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La nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police, par Sébastien Roché, Grasset, janvier 2022

8 février 2022

La nation inachevée
Sebastian Roché
Grasset, janvier 2022, 400 p.

La démocratie est en crise, le pays se fissure et notre boussole politique s’est démagnétisée. Le diagnostic ne trompe pas : le débat public se crispe sur l’identité nationale, les valeurs républicaines et la laïcité tandis que la participation électorale décline... Tout indique que le processus de fabrication de la nation et des citoyens libres semble bloqué. Les causes désignées par les chaînes d’information en continu, qui abreuvent des pans entiers de la société ? la tyrannie des minorités ethniques ou religieuses, et la perte de l’autorité de l’Etat. Les solutions proposées par les mêmes ? Une école Troisième République où les maîtres inspirent le respect et une police renforcée, plus nombreuse et plus agressive dans les zones pauvres. Au-delà de l’emballement médiatique autour des faits-divers et de leur utilisation par des responsables politiques, quelle est la pertinence de ce diagnostic ?
Dans cet essai charpenté et incisif, fruit d’une enquête scientifique et de travaux de recherche menés depuis dix ans, Sebastian Roché dessine un paysage et une réalité sociale bien plus complexes qu’on ne l’entend d’ordinaire. Oui, la question de l’identité collective et de la culture civique ont toute leur légitimité dans le débat - elles sont au fondement du fonctionnement des Etat-Nations- mais il ne faut pas oublier que la fabrique de la démocratie repose pour une large part sur la socialisation des enfants et l’éducation. Oui, les croyances dans les principes civiques et l’identité collectives sont bien affectées par les phénomènes migratoires et les pressions religieuses. Mais, loin de faciliter la cohésion sociale, les fonctionnements actuels de l’Ecole et de la Police creusent le sentiment de rejet et amplifient le malaise. L’instruction publique n’est pas la matrice des valeurs collectives, elle ne convainc que les gagnants de la compétition scolaire, laissant les perdants sur le bord de la route. Et la police, de son côté, par ses pratiques douteuses, comme les contrôles d’identité discriminatoires, et son impossible réforme face à un pouvoir faible, freine l’intégration des enfants des zones pauvres et des minorités ethniques…
Au terme de ce constat en clair-obscur apparaît une question qui vient ébranler le fondement de nos institutions : Et si l’Etat tel que nous le connaissons était le poison et non l’antidote à la crise que nous traversons ?

Extrait de grasset.fr du 10.01.22

 

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« La Nation inachevée » : comment le quotidien des jeunes construit leur citoyenneté
A la lumière de plusieurs enquêtes, le sociologue Sebastian Roché explique dans son livre que le sentiment d’appartenance à la communauté nationale se nourrit davantage des interactions, parfois anodines, avec les représentants de l’Etat que des discours théoriques.

[...] Cette expérience se construit au quotidien dans la relation sensible avec les « agents de première ligne » de l’Etat que sont les enseignants et les policiers. Sebastian Roché place la focale sur l’adolescence et étaye son propos en s’appuyant, outre la littérature nationale et internationale, sur l’analyse des données de deux enquêtes massives : Polis, menée entre 2010 et 2012 auprès de 22 000 collégiens et lycéens en France et en Allemagne et l’étude UPYC qui, en 2015, a touché 18 000 collégiens de plusieurs pays (dont 10 000 en France). La taille de ces échantillons permet de passer la question de l’adhésion à la nation au crible de l’appartenance à différents groupes sociaux et ethnico-religieux.

L’affirmation d’un « cosmopolitisme »
Ainsi, chez les enfants d’un père né en Afrique du Nord, seuls 12 % se définissent comme « totalement » français, 23 % se sentent « plutôt » français et 45 % se disent « partagés », ce qui ne signifie nullement une hostilité. Chez ceux dont le père a la nationalité française, ces chiffres sont respectivement de 49 %, 29 % et 17 %. Les proportions sont différentes mais montrent une tendance commune : les jeunes se retrouvent de moins en moins dans le modèle standard d’une allégeance nationale unique. Un « cosmopolitisme des classes d’âge les plus récentes » est en train de s’affirmer, commente Sebastian Roché. Dans ces conditions, « assimiler toute demande de particularité culturelle à du séparatisme » revient à une négation des positions intermédiaires.

[...] Une expérience négative ayant toujours plus d’effet qu’une expérience positive, il en résulte que « l’affiliation nationale est nettement affectée par l’exposition des collégiens et lycéens aux contrôles répétés par la police ». Plus les adolescents cumulent de contrôles, moins ils se sentent français et moins ils jugent utile de voter…

C’est à chaque contact avec les agents de l’Etat, enseignants ou policiers, que se « dessinent des lignes d’inclusion ou d’exclusion », avance le sociologue. Autant d’interactions « qui pourraient sembler, à distance, insignifiantes, mais qui sont la chair des relations sociales ».

Extrait de lemonde.fr du 04.02.22

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