Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
L’éducation prioritaire
La revue Education et Formations - D.P.D. - N°61 - octobre-décembre 2001
La création des Zones d’éducation prioritaire (ZEP) fut la première
réforme introduite en 1981 dans l’Éducation nationale. Elle marquait
la volonté de lutter à la fois contre les inégalités sociales en « donnant plus à ceux qui ont moins » et contre l’échec scolaire par des innovations pédagogiques soutenues par des animateurs de zone.
En 1989, la première relance de l’éducation prioritaire structure les ZEP en créant un responsable de zone, assisté d’un coordonnateur (se substituant à l’animateur) et un conseil de zone, et se rapproche de la politique de la Ville.
Dans la lancée des propositions du rapport MOISAN-SIMON, une seconde relance, marquée par les assises nationales des ZEP à Rouen en juin 1998 tente de rationaliser la carte des ZEP, ajoute une logique de réseau à une logique de territoire en créant les réseaux d’éducation prioritaire (REP), définit le contenu d’une politique de réussite et renforce le dispositif de pilotage.
Catherine MOISAN décrit l’évolution de la politique d’éducation prioritaire depuis la création des ZEP. Le dispositif de pilotage est ensuite décrit au niveau national, avec notamment le système d’indicateurs communs de pilotage, puis au niveau d’une académie et enfin au niveau d’un réseau avec l’élaboration d’un contrat de réussite. L’exemple de la politique suivie en Grande-Bretagne permet une comparaison internationale.
Une deuxième partie décrit la situation actuelle de l’éducation prioritaire.
Christian CUVIER fait le point de la nouvelle carte de l’éducation prioritaire avec la création des REP et sa rationalisation. Jean-Claude FORTIER expose la politique de révision de la carte menée dans l’académie de Lille, les obstacles rencontrés et les objectifs de la nouvelle politique. Puis les caractéristiques des personnels en fonction dans les ZEP sont comparées à celles de l’ensemble des personnels. Les conceptions et les pratiques pédagogiques des enseignants en ZEP sont décrites à partir d’une enquête menée en 1998 avant les assises de Rouen, montrant les différences dans l’exercice du métier d’enseignant. Alain LOPES et Martine JELJOUL mesurent la priorité accordée aux ZEP pour les différents types de moyens. Les données figurant dans ces différents articles sont, depuis la révision, très stables, de sorte que celles qui sont datées de 2000 ou même 1999 restent valables.
La troisième partie décrit les parcours scolaires et l’action pédagogique en ZEP. Alexia STEFANOU décrit à partir du système d’information « SCOLARITÉ » les caractéristiques des élèves des collèges de ZEP. Puis, l’analyse des performances à l’évaluation nationale à l’entrée en sixième pose des questions sur les pratiques. Les panels d’élèves permettent à Jean-Paul CAILLE une autre approche des parcours scolaires des collégiens de ZEP. Anny ALINE analyse un ensemble d’innovations pédagogiques décrites par des responsables de ZEP. Gérard CHAUVEAU décrit et analyse les conditions de la réussite
dans les écoles qui accueillent les enfants de milieu populaire.
François-Régis GUILLAUME
Les ZEP : bientôt vingt ans
Catherine Moisan
Les zones d’éducation prioritaire (ZEP) ont été lancées voici vingt ans en 1981, puis relancées en 1990 et encore en 1998. De 363 ZEP concernant 8 % des écoliers et 10 % des collégiens, on est passé à 784 zones ou réseaux d’éducation prioritaire (distinction opérée en 1998) concernant 15 % des écoliers et 18 % des collégiens. Cette évolution est discontinue dans le temps, en particulier avec les deux relances, mais surtout dans l’espace, l’éducation prioritaire diminuant dans certaines académies et s’étendant fortement dans d’autres. La priorité accordée aux ZEP dans l’attribution des moyens s’est nettement accentuée au fil des années. Les parcours des élèves ont suivi l’évolution générale : les retards en CM2 et en sixième diminuent, le palier d’orientation en fin de cinquième disparaît. Les textes officiels sont en 1982 centrés sur " la construction de projet " ; en 1990, ils précisent l’organisation des ZEP, instituant un responsable de zone, un coordonnateur, un conseil de zone ; en 1998, ils affirment des priorités pédagogiques, en particulier le maintien des exigences et l’éducation à la citoyenneté ; des pôles d’excellence apparaissent et la recherche de la mixité sociale est recommandée.
