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Contrôle de l’ouverture sociale
et de la diversité dans les classes
préparatoires aux grandes écoles
Rapport n° 2010-100 - juillet 2010
48 pages
Rapporteurs : Brigitte Bajou, Josée Kamoun, Norbert Perrot, Jean-Michel Schmitt, Alain Séré, Inspecteurs généraux de l’Éducation nationale ; Jacques Fattet, Chargé de mission à l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche
INTRODUCTION.
1. L’OUVERTURE SOCIALE DES CPGE : UNE VOLONTÉ POLITIQUE QUI
RÉPOND À DES IMPÉRATIFS DÉMOGRAPHIQUES, ÉCONOMIQUES ET
SOCIAUX
2. UN PREMIER BILAN.
3. LES FREINS À L’OUVERTURE SOCIALE DES CPGE
4. UNE DÉMARCHE VOLONTARISTE DES ACTEURS DE TERRAIN
5. LES OPPORTUNITÉS DU RENFORCEMENT DE LA VOIE
TECHNOLOGIQUE EN CPGE
6. CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS
Même si la mission peut avoir quelques doutes sur leur précision car elles ne semblent pas
distinguer clairement les différents types de lycées (militaire, public et privé), les statistiques
officielles montrent clairement que l’objectif fixé par le Président de la République n’est pas
encore atteint. L’augmentation du nombre de boursiers est liée essentiellement à la création de
l’échelon à taux zéro, le pourcentage d’élèves aux taux cinq et six restant toujours extrêmement
faible. Il apparaît clairement que l’objectif fixé n’est pas facile à atteindre en raison notamment
d’habitudes culturelles fortes et anciennes de la part des chefs d’établissement et de leurs équipes
pédagogiques, mais aussi des populations concernées.
Au delà de la lecture des statistiques, la mission s’est efforcée d’identifier sur le terrain les
facteurs favorisant l’intégration dans les classes préparatoires de jeunes issus des milieux
défavorisés ainsi que les freins à cette intégration. La mission a constaté une prise de conscience
générale et un ressenti de légitimité vis-à-vis de la demande impérative du Président de la
République, demande reçue et traitée de façons très diverses selon la localisation géographique,
le type d’établissement et de filière, l’engagement du chef d’établissement et le comportement
des équipes pédagogiques.
La mission a pris beaucoup de plaisir à rencontrer certains chefs d’établissements très impliqués
dans la mission d’ouverture sociale ainsi que des élèves de classes préparatoires, boursiers ou
non, très matures et proposant souvent des analyses lucides de la situation. Les points forts
retenus par la mission concernent l’information, les conditions d’hébergement, la question du
classement des lycées au regard des résultats aux concours prestigieux et le risque d’une
perception négative des jeunes vis-à-vis d’un objectif d’ouverture sociale ambitieux mais
risquant d’être mal interprété. La question de l’information est tout à fait centrale, et non
spécifique à l’orientation en CPGE. Elle interroge fortement sur les moyens de transmission et
pointe clairement, dans ce domaine aussi, la difficulté des enseignants à apporter des réponses
pertinentes concernant les poursuites d’études au-delà du baccalauréat. Il n’est pas certain que la
réponse passe seulement par la formation ou la sensibilisation des enseignants à ces questions.
Le problème de l’hébergement n’est pas nouveau mais doit nettement être traité de façon globale
pour des jeunes socialement fragilisés, en incluant des considérations autres que celles d’un
confort pratique immédiat. La poursuite d’études suppose également des supports techniques, un
contexte social favorable et une ouverture culturelle.
Enfin, la logique des classements des lycées, fondés sur des critères contestables, est l’un des
freins les plus puissants à l’évolution des pratiques pédagogiques de nombre d’enseignants de
classes préparatoires, ces derniers considérant qu’ils doivent avant tout alimenter leurs élèves en
savoirs académiques. La mission considère qu’une réflexion approfondie devrait être menée à ce
sujet afin de permettre, en particulier, de valoriser les établissements à forte valeur ajoutée au
regard de l’ouverture sociale et des belles réussites offertes aux jeunes issus des milieux
défavorisés.
Plus globalement, la mission n’a pas constaté de véritables impulsions académiques, fortes et
portées, qui accompagneraient les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques dans
l’appropriation et la mise en oeuvre de l’objectif des 30 % de boursiers en CPGE.
S’appuyant sur les analyses et les constats formulés lors des visites et rencontres effectuées en
académies et consignées dans ce rapport, la mission retient essentiellement six axes de
propositions qui sont présentés ci-dessous. Ces propositions se situent dans le contexte actuel du
collège et du lycée, qui est déjà discriminant socialement. La mission ne fait aucune proposition
concernant la situation des collèges et lycées, domaine non concerné par l’étude menée.
Propositions
CPGE : La fausse ouverture sociale
[...] En 2010, le rapport de Brigitte Bajou et Jacques Fattet établit que seulement 22% des élèves de CPGE perçoivent une bourse. Un taux deux fois plus faible qu’en STS (42%) et nettement inférieur à celui des universités (31%). Encore ce taux est-il faussé par la redéfinition des bourses en 2008. " Le déplafonnement des revenus donnant droit à l’obtention du statut de boursier a provoqué entre 2007 et 2008 une augmentation mécanique du nombre total de boursiers de l’enseignement supérieur de 50 000 nouveaux étudiants. Cette hausse du nombre de boursiers touche l’ensemble des échelons de bourses, mais principalement les échelons zéro (+66 %)". Avec cette réforme une famille disposant un revenu de 32 440 € est déclarée boursière au taux zéro. Le rapport ne cache pas que la hausse du taux de boursiers (de 19 à 22%) " est essentiellement due à la création de l’échelon zéro".
Il est intéressant de voir que pour l’Inspection générale le manque d’ouverture de la filière CPGE résulte principalement des boursiers eux-mêmes. Les inspecteurs évoquent la fameuse autocensure des lycéens de milieu modeste. Cette thèse est pourtant contestée par le sociologue Sylvain Broccolichi. Dans un entretien publié le 8 décembre 2011, il nous confiait que ce "manque d’ambition" est en fait justifié par les résultats finaux de ces orientations. Ainsi en CPGE, "ils ont de bonnes raisons d’hésiter à y aller ! On peut le dire quand on regarde le résultat final et leurs chances réelles de réussite compte tenu de leurs conditions d’apprentissage. Ce sont elles qui sont fondamentalement en jeu. Apparemment il y a beaucoup de raisons de se boucher les yeux et d’éviter de se demander ce qui conditionne les apprentissages des élèves, ce qui se joue dans la classe. " [...]
Mais de toutes façons c’est l’élitisme du système qui fait piétiner l’ouverture. "Plus globalement, la mission n’a pas constaté de véritables impulsions académiques, fortes et portées, qui accompagneraient les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques dans l’appropriation et la mise en oeuvre de l’objectif des 30 % de boursiers en CPGE".
Entretien avec Sylvain Broccolichi
Extrait de L’Expresso du 08.06.2012 : CPGE : La fausse ouverture sociale