtant l’origine du mal qui frappe le collège : alors qu’il scolarise peu ou prou l’ensemble des générations d’élèves avant leur séparation en voies de formation distinctes après la troisième, il ne fait que préparer le tri final, qui consolide les inégalités sociales et culturelles, alors qu’une ambition authentiquement républicaine serait de les réduire.

Comment s’y prend-on, pour arriver à ce résultat ?

Rien n’est plus simple en vérité. La séparation règne à tous les étages et dans chaque pièce du puzzle. [...]

Extrait de blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran du 26.02.23

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