Le pilotage de l’éducation prioritaire
Jean-Claude Emin, Françoise Oeuvrard, Jean-Luc Cousquer, Jean-François Schmitt
Le pilotage de l’éducation prioritaire est abordé à partir de quatre entrées :
le pilotage national par la direction de l’enseignement scolaire (DESCO) au ministère de l’Éducation nationale ;
les indicateurs communs de pilotage (ICoTEP), mis à la disposition des acteurs de terrain ;
un exemple de dispositif de pilotage mis en place dans une académie, celle de Montpellier ;
enfin, le rôle des coordonnateurs de ZEP, décrit à travers l’exemple de l’élaboration du contrat de réussite du ZEP-REP (zone d’éducation prioritaire-réseau d’éducation prioritaire) de Metz-Borny.
Une autre politique de discrimination positive : la politique anglaise des Education Action Zones
Jean-Claude EMIN
En Angleterre, la politique de discrimination positive s’appuie sur les Education Action Zones (E.A.Z.). Des différences importantes apparaissent avec la politique française d’éducation prioritaire.
Une E.A.Z. est créée par décision centralisée, sélectionnant une équipe présentant un projet fort, susceptible de mobiliser l’environnement, en réponse à un appel d’offres. Des moyens importants sont ensuite mis en œuvre, et l’accent est mis sur l’organisation de la zone, le soutien et un pilotage centralisé. Quatre-vingt E.A.Z. ont été créées, contre plus de huit cents zones d’éducation prioritaire (ZEP) en France. Les premiers résultats, très encourageants, sont à confirmer.
Issu du compte rendu d’une mission de quelques jours en Angleterre1 en octobre 1999, le présent article ne prétend donc pas faire une présentation exhaustive de la politique scolaire anglaise, mais se veut plutôt une tentative de repérage des grands traits de la politique anglaise des Education Action Zones (EAZ), en référence aux grandes lignes de la politique française de relance de l’éducation prioritaire.
La nouvelle carte de l’éducation prioritaire : une construction rationalisée
Christian Cuvier
La relance de l’éducation prioritaire menée en 1998-1999 a conduit à une extension du nombre d’établissements - un millier de plus, principalement des écoles - et d’élèves - environ 1 800 000 maintenant - bénéficiant de moyens éducatifs particuliers, et à une rationalisation de l’allocation de ces moyens. À cet effet a été créée, à côté des zones d’éducation prioritaire (ZEP), une nouvelle structure, le REP (réseau d’éducation prioritaire), pensée prioritairement comme structure de mutualisation des moyens et de coordination des pratiques. Fréquemment associé à une ZEP, il y ajoute le plus souvent des établissement en situation un peu moins difficile. Les entrées d’établissements en ZEP se sont accompagnées également de sorties. Les entrées ont surtout eu lieu en zone urbaine et périurbaine, et les sorties plutôt en milieu rural. La majorité des établissements sortants restent classés en REP, demeurant ainsi au sein du périmètre élargi de l’éducation prioritaire. D’importantes disparités entre départements et entre académies apparaissent quant aux proportions d’élèves concernés. Comme le suggère ce qui précède, la nature du tissu urbain en explique une part importante, mais non décisive. De manière générale, les classes comportent un à deux élèves de moins dans un établissement en ZEP ou en REP (réseau d’éducation prioritaire).
La révision de la carte des ZEP : l’exemple de l’académie de Lille
Jean-Claude Fortier
Dans l’académie de Lille (constituée par les départements du Nord et du Pas-de-Calais), la révision de la carte de l’éducation prioritaire, engagée dans le cadre de " la relance ", s’est traduite par un rééquilibrage entre les deux départements et une extension : on est passé de 77 à 103 collèges sur 331. L’attribution de moyens supplémentaire aux écoles et collèges entrant dans les réseaux a été planifiée : un demi-poste de coordonnateur par réseau et la limitation des effectifs par classe.Le dispositif indemnitaire et les situations acquises existantes ont limité les sorties de zone d’éducation prioritaire et la recherche de plus d’équité et de cohérence.Les difficultés de la révision de la carte n’ont cependant pas trop pesé sur la relance de l’éducation prioritaire : contrats de réussite reposant sur un diagnostic pédagogique, réseau de professeurs ressources, stages intercatégoriels sur trois ans, pilotage au plus près du terrain.
Les personnels de l’éducation prioritaire à la rentrée 1999
Colette Brock, Martine Migeon, Annick Vialla
À la rentrée 1999, après la refonte de la carte, 111 900 enseignants des premier et second degrés et personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé (ATOSS) exercent en éducation prioritaire. Chez les enseignants, les principales caractéristiques sont les mêmes : ils forment des populations plus jeunes, d’ancienneté moindre que leurs collègues exerçant hors éducation prioritaire, et la proportion de femmes y est un peu moins élevée. Concernant les personnels ATOSS, les disparités de l’âge et de l’ancienneté sont moins marquées que pour les enseignants.
