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Dans le Café, deux réflexions de fond autour de l’individualisme actuel : Philippe Meirieu sur la crise des valeurs à partir de l’exemple d’une école ghetto ; Bruno Devauchelle sur la pédagogie et le numérique

18 mars 2016

Cette jeune collègue, professeur des écoles débutante, vient d’être nommée dans une école de banlieue pour y effectuer un remplacement de quelques jours. Elle apprend, en même temps que sa nomination, qu’elle va être inspectée dans les quarante-huit heures...
Enthousiaste, cultivée, convaincue du caractère émancipateur des savoirs et de l’éducabilité de toutes et tous, elle sait que ce ne sera pas facile avec une classe qu’elle ne connaît pas et dans laquelle elle n’a pas pu mettre en place un minimum de rituels structurants. Les élèves vont la « tester », la pousser dans ses retranchements et n’hésiteront pas à la mettre en difficulté le jour de l’inspection : fini le temps, en effet, où les élèves se solidarisaient spontanément avec leur professeur à l’arrivée de « la hiérarchie » !
Aujourd’hui, rien ne peut empêcher la partie de bras de fer dès lors qu’un enseignant est « parachuté » et qu’il n’a pas pu construire sur la durée une relation exigeante et confiante à la fois avec sa classe. Mais l’enseignante doit faire face. Elle décide de construire deux séquences : une leçon de biologie sur la reproduction végétale et une étude de texte à partir d’un récit tiré de la mythologie grecque.

[...] C’est d’abord, bien évidemment – mais il ne faut jamais hésiter à le rappeler –, une des conséquences de notre histoire coloniale et de notre urbanisation irresponsable ; c’est aussi l’un des effets d’une situation géopolitique marquée par un conflit israélo-palestinien qui s’enkyste depuis des années et gangrène progressivement toute la planète…
Mais c’est, plus près de nous, le signe d’un échec radical de notre politique de la ville en matière de mixité sociale  : nous sommes bien là dans un « ghetto », c’est à dire un quartier où les phénomènes claniques et la soumission à la norme en vigueur viennent contrecarrer les principes fondateurs de toute socialité républicaine. Il n’y a pas d’autre loi que la loi du clan et « instituer de l’École » est ici une gageure : comment, en effet, faire entendre que la classe est régie par l’exigence de précision, de justesse et de vérité, dans le respect de chaque personne, alors que règnent, dans tout son environnement, l’emprise absolue de gourous et la violence de stéréotypes archaïques et sexistes ? Comment tenir encore une vague promesse scolaire (« Travaille et tu réussiras… ») quand le chômage de masse gangrène tout le quartier et que la seule perspective offerte aux jeunes est de s’investir dans un quelconque trafic pour tenter d’accéder à quelques-uns des gadgets que leur fait miroiter la machinerie publicitaire ? Comment les mobiliser sur des enjeux sportifs ou culturels quand les mouvements d’éducation populaire qui, jadis, leur offraient la perspective de s’investir dans une activité collective ont été largement décapités ? Comment leur transmettre le désir de s’intégrer quand tout le tissu social, autour d’eux, des services publics aux commerces de proximité, s’est désintégré ? [...]

Extrait de cafepedagogique.net du 18.03.16 : Philippe Meirieu : « Pour le symbolique, nous n’avons pas grand chose en magasin… »

 

Au coeur de différentes études critiques publiées ces dernières années se trouve l’aphorisme suivant : "le numérique en éducation ne vaut que par la pédagogie qui invite à l’utiliser !" Après avoir souvent entendu dans les propos volontaristes de responsables politiques ou autres promoteurs des équipements numériques que le numérique allait transformer la pédagogie et qu’on verrait probablement une pédagogie numérique émerger, on ne peut que s’interroger. Appelée de ses voeux sous cette formulation, cette approche certes séduisante reste très éloignée de la réalité quotidienne. En sortant ici des rituelles explications comme pas de moyens, pas de formations, pas de ressources, infrastructures sous dimensionnées et des rituels plans qui y font écho, l’analyse révèle qu’il y a un espace d’incompréhension entre différents acteurs. Cette incompréhension repose en partie sur le fait qu’il y a plus d’imaginaire que de réel constaté autour de la pédagogie, du numérique et plus globalement de l’éducation.

[...] Au travers des nombreux projets sur le numérique accompagnés depuis plus de trente ans, on peut effectivement faire l’hypothèse que le mythe pédagogique lié au numérique est d’abord lié à des formes d’individualisme institutionnel. Même s’il n’est pas totalement généralisé, il est fondamental dans l’identité professionnelle. Or c’est cet individualisme qui est le terreau des difficultés d’évolutions pédagogiques avec ou sans numérique. Mais il faut ici préciser que ce n’est pas péjoratif de parler d’individualisme, c’est simplement l’expression de la difficulté de nombre d’enseignants de sortir d’une forme d’isolement professionnel.
Enseigner en groupe, partager ses supports, partager ses questionnements professionnels, engager des projets collectifs, cela reste encore une difficulté aussi bien organisationnel (quel temps pour cela ?) que personnel (image de soi et comparaison). La centration sur l’enseigner au détriment de l’apprendre à probablement une importance dans cette attitude.

Extrait de cafepedagogique.net du 18.03.16 : Bruno Devauchelle : Il y a-t-il une pédagogie du numérique ?

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