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Education prioritaire. La formation des équipes des réseaux, un enjeu essentiel. Zoom sur l’académie de Créteil, avec Alain Pothet, le compte rendu OZP de la Rencontre du 3 février 2016.

11 février 2016

LES RENCONTRES
DE L’OZP------
n°121, février 2016

Education prioritaire : La formation des équipes des réseaux, un enjeu essentiel. Zoom sur l’académie de Créteil
Compte rendu de la rencontre du 3 février 2016

Formateur et correspondant académique en charge de l’Éducation prioritaire sur l’académie de Créteil depuis un an et demi, Alain Pothet, qui a été inspecteur académique SVT sur les secteurs du 93 et du 94, avoue « Je me lève en pensant Éducation Prioritaire et je me couche en pensant Éducation Prioritaire alors que professeur de SVT, je n’ai jamais enseigné en Éducation prioritaire. Mais j’ai toujours été très sensible aux difficultés que les élèves pouvaient rencontrer. »
Et si finalement, enseigner en Éducation prioritaire n’était que cela : s’intéresser aux difficultés des élèves et aller questionner des réponses toutes faites… Pour cela, un incontournable : la formation. Rencontre avec un formateur académique passionné et passionnant…

Aujourd’hui, chacun sait que le modèle d’apprentissage développé dans les classes ne fonctionne pas avec les élèves d’Éducation prioritaire et Alain Pothet de citer Jean-Paul Delahaye : « Notre école est fantastique pour 50% de ses élèves ». Donc, dit-il, nous avons les autres 50%. Et pour aller chercher ses élèves, les intéresser, les faire apprendre, il est indispensable de faire bouger les pratiques pédagogiques. La refondation de l’école est centrée sur la pédagogie mais il est impossible de faire évoluer la pédagogie si on ne touche pas à la formation.

Des objectifs de formation
L’académie de Créteil s’est fixé trois objectifs de formation :
• arriver à développer un nouveau modèle d’apprentissages ;
• intégrer un nouveau cadre de référence ;
• actionner le développement professionnel.

Pour faire en sorte que les formations dispensées aient un impact, il faut mettre les enseignants dans une certaine posture : se questionner, tâtonner, chercher, analyser, s’auto-évaluer, essayer, s’écouter… Si cela est simple sur le power point qui vient soutenir sa démonstration, il en est tout autrement dans la réalité. En effet, souligne Alain Pothet, c’est difficile, c’est une démarche personnelle qui nécessite que les enseignants se questionnent avant la formation, réfléchissent, agissent, essayent pendant la formation et poursuivent après. Les temps de concertation en REP n’ont de sens qu’au moment où les personnes sont ensemble.
Aujourd’hui, la formation doit être pensée comme un processus. C’est vers cela qu’Alain Pothet souhaite emmener les enseignants : entrer dans un processus de formation, dans une démarche « active » de formation. mais pour cela, il fallait d’abord identifier les ressources et les environnements spécifiques sur lesquels il convenait de s’appuyer.

Des acteurs ressources
Dans le champ de l’Éducation prioritaire, les acteurs sont nombreux : les coordonnateurs, les IA IPR , les chefs d’établissement, les IEN, les formateurs Éducation prioritaire. La formation peut donc venir de ces différents acteurs. Et, regrette Alain Pothet, il y a ces acteurs un peu oubliés mais qui peuvent avoir toute leur place, ce sont les conseillers pédagogiques de circonscription.
Depuis la création des ZEP, intervient Marc Douaire, les CPC ne sont pas entrés dans la formation des réseaux. Les coordonnateurs ont occupé cet espace eux-mêmes. Ils sont aujourd’hui formés reprend Alain Pothet. L’ensemble de ces acteurs sont accompagnés par un certain nombre de structures externes. Quelles sont-elles ?