Enseigner en ZEP : est-ce encore le même métier ?
François-Régis Guillaume
Contrairement aux enseignants en zones d’éducation prioritaire (ZEP), la majorité des enseignants des écoles et des collèges ordinaires pensent qu’enseigner en ZEP, ce n’est pas du tout le même métier. Cette opposition tient d’abord à la polarisation sur des zones connaissant des situations extrêmes, alors que la majorité des ZEP se caractérisent seulement par leur public populaire. Ensuite, on constate que, dans la majorité des écoles de ZEP, le sentiment de maîtrise des difficultés et de réussite professionnelle reste dominant, alors que dans les collèges même hors ZEP beaucoup d’enseignants n’ont pas une bonne image du niveau de leurs élèves et rencontrent des problèmes de discipline. Dans ce cas, les difficultés propres aux ZEP les font basculer dans une vision très négative. Enseigner en ZEP provoque des réactions contraires : d’une part, chez certains, un découragement très fréquent, et d’autre part, chez d’autres, un engagement professionnel plus fort que la moyenne se manifestant par un travail collectif plus fréquent et l’acceptation d’un rôle d’éducateur. Les ZEP les plus difficiles appellent une politique de ressources humaines dans la désignation des responsables et l’accompagnement et la formation des enseignants.
Quelle priorité dans l’attribution des moyens à l’éducation prioritaire ?
Martine Jeljoul, Alain Lopes, Roland Degabriel
L’attribution de moyens supplémentaires aux écoles et collèges situés en zone ou réseau d’éducation prioritaire (ZEP ou REP) ne résume pas la politique de l’éducation prioritaire ; elle en est cependant une caractéristique importante. Pour la mesurer, il faut distinguer, dans l’attribution des moyens, ce qui est lié à la taille de l’établissement, à la ruralité et à des facteurs tels que la fréquentation des internats et demi-pensions. Pour les emplois d’enseignants, la priorité se traduit par des classes moins chargées (environ deux élèves par classe en moins), et des postes supplémentaires pour l’animation pédagogique, les remplacements et les décharges de direction d’école. Le surcoût peut être estimé à 8 300 postes pour les écoles et 3 600 pour les collèges. Les aides-éducateurs et les personnels sociaux et de santé sont les deux autres priorités significatives. L’analyse des budgets des collèges montre une priorité dans les subventions de l’État pour les bourses et les fonds sociaux, mais pas de priorité de la part des départements qui assurent le fonctionnement. Enfin, les collèges en ZEP, souvent équipés en premier, ne conservent pas d’avantages importants pour les nouvelles technologies.
Les caractéristiques des collèges de l’éducation prioritaire et le destin scolaire de leurs élèves
Alexia Stefanou
Les collèges de l’éducation prioritaire concentrent des élèves issus de milieux défavorisés : la nouvelle carte des zones d’éducation prioritaire (ZEP), complétée par celle des réseaux d’éducation prioritaire (REP), a bien été établie en fonction du critère de la difficulté sociale des élèves. Les élèves des collèges de l’éducation prioritaire sont plus âgés que ceux de l’ensemble des collèges. Cependant, mise à part la classe de sixième, ils ne redoublent guère plus au cours du premier cycle que les autres élèves. Les collèges de REP hors ZEP accueillent des élèves moins défavorisés que les collèges de l’éducation prioritaire, aussi bien du point de vue social que du point de vue scolaire. Les élèves de l’éducation prioritaire, pris globalement, accèdent au second cycle des lycées dans les mêmes proportions que l’ensemble des élèves, mais ils sont plus souvent orientés en second cycle professionnel. En fin de classe de seconde, la différenciation s’accentue puisque les élèves de l’éducation prioritaire vont rencontrer plus de difficultés que les élèves ayant fréquenté des collèges hors éducation prioritaire ; ils vont redoubler, plus souvent, ou être orientés plus fréquemment vers les filières technologiques.
À partir des évaluations nationales à l’entrée en sixième : des constats sur les élèves, des questions sur les pratiques
Virginie Andrieux, Jacqueline Levasseur, Jacqueline Penninckx, Isabelle Robin
Les évaluations nationales en classe de sixième en français et en mathématiques permettent de décrire les écarts entre les résultats des élèves entrant dans les collèges de zones d’éducation prioritaire (ZEP) et les autres. En moyenne, les élèves de ZEP réussissent moins bien que les autres (le score moyen est inférieur de 10 points sur 100 en français et de 13 points en mathématiques). Mais tous ces élèves ne sont pas faibles (environ 10 % des élèves de ZEP se situent parmi les 20 % ayant les meilleures performances). Cependant, la concentration d’élèves faibles est importante : de 39 à 44 % se situent parmi les 20 % les plus faibles. La comparaison des items réussis plus ou moins fréquemment en ZEP conduit à s’interroger sur les pratiques en ZEP et en particulier sur l’adaptation au niveau des élèves qui s’y opérerait.
