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L’école parmi les causes des émeutes urbaines de 2005 (Positions de chercheurs)

21 décembre 2006

Extraits de « Horizons stratégiques », le 19.12.06 : Perspectives sur les clivages sociaux en France

Perspectives sur les clivages sociaux en France, avec Olivier Galland, Pascal Gauchon et Laurent Mucchielli

Un extrait du débat :

Laurent Mucchielli : Dans la recherche que nous avons réalisée avec l’équipe de Quand les banlieues brûlent, nous sommes partis de questions simples. Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’il y ait de telles émeutes ? Ensuite, quelle géographie sociale ces événements révèlent-ils ? Cela nous a amenés à faire le point sur ce que l’INSEE appelle « les zones urbaines sensibles ».

Commençons par l’analyse du déclenchement lui-même. Les émeutes ne tombent pas du ciel, au départ il y a toujours un événement dramatique, grosso modo toujours du même type : la mort de jeunes d’un quartier en relation avec une opération de police.

Ensuite, il y a la production de sens à travers les commentaires du drame : c’est là que la communication du gouvernement a joué un rôle. Le deuxième événement déclencheur (le tir de la grenade lacrymogène sur la mosquée de Clichy-sous-Bois) le confirme. Enfin, il y a les « causes profondes », celles qui vont permettre de comprendre pourquoi les émeutes qui avaient toujours été localisées et limitées à 2 ou 3 jours, ont pu s’étendre à deux ou trois cents communes. Il faut chercher à découvrir quel est ce processus d’identification collective qui a fonctionné.

La géographie sociale que l’on peut dessiner à partir des données de l’INSEE donne les éléments d’analyse sur les conditions nécessaires mais non suffisantes des émeutes. Mais on ne peut pas s’arrêter à une analyse quantitative, a fortiori si elle repose uniquement sur les critères INSEE. Il faut aller voir, localement, les dynamiques plus larges pouvant expliquer les caractéristiques de l’action collective. Nous avons donc fait un travail plus qualitatif, jusqu’à mener des entretiens avec des émeutiers pour analyser les raisons de leur colère.

Dans ce qui est dit, il y a une mise en cause extrêmement forte des institutions : la première, ce n’est pas nouveau, c’est l’institution policière ; la deuxième, et cela mérite analyse, c’est l’institution scolaire.
Cette dernière produit aujourd’hui un ressentiment massif.

Enfin, dans leurs propos, derrière la mise en cause des institutions, se profilent d’une part l’exclusion économique et l’absence d’avenir, d’autre part la non représentation politique et les discriminations (ou plus simplement à leurs yeux : le racisme).

Dans ces entretiens, les jeunes accusent ainsi la société française d’une double hypocrisie par rapport aux promesses républicaines. Première hypocrisie : l’idée que tout le monde a les mêmes chances alors qu’il y a une situation massive d’exclusion sociale, socio-économique, dans leurs quartiers. La deuxième est de type plus symbolique et politique : hypocrisie sur l’idée que les citoyens ont tous une égale dignité : les jeunes de ces quartiers, la plupart issus de l’immigration, ne se sentent pas des citoyens aussi dignes que les autres, ils se considèrent comme les « parias » d’une société qui ne veut pas d’eux, n’a jamais voulu et ne voudra jamais d’eux.

(...)

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