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Annick Davisse : Pour une transformation rapide des pratiques scolaires en ZEP

10 juillet 2006

Extrait de l’Humanité du 08.07.06 : Persister, c’est-à-dire transformer...

Depuis 1995, l’accès « au niveau du bac » plafonne, alors que sa progression avait été continue et spectaculaire depuis 1980. Selon les statistiques ministérielles : « En termes de niveau, les filles ont donc presque atteint l’objectif des 80 % d’accès au niveau du baccalauréat, avec un taux de 76 % [...] contre 64 % des garçons. » On qualifie généralement cet écart de « réussite des filles », je préfère parler d’échec des garçons pour identifier le butoir actuel : les bornes d’un modèle d’école à déconstruire.
Turbulents, et moins à l’aise, dès la petite enfance, avec les activités langagières, extériorisant davantage leurs doutes d’adolescence, les garçons sont plus « en difficulté », les filles plus « en phase » dans une institution qui peine à se départir de ses pratiques de domination et de tri.
Préférant « les anges », le système éducatif, comme la société, échoue à conjuguer prise en compte des élèves réels et objectif de culture commune solide.
Personnels et parents ont aussi du mal à admettre que le temps est venu d’une transformation profonde des pratiques de l’école. La nécessité comme le sens de ces transformations s’illustrent dans les paroles portées par des jeunes, pendant et après la révolte des banlieues de 2005, retrouvant le « on n’est pas des moins que rien » de ceux de Seine-Saint-Denis en 1998.

Dire qu’il n’y aura de relance de la démocratisation qu’au prix d’une transformation des modalités et des contenus scolaires ne répond pas à la lancinante question « 80 % et après ? » si bien formulée par S. Beaud. En gardant les écarts de sexe comme lanterne, on voit d’ailleurs que les filles, même diplômées, sont plus chômeuses.
Ce paradoxe indique que le « déclassement » n’est pas d’abord une question scolaire : il faut se tourner vers les pratiques patronales qui non seulement ne reconnaissent pas les savoirs acquis mais en nient l’existence. Si la lutte contre le déclassement appelle un rapprochement école-entreprise, il ne peut se penser sans une participation nouvelle des salariés, qui ont aussi un monde à gagner à se mobiliser sur les contenus et les modalités du travail.

Qui voudra entendre de telles propositions en ces temps de régression ? Il faut évidemment, d’abord, se battre pied à pied contre les suppressions de postes, contre la diminution du budget, etc. Mais sans laisser penser que davantage de moyens suffirait à relancer la démocratisation enrayée.
Légitimer l’augmentation du coût de la formation (et son financement plus fort par les entreprises) suppose aussi d’entendre ce « mais puisqu’on n’y arrive pas ! » que la droite manipule. On dit complaisamment que les élèves « manquent de repères », certes, mais, s’agissant des « repères professionnels », le milieu enseignant est en crise. Celle-ci est politique au sens où plus rien n’est clair (où on va ? à quoi on sert ?). Elle appelle un discours politique fort, et d’abord de ne pas promettre de faire demain ce qu’on n’a pas fait hier, sans dire pourquoi cela ne fut pas fait et comment on le fera.

J’ai à ce sujet un contentieux avec Ségolène Royal parce que comme ministre, par exemple dans ce qui se voulait une « relance » des ZEP en 1998, elle fut particulièrement incapable de sortir du discours moralisateur et compassionnel sur les jeunes des quartiers et de leurs familles, et de la projection de « son » modèle parental et scolaire. N’étant pas non plus de celles et ceux qui pensent qu’une fois « dans le mouvement » (grève générale, par exemple) les vieux modèles d’école s’évanouiront tout seuls, je persiste à penser qu’il faut à la fois rassembler contre les régressions en cours et porter des contenus transformateurs.

Par Annick Davisse, pédagogue

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