La recherche accompagnement
Généralement, lorsque les enseignants sont confrontés aux difficultés massives de leurs élèves, ils ne s’appuient pas sur ce que la recherche a produit. L’entraide qu’ils s’apportent entre pairs est intéressante mais, si elle a parfois le mérite d’exister, elle reste insuffisante pour apporter des réponses efficaces.
Aujourd’hui, la volonté académique est de faire en sorte que les travaux de recherche se conduisent dans des laboratoires. Pour cela, les huit laboratoires de Créteil ont été rencontrés et associés à la direction académique. L’objectif est de permettre à ces laboratoires d’entrer dans les réseaux et de travailler avec les équipes. Là également, précise Alain Pothet, il a fallu avancer avec prudence pour surtout ne pas renforcer les malentendus qui existent entre la recherche et le monde enseignant. Par exemple, les enseignants confrontés à la gestion de classe vont demander aux chercheurs de leur apporter des réponses toutes faites à appliquer immédiatement, ce qui n’est, bien évidemment, pas forcément leur rôle.
Nous avons procédé de manière différente, insiste Alain Pothet. Ainsi, les équipes ont déterminé leurs questions et on a essayé de faire converger les questions de recherche et les questions de réseaux. On a lancé un appel d’offres vers les laboratoires. Les chercheurs sont venus dans les établissements, ont travaillé avec les équipes, puis ont présenté ensuite les résultats de leurs travaux.

L’ESPE
• Le département de recherche de l’ESPE a besoin d’avoir des travaux de recherche sur des questions communes. En faire le pivot était une façon de fédérer les labos autour d’elle. Une charte a rédigée qui, entre autres, essaie de pallier certaines dérives, par exemple, le fait que parfois les enseignants n’ont pas les résultats des recherches qui ont été menées dans leurs établissements, dans leurs classes. Il faut que l’équipe de recherche puisse expliquer la démarche à l’équipe pédagogique, que celle-ci puisse s’en emparer, la comprendre et l’appliquer face à une problématique d’enseignement. Nous étudions la possibilité de développer une culture d’indicateurs qui permettrait aux enseignants d’affiner leur perception de la difficulté.
• La formation initiale : tous les formateurs disciplinaires évoquent l’Education prioritaire lorsqu’ils abordent la difficulté scolaire. Le référentiel n’est pas un objet utilisé au sein des formations. Lors d’une intervention, j’ai invité les formateurs, dit Alain Pothet, à le prendre comme un ensemble de repères partagés, de questionnements auxquels les enseignants sont confrontés sur un certain nombre de champs. Il s’agit que les formateurs d’ESPE, dans leurs cours sur une notion précise, pensent à la manière de l’aborder en Éducation prioritaire.

Les DASEN
Entre le plan académique et le plan départemental de formation, l’articulation est difficile. Les projets de réseaux n’ont pas été pris en compte. Pour la formation second degré, des places ont été conservées pour des enseignants du premier degré mais aucune inscription par manque d’information n’a été enregistrée. Un outil commun premier et second degré de demandes de formation a été imaginé dans le cadre de « formations à la demande ». Entre les formations d’aides négociées qui se déterminent longtemps à l’avance, il fallait pouvoir répondre rapidement à des besoins de formation commune. Cela concerne les enseignants premier et second degré en REP+. Des crédits sont alloués, il reste à trouver un système équitable pour chaque réseau.

