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Dans une classe de ZEP à l’Ile Maurice

6 octobre 2005

Extrait de "L’Express.mu" du 05.10.05 : Zone prioritaire, tout faire pour sortir de l’enfer

La journée des enseignants est célébrée aujourd’hui, mais ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Melanie Bhojhowon, institutrice, est décidée à gagner la bataille.

Toute sa classe tient sur un banc. Des enfants de six-sept ans sanglés dans l’uniforme bleu marine de la Hurrypersad Ramnarain Government School de Terre Rouge. Emergée tel un lotus au-dessus de cette mare bleue : Melanie Bhojhowon, institutrice.

Son sari vert porte des motifs aux couleurs de la patience et de la bonne volonté. Et il en faut avec ces mômes qui à toute heure demandent : “Miss, mo kapav al toilet ?”, “ Miss get li, li pe gore lor moi ”, “Miss linn pran mo cayie”. “Miss, miss, miss” à tout bout de champ. Melanie, pas encore la trentaine, ne s’émeut pas. Répond toujours calmement, fermement.

Cela fait sept ans que son quotidien se résume à faire la classe dans une école classée en Zone d’éducation prioritaire (ZEP). Sept ans que Melanie subit des commentaires, des préjugés du type : “Ayo, ar sa bann zenfan la ki to travay ?” Cela fait sept ans aussi que l’institutrice - qui a fait ses classes secondaires au collège de Lorette de Quatre-Bornes avant de suivre deux ans de formation au Mauritius Institute of Education (MIE) -a surmonté le choc entre son apprentissage et la réalité.

Sa période de stage, Melanie l’effectue à la Aryan Vedic Aided School à Vacoas. Un monde de différence sépare cette école urbaine bien cotée de la Serge Coutet Government School de Baie-du-Tombeau, première affectation de Melanie. Elle y a passé six ans avant d’être mutée à Terre-Rouge l’an dernier. “Les premiers jours, j’ai surtout dû faire face au langage vulgaire. Certains enfants utilisaient des mots que je n’avais jamais entendus. Bann zenfan la pa en tor, seki zot aprann dan lakaz ki zot tire ar nou.”

“Bizin kase ranze”

Des moments de découragement ? Evidemment qu’il y en a. Surtout quand Mélanie s’évertue à répéter une consigne et qu’au bout du compte, elle n’est pas respectée. Alors, certains jours, Melanie se dit qu’elle ne va pas se laisser avoir par ces recalés et autres “dezorder”. Qu’elle va focaliser son attention sur ceux qui font preuve de bonne volonté.

Mais sa conscience professionnelle reprend vite le dessus. D’une voix douce et assurée, le désir de bien faire de Melanie est revigoré. Et “mem si pa gagn zelev pou donn leson, mo pa kass la tet”. Elle-même mère de deux enfants, l’institutrice laisse parler sa fibre maternelle. Ce n’est qu’en tout dernier recours qu’elle fera appeler les parents d’un enfant turbulent ou seulement paresseux. “Mo pa le ki ariv lakaz, paran la trap zanfan pile.”

C’est par la force de l’écoute et une bonne dose d’indulgence que l’institutrice se débrouille avec “les enfants qui viennent à l’école sales, ceux qui ont une chaussure droite au pied gauche”, et surtout ceux qui n’arrivent pas à suivre le manuel à la lettre. “Nou bizin kase ranze”, explique Melanie, pour qui la solution ne peut venir que “par le degré d’intérêt que les parents portent à l’éducation de leur enfant. Mem enn ti cinq minit kan pe kuit manze”. L’institutrice, elle, a bien l’intention de le faire car l’année prochaine, sa fille fera son entrée à la Hurrypersad Ramnarain Government School. Un établissement, qui selon Mithila Sewpaul, le maître d’école, compte 52 enseignants et huit travailleurs manuels pour environ 1 000 élèves. Le taux de réussite au CPE en 2004 était de 34 %

Aline Groëme

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