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Des élèves de prépas issus de ZEP parlent du turorat dont ils ont bénéficié

30 novembre 2006

Extrait du « Figaro » du 29.11.06 : « Franchir la barrière intellectuelle »

Les écoles multiplient les actions vers les lycées de zone défavorisée. Sciences po donnait le ton en 2001 en signant les premières conventions de partenariat avec des lycées de ZEP.
Isabelle et Christophe ont participé au programme « Une prépa, une grande école, pourquoi pas moi ? » initié en janvier 2003 par l’Essec. Un tuteur volontaire de l’école a accompagné durant trois ans ces lycéens issus de milieux modestes, afin d’accroître leurs chances de poursuivre des études supérieures ambitieuses, et de favoriser leur accès aux grandes écoles. Isabelle et Christophe font partie de la première promotion, qui comptait 23 lycéens. Durant leur scolarité au lycée Galilée de Cergy-Pontoise, l’un des huit établissements partenaires de l’opération, ils ont ainsi bénéficié de trois heures de tutorat hebdomadaires. Au menu : apprentissage des méthodes de travail, culture G mais aussi atelier théâtre ou visites de musées.

Isabelle, 19 ans, en licence 1 Economie-anglais à l’université de Cergy-Pontoise. « Le tutorat m’a permis de franchir la barrière intellectuelle qui sépare les étudiants de milieux modestes de ceux des prépas et des grandes écoles. C’est d’abord dû au tuteur, qui « désacralise » l’univers des grandes écoles, sur lequel on a souvent des préjugés du genre « ils sont tous issus de la bourgeoisie ». S’il y avait une leçon à retenir, c’est que l’on peut réussir grâce à notre travail, à condition de faire les bons choix d’orientation.

Hormis leur apport intellectuel, les séances de tutorat m’ont appris à être à l’aise à l’oral, à savoir m’exprimer. C’est un aspect que j’ai beaucoup travaillé, notamment grâce aux cours de théâtre. Après le lycée, j’ai tenté les prépas à Paris ou à Vanves. Il faut compter quatre heures de transport aller retour pour y aller, et je n’ai pu obtenir de place en internat. Mon père est ouvrier, ma mère femme au foyer, et ce n’était pas envisageable de louer un appartement. J’ai opté pour le cursus Economie-anglais de la fac de Cergy. Je compte tenter plus tard le concours des grandes écoles comme l’Essec, HEC ou EM Lyon. Grâce à mon tuteur, j’ai appris que c’était possible de les intégrer en passant par la fac. »

« Au lycée, on passait pour les bosseurs de service ». Christophe, 17 ans et demi, en prépa PCSI au lycée Saint-Louis (Paris). « Le tutorat m’a d’abord appris une méthode de travail, mais il m’a aussi permis de développer ma culture et ma curiosité. Chaque semaine, le mercredi après-midi, nous faisions le point sur l’actualité. J’ai appris à diversifier mes sources, mes lectures, et à décortiquer les événements, à aller plus loin que ce que l’on voit à la télé. J’appréciais aussi les sorties au théâtre ou au musée.
Les tuteurs s’investissaient réellement et ne comptaient pas leurs heures. Ils nous ont même emmenés en voiture visiter une exposition sur les impressionnistes tout un samedi après-midi ! Au lycée, les élèves qui suivaient le programme « une grande école » étaient perçus comme les « bosseurs » de service. Le mercredi après-midi, quand les autres jouaient au foot ou à la console, j’avais mes séances de tutorat.

Il fallait être motivé, car c’est une grosse charge de travail supplémentaire par rapport au lycée ! Le regard des autres a commencé à changer à partir de la fin de la Première, quand il faut penser à son orientation. Là, ils m’ont posé des questions. Certains regrettaient même de ne pas avoir participé au programme ! J’ai découvert la prépa PSCI de Saint-Louis grâce à mon tuteur et aux séances d’orientation qui étaient organisées pendant le cursus, avec tests et entretiens. Si j’ai réussi à intégrer Saint-Louis, c’est d’abord grâce à mes notes de lycée. Le tutorat m’a surtout préparé à vivre la prépa. La méthode de travail ou les enseignements me rappellent mes séances à l’Essec. Je ne débarque pas dans l’inconnu. »

« Mon tuteur m’a mis à l’aise ». Guillaume, 17 ans, en prépa MPSI au lycée Michelet (Vanves) « Sur le papier, ce n’était pas très motivant ! J’étais en seconde quand le dispositif a été mis en place. Mon professeur principal m’a proposé, ainsi qu’à cinq autres élèves, de participer au programme. La première chose qu’on a vue, c’est qu’il y avait 300 heures de tutorat sur trois ans, et que les séances se déroulaient le mercredi après-midi ou le samedi !
En plus, on ne connaissait pas l’Essec, cela ressemblait à un saut dans l’inconnu. Mais les professeurs nous ont poussé, et ont suivi notre parcours avec curiosité, car nous étions la première « promo » du programme. Nous avons rédigé une lettre de motivation, et avons dû passer des entretiens pour être sélectionnés. Le premier contact avec les tuteurs de l’Essec a été bon, ce qui est important pour la suite. Je suis tombé sur des personnes franchement impressionnantes, qui représentaient une sorte de modèle de réussite.

On n’était pas dans une relation professeur-élève. Mon tuteur m’a mis tout de suite à l’aise, m’a donné son numéro de téléphone, demandé s’il y avait des points que je voulais travailler en particulier... L’approche n’est pas uniquement scolaire. Le tutorat fournit des codes, pour nous mettre à l’aise face à n’importe quelle situation et nous permettre d’être autonomes, de faire des choix.
Les cours de codes sociaux, avec des sociologues, ou les ateliers d’expression dans le cadre de cours de théâtre m’ont particulièrement marqué. Ils insistent sur le comportement à adopter lors d’un entretien, dans le cadre du travail ou du stage en entreprise, etc. C’est non seulement utile pour passer des concours, mais ça nous suivra toute notre vie. Dans le même ordre d’idées, nous avons appris à suivre l’actualité, à intervenir dans des débats, parfois en anglais. Cela aide à prendre confiance en ses capacités. Quand on sort de ce programme, on a les idées claires sur ce que l’on veut pour la suite. »

Propos recueillis par Florent Maillet, 29 novembre 2006

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