Les collégiens de ZEP à la fin des années quatre-vingt-dix :
caractéristiques des élèves et impact de la scolarisation en ZEP sur la réussite
Jean-Paul Caille
13 % des élèves entrés en 6e en 1995 ont fréquenté un collège de ZEP au cours de leur quatre premières années d’études secondaires, le plus souvent en y effectuant tout le premier cycle. Globalement, ces jeunes ont moins bien réussi que les élèves jamais scolarisés en ZEP ; ils ont plus fréquemment redoublé et sont moins nombreux à avoir été orientés en seconde générale ou technologique au terme de leur quatrième année d’études secondaires. Mais cette situation apparaît très liée aux différences de milieu de familial et de réussite à l’école élémentaire, qui distinguaient par ailleurs les deux catégories d’élèves au moment de leur entrée en sixième. À caractéristiques de départ comparables, c’est le résultat inverse qui est mis en évidence : les élèves de ZEP atteignent plus souvent la seconde générale et technologique sans avoir redoublé au collège. Cette meilleure réussite s’observe seulement parmi les jeunes qui ont effectué tout le premier cycle de l’enseignement secondaire en ZEP - presque toujours sans avoir changé de collège. Elle semble principalement portée par des politiques d’orientation moins sélectives en fin de troisième. Si plus de huit fois sur dix les collégiens de ZEP parvenus en seconde générale ou technologique concluent leurs études secondaires par un succès au baccalauréat, ils rencontrent néanmoins plus de difficultés au lycée que les autres élèves. Ils redoublent plus souvent la seconde et la terminale. Au bout du compte, leurs chances de devenir bacheliers sont comparables à celles des élèves qui présentaient les mêmes caractéristiques de départ mais ont effectué leur scolarité en bénéficiant d’un environnement social plus favorable.
Les ZEP et les REP, viviers des innovations
Anny Aline
Un sondage a été effectué au début de l’année 2000 auprès des équipes pédagogiques travaillant dans les zones et réseaux d’éducation prioritaire (ZEP et REP) de France. Les équipes qui se sont portées volontaires pour répondre ont pu présenter les différentes actions menées sur le terrain. Celles-ci sont pour la plupart centrées sur des objectifs d’amélioration des apprentissages. Cependant, les équipes sont confrontées à des problèmes d’une acuité particulière, qu’elles se doivent de résoudre de manière originale et volontariste ; il leur faut assurer un suivi attentif et promouvoir le partenariat, entre autres avec les parents d’élèves, invités à s’impliquer activement, y compris dans la réussite de la scolarisation précoce de leurs enfants. Partenariat également avec le ministère et les académies, qui proposent des assistances pédagogiques et organisationnelles. Du reste, les évaluations nationales effectuées chaque année sont analysées et exploitées dans la recherche d’une amélioration des résultats des élèves.Activités sportives et culturelles sont privilégiées pour l’éducation à la citoyenneté et pour rompre l’isolement des établissements, tout comme les technologies d’information et de communication, et les " pôles d’excellence " (pôles scientifiques, sportifs, parrainage par des étudiants).La richesse et l’originalité des actions menées en ZEP et REP, confirmées par le sondage du printemps 2000, montrent le caractère très innovant de l’éducation prioritaire en France.
La réussite scolaire dans les ZEP
Gérard Chauveau
" La lutte contre l’échec scolaire et les inégalités sociales " est le premier objectif de la création des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Les écoles et collèges en ZEP se caractérisent par une concentration d’élèves en difficulté, une hétérogénéité plus forte, et des élèves plus sensibles à " l’effet-maître " et à la qualité de la pédagogie. Cet article tente un portrait des " ZEP réussissantes " et des " maitres réussissants ". On constate l’association de différents facteurs : stabilité et solidarité des maîtres, pilotage ferme et dynamique, priorité aux apprentissages scolaires, regard bienveillant envers les élèves et les familles populaires.La politique d’éducation prioritaire devrait donc soutenir et multiplier les pôles d’excellence pédagogique et veiller à la qualité des personnels et à la qualité des prestations pédagogiques.
Extrait de education.gouv.fr : L’éducation prioritaire