La formation des cadres : IEN, IA-IPR, chefs d’établissement
"Comment faire réseau, impulser une vraie dynamique de réseau ? Comment faire travailler les gens ensemble ?", c’est la question que les IEN, les IA-IPR et les chefs d’établissements sont souvent amenés à se poser. Travailler et faire travailler des personnes ensemble, amener des équipes à un travail collaboratif, cela relève du management, et l’Éducation nationale, qui a peu l’habitude de le pratiquer, n’a pas les ressources nécessaires. Les réponses doivent être trouvées ailleurs.
Prenant l’exemple de l’alpiniste chef de cordée qui s’appuie sur son expérience pour mener son équipe à l’indispensable travail collectif, Alain Pothet compte bien s’appuyer sur des ressources externes avec l’espoir que cela puisse faire avancer sur des questions qui restent sans réponse aujourd’hui.
Il convient en particulier de ne pas oublier la formation des nouveaux chefs d’établissement en Éducation prioritaire, qui découvrent des logiques qui leur étaient complètement inconnues. Dans les établissements, les acquis sont fragiles et peuvent se perdre très rapidement. Il faut imaginer comment accompagner ces nouveaux entrants.

La formation de formateurs
Que les formateurs puissent travailler sur l’analyse de pratiques par la vidéo ou d’autres outils pour le développement professionnel retient toute l’attention d’Alain Pothet. Une formation inter académique entre Paris, Versailles et Créteil se déroulera au mois de juin et durera trois jours.

La formation numérique
Tous les coordonnateurs ont été équipés d’un ordinateur. La formation des coordonnateurs qui est pensée au niveau départemental est partagée au niveau académique.
La Dgesco intervient, forme les formateurs. Des groupes de travail sont en place sur des questions comme l’explicitation. Cette réflexion devrait déboucher sur des formations ou des accompagnements en formation. La Dgesco se nourrit de ce que nous faisons et le dialogue que nous entretenons avec elle fait avancer l’analyse des besoins de formation.
L’envoi d’enseignants dans des séminaires nationaux ou des colloques a été budgétisé. Les enseignants des deux degrés en REP et REP+ sont invités à y assister à deux et à faire une restitution dans leur réseau. C’est indispensable que les professeurs puissent aller voir ailleurs ce qui se passe et puissent en parler avec leurs collègues. En règle générale, c’est l’Institut Français d’Éducation (IFE) qui accueille. Cette forme de formation nécessite également un budget. L’Inspection Générale de son côté accompagne de manière appuyée cet effort.

Et maintenant ?
Il s’agit maintenant pour nous d’évaluer la pertinence de tout cela. Aujourd’hui, il existe un levier : les inspections individuelles. J’ai demandé, dit Alain Pothet, à tous les inspecteurs qui inspectent en REP+ qu’une partie de leur rapport concerne la formation. Cela permet aux formateur de mesurer l’efficacité de la formation dispensée et les modifications qu’elle a pu entrainer dans les pratiques, mais aussi aux enseignants de comprendre que la formation dispensée doit nécessairement avoir une influence sur leur manière d’enseigner.

Deux axes ont été rajoutés dans le plan de formation :
• L’avancée des neurosciences cognitives pour mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau de l’enfant. En Éducation prioritaire, les enseignants pensent qu’avec ces enfants-là ils n’y arriveront pas. Les neurosciences démontrent, à l’inverse, que les capacités sont là. Elles se travaillent et c’est parce que les enseignants font travailler des voies nerveuses de manière répétée qu’elles vont être stabilisées. Cela donne des pistes de réflexion sur les apprentissages. Il faut être convaincu que tous les enfants sont capables de développer des zones du cerveau et d’avoir des apprentissages de grande qualité. Les travaux des scientifiques dans ce domaine peuvent apporter une aide significative.
• Le bien être pour bien enseigner et bien apprendre. En Éducation prioritaire, c’est dur d’enseigner et il y a un stress important. Il existe des moyens pour travailler sur soi de manière à se "sentir mieux" et que les élèves aussi "se sentent mieux". En Éducation prioritaire, une offre de formation va être développée autour de cet axe. Cela a forcément un impact sur les apprentissages.

En conclusion, dira Alain Pothet, toutes les formations dispensées, tous les colloques suivis, tous les travaux menés avec les laboratoires de recherche ne doivent viser qu’un seul objectif : être au service de l’élève.

Compte rendu rédigé par Brigitte d’Agostini

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