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Eric Charbonnier (OCDE) au Café pédagogique : "la priorité en France, c’est de réformer l’éducation prioritaire"

21 décembre 2013

Expert auprès de la direction de l’éducation de l’OCDE, Eric Charbonnier suit depuis des années le système éducatif français et ses résultats dans PISA. Si la situation éducative de la France est difficile, pour lui le pays ne soit pas se résigner. Il doit suivre l’exemple d’autres pays de l’OCDE qui ont su améliorer rapidement leurs résultats

Pisa 2012 montre un affaissement par le bas de l’école française. A-t on des exemples de pays qui ont remonté la pente assez rapidement ?

On peut espérer en 4 ou 5 ans le faire quand on investit dans l’école prioritaire. La France fait partie des pays où on voit bien que le problème c’est que l’échec scolaire est très spécifique à un milieu social précis. On a des exemples de redressement rapide : le Portugal, l’Allemagne, l’Estonie pour prendre des exemples européens. Il faut aussi souligner que des pays n’ont pas reculé, qu’il y a des politiques efficaces pour lutter contre les inégalités sociales à l’Ecole. Les Pays Bas montre qu’on peut bien réussir avec peu d’inégalités sociales. Pour cela on donne des moyens aux établissements qui en ont le plus besoin. Il y a eu dans ces pays des politiques pour donner des moyens aux établissements difficiles.

Donner des moyens pour faire quoi ? Peut-on définir précisément des politiques efficaces ?

Déjà donner des moyens en terme de personnel . Les pays qui réussissent bien ont des enseignants expérimentés dan les établissements prioritaires ou préparés pour travailler dans ce type de classe.

La difficulté pour un pays comme la France c’est d’attirer ces enseignants. Comment faire ?

En Estonie, on a créé des incitations financières pour attirer des professeurs dans des zones rurales isolées. Aux Pays-Bas ça se joue dans l’autonomie dont disposent les établissements qui utilisent de l’argent pour gérer cette difficulté. Le Portugal a essayé de créer des aides aux familles défavorisées et mettre des éducateurs dans els établissements. Ils ne remplacent pas les enseignants mais les aident.

L’autre question c’est d’améliorer l’efficacité de l’enseignement. Ça passe par quoi ?

En France on voit bien que ça fonctionne bien pour un tiers des élèves et mal pour les autres. Donc toutes les méthodes d’alternative au redoublement seraient un progrès pour la France. Par exemple accepter qu’à l’intérieur de la même classe on ait des élèves de niveau différent et que les enseignants soient préparés à permettre une éducation qui aille au rythme des élèves. On n’arrive pas à supprimer tous les redoublements mais à aider davantage d’élèves. Il faut commencer à aider les élèves dès le début de l’enseignement. C’est un des grands axes de la réforme en Allemagne où on a renforcé l’apprentissage de l’allemand dès la maternelle.

En France on n’arrive toujours pas a individualiser l’enseignement, à se concentrer sur le socle commun .On a une formation des enseignants très académique. Il n’y a pas de détection des étudiants les plus doués pour travailler dans les établissements difficiles. On sélectionne les étudiants que sur leurs connaissances. Et il y a l’objectif d’aller au bout du programme. Ailleurs on adapte le programme aux élèves avec une base commune pour tous et certains qui vont plus loin. Le problème du système français c’est de gérer les différences quelles qu’elles soient.

Ça veut dire une réforme des concours et une formation continue.

Oui/. L’apprentissage des méthodes pédagogiques a maintenant un poids important dans les Espe. Il doit être aussi important dans la sélection des étudiants. On pourrait imaginer comme en Finlande qu’on essaye de détecter les vocations le plus tôt possible.

Certains pays ont fixé des maxima d’élèves par classe. En France on a peu de différence entre le nombre d’élèves dans un établissement prioritaire et un autre. Faut -il aller dans cette voie ?

A l’OCDE on dit qu’il vaut mieux améliorer la qualité des enseignants. Mais malgré tout dans certains établissements difficiles une réforme de la taille des classes peut avoir un intérêt. Ou alors mettre un éducateur dans ces classes, envisager un système où les enseignants sont dans une meilleure situation pour accompagner les élèves. Il faut réfléchir d’abord sur qui va aller travailler dans ces établissements. Il faut aussi réfléchir au chef d’établissement à sa collaboration avec les enseignants, les autres personnels et les parents.

On peut faire tout cela en 5 ans ?

On peut. Mais la difficulté en France c’est qu’on veut réformer l’ensemble du système d’éducation. Là la priorité c’est la réforme du prioritaire. Ça ne concerne que 10 à 15% des établissements. Il faut se concentrer sur cet objectif. On peut mettre des moyens sur eux. La difficulté ça va être d’attirer des enseignants expérimentés sur ces zones.

Vous êtes optimiste ?

Oui et non. Je suis pessimiste quand je vois toutes ces discussions sur les rythmes scolaires. Ça peut aboutir à un blocage. L’idée de retirer de l’argent sur certains pour donner à d’autres n’était pas bonne.

Le fait que les élèves en difficulté soient souvent d’origine étrangère ça aggrave la situation ?

Ce qui pose surtout problème en France c’est le fait que les gouvernements aient baissé les bras. En Allemagne la situation était identique avec un nombre important d’immigrés concentrés dans des quartiers. Mais il y a eu une volonté de changer les choses. En France il y a une sorte de fatalité face à cette situation. Dans les établissements prioritaires il y a des enseignants peu expérimentés et un climat peu propice aux apprentissages. Mais il ne faut pas croire que la lutte contre l’échec scolaire se limite à ces établissements.

Propos recueillis par François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 20.12.13 : Prioritaire : Eric Charbonnier (OCDE) : Le système éducatif français ne doit pas accepter la fatalité !

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