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Assouplissement de la carte scolaire : "cauchemar" des principaux de collèges RAR

29 mai 2007

Extrait de « Libération » du 28.05.07 : La carte scolaire corrigée par Darcos avant l’été

Le ministre entend « assouplir » un dispositif qu’il juge inadapté

Le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, se trouve face à un casse-tête : il lui faut d’ici à la fin juin mettre au point un dispositif « assouplissant » la carte scolaire, qui permettrait à 10 % à 20 % des parents de choisir l’établissement de leurs enfants dès la rentrée 2007. Avec un objectif : supprimer, d’ici un an ou deux, la carte scolaire et faire ainsi une école plus « juste ». Le problème est que les experts sont largement dubitatifs et que 54 % des Français y restent attachés (1).

Secteurs. « La carte scolaire a été créée il y a quarante ans [en 1963, ndlr] dans une France qui n’a plus grand-chose à voir avec celle d’aujourd’hui », a plaidé samedi le ministre devant la FCPE, la puissante fédération de parents d’élèves marquée à gauche, en congrès à Montpellier. Elle était en pleine croissance démographique, on y construisait « un collège par jour ». Il fallait donc dessiner des secteurs scolaires pour répartir au mieux les effectifs. Plus tard, on a aussi veillé à la mixité sociale.

Mais « gérer [la France] avec les outils de 1963 » est impossible, a souligné le ministre. Des cités ont poussé dans les banlieues. Se pliant à la carte scolaire, leurs enfants sont allés dans le collège du « secteur ». En revanche, dans les quartiers plus favorisés, les parents la contournent allégrement pour mettre leurs enfants dans les « meilleures » écoles grâce à mille astuces ¬ fausses adresses, demande d’une langue rare...

Le ministre n’a pas précisé comment concrètement il entendait « assouplir » la carte scolaire. Des experts planchent au ministère. De nombreux spécialistes, y compris de gauche, ont été consultés.

« Quotas ». Le grand problème est de savoir que faire de ces collèges ghettos plantés au milieu des cités, en périphérie des grandes villes... Comment imaginer qu’une fois la carte scolaire supprimée ils puissent attirer des élèves hors du quartier ? Pour les principaux de ces collèges, souvent classés « ambition réussite », c’est une vision de cauchemar. « Nos 10 % de bons élèves partiraient dans de meilleurs établissements, et nous resterions avec les moins bons, encore plus ghettoïsés », confie l’un d’eux.

« Tout en supprimant progressivement la contrainte qui pèse sur les familles, je demanderai aux établissements scolaires de veiller à une plus grande diversité sociale et géographique du recrutement », a expliqué le ministre. On a ainsi évoqué des « quotas » qui seraient imposés notamment aux établissements déjà très demandés et vers lesquels, en cas de libéralisation, on va se ruer. Dans le cadre de ses consultations, le ministre a demandé au principal syndicat des chefs d’établissement, le SNPDEN, de lui faire des propositions.

La plupart des organisations syndicales sont hostiles à la suppression de la carte scolaire. Reconnaissant ses imperfections, elles préfèrent des aménagements ¬ à l’instar de la candidate socialiste, Ségolène Royal ¬ comme un redécoupage des secteurs scolaires en tenant davantage compte de l’hétérogénéité sociale. La FCPE propose de rendre transparentes les commissions de dérogation au rectorat, ce qui permettrait de limiter les dérogations abusives.

(1) sondage Ifop publié par Ouest-France, effectué auprès de 1 009 personnes les 24 et 25 mai.

Véronique Soulé

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L’éditorial de « L’Expresso » du 28.05.07 : Carte scolaire : L’individualisme érigé en modèle

La suppression de la carte scolaire est-elle susceptible d’amener davantage d’égalité sociale ? Xavier Darcos semble croire à cette hypothèse. "Je commencerai à supprimer progressivement la carte scolaire à partir de la rentrée prochaine" a-t-il annoncé au congrès de la Fcpe. "Ce système ne fonctionne pas dans les quartiers où le besoin de mixité sociale est plus fort que dans les autres. Je considère que l’égalité des chances passe par une redéfinition de nos instruments de mixité sociale, tout en supprimant progressivement la contrainte qui pèse sur les familles". Dans une logique toute libérale le ministre semble croire que la liberté de mouvement des familles permettra de remédier à la ségrégation scolaire.

A vrai dire, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer la carte scolaire. Ainsi le sociologie Mario Oberti, auteur d’un ouvrage à paraître sur le sujet, dénonce, dans la revue Claris, la carte scolaire. "Présentés comme un dispositif de lutte contre la ségrégation scolaire, ces résultats mettent en évidence son faible impact sur les pratiques des classes moyennes et surtout supérieures, qui subissent le moins les contraintes spatiales. Les classes populaires voient au contraire leur assignation spatiale renforcée par une assignation scolaire qui fonctionne de façon beaucoup plus efficace à leur égard. Effet paradoxal d’une mesure visant à lutter contre les inégalités sociales à l’école et qui s’applique précisément de façon profondément inégalitaire en faveur des classes les plus favorisées". Ainsi la carte scolaire serait devenue plus qu’inefficace : un carcan pour les plus défavorisés. La renforcer "serait une façon de pénaliser les plus pauvres et de protéger les intérêts des mieux lotis" comme l’écrit G. Félouzis.

Mais suffit-il de supprimer la carte scolaire pour mettre fin à la discrimination ? L’exemple des pays qui ont mené cette politique devrait nous éclairer. C’est le cas par exemple de la Belgique ou des Pays-Bas où la disparition de la carte scolaire a conduit à un renforcement de la ségrégation sociale et ethnique. C’est encore plus vrai quand le système diversifie les types d’établissement creusant encore davantage l’écart entre eux. Ainsi François Dubet et Marie Duru-Bellat peuvent écrire "il ne suffit pas de dénoncer la carte scolaire pour proposer une politique et, plus encore, une politique plus juste que celle que l’on condamne. La seule suppression de la carte scolaire serait probablement un remède pire que le mal. En effet, on imagine aisément que, comme sur n’importe quel marché, les acteurs ayant le plus de ressources et d’informations s’en tireront nettement mieux que les autres et que, une fois encore, les plus démunis auront moins de choix, moins d’opportunités et moins encore de chances de réussir dans l’école". Dans cet objectif, en supprimant la carte scolaire, le gouvernement s’attaquerait à une valeur fondamentale de l’Ecole : le tabou de l’égalité. Sous prétexte d’une égalité des chances toute théorique, il inscrirait au fronton de l’Ecole une nouvelle devise, celle de l’inégalité fondatrice.

Il est urgent de ne pas se laisser enfermer dans cette contradiction. "Je demanderai aux établissements scolaires de veiller à une plus grande diversité sociale et géographique de son recrutement" a promis X. Darcos. Si l’objectif de mixité sociale reste affirmé alors peut-on croire que les établissements scolaires puisent seuls le porter ? Quelle politique générale, quelle politique locale entend-il impulser pour remplacer la carte scolaire ?

La dépêche AFP

L’étude du groupe Claris

François Dubet et Marie Duru-Bellat

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