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Climat scolaire : l’audition de Benjamin Moignard par la Commission des affaires culturelles du Sénat (Le Café et ToutEduc)

20 décembre 2018

Violence scolaire : Benjamin Moignard éclaire le Sénat

"Il faut aller au delà des poncifs., trouver quelque chose". Le souhait de la sénatrice F Laborde a sans doute été entendu. Après l’audition des syndicats de personnels de direction, la Commission de l’éducation du Sénat a reçu le 12 décembre Benjamin Moignard, directeur de l’Observatoire Universitaire International Education et Prévention, pour un échange sur la violence scolaire. Son intervention a permis de faire le point des recherches sur le sujet. Pour B Moignard, seul le travail collectif peut améliorer durablement le climat scolaire. Et cela passe par de nouvelles règles d’affectation des enseignants.

Les recettes du passé...

Des poncifs il y en a pourtant eu lors de cette audition du 12 décembre de la Commission de l’éducation du Sénat. Ainsi Jacques Grosperrin "s’interroge sur les travaux de sociologie qui ont tendance à excuser". Pour lui, "il y a des enfants qui acquièrent des comportements et les font entrer dans l’école". Et la stabilité des équipes pédagogiques c’est faire rester plus longtemps les enseignants dans les établissements. De l’autre coté de l’éventail politique, la sénatrice Ghali pense que "la violence est naturelle dans le quartiers. Il n’ya plus de bien et de mal. Les enfants vivent au milieu des armes alors il est normal qu’ils en amènent à l’école" comme à Créteil. Pour elle, "il faudrait faire comme dans le passé. Quand le comportement (de l’élève) n’était pas adéquat, la bourse diminuait".

La France n’est pas laxiste, mais...

Benjamin Moignard va balayer ces discours convenus. Il rappelle qu’on en est au 14ème plan de lutte contre le décrochage et que donc "on est déjà largement équipé".

La France se distingue aussi par un haut niveau de sanctions. Par exemple la moitié des collégiens sont collés dans l’année contre 25% en Angleterre et encore moins en Allemagne. Mais il y a des écarts énormes entre établissements : de 6 à 64% pour les exclusions de classe par exemple. Or "la routine des sanctions alimente le sentiment d’injustice des élèves" et contribue donc à la violence scolaire. "On est dans un système très punitif mais le problème c’est que ça ne marche pas".

Un malaise enseignant profond

D’un autre coté les professeurs vivent dans un malaise déjà largement décrit par les chercheurs et que l’institution découvre seulement. "Les enseignants sont seuls. Les collectifs enseignants n’existent pas". Ils ont un sentiment d’abandon d’autant plus fort qu’il y a de grandes inégalités de moyens entre établissements.

Il lie aussi cette question à celle des inégalités dans le système éducatif. "Le mieux doté des collèges de Seine Saint Denis est moins bien doté que le moins doté des collèges parisiens". Les enseignants portent seuls la République et ils sont infantilisés par l’institution. B Moignard souligne le caractère inhumain de la gestion des relations humaines dans l’institution scolaire. Cela participe de la profonde méfiance envers la hiérarchie chez les enseignants français, un problème plus fort qu’ailleurs.

Comment stabiliser les équipes ?

Pour lui la clé c’est la stabilité des équipes éducatives. "Dans certains établissements il faut donner au chef d’établissement le droit d’affecter les enseignants", estime-t-il.

Une proposition qui devrait retenir l’attention du Sénat. La commission a déjà publié plusieurs rapports sur ces questions . Le dernier rapport recommandait pour "restaurer l’autorité des enseignants", que ceux-ci soient recrutés par le chef d’établissement. "Il faut une autorité sur les enseignants", affirmait le rapport. "Un enseignant a surtout des devoirs... Le jour où on sera plus exigeant avec les enseignants on aura d’autres résultats".

Mais la nomination sur poste à profil a déjà été essayée et n’a pas marché en éducation prioritaire. A quelles conditions pourrait-elle fonctionner ? Il reste quelques semaines au Sénat pour y réfléchir.
F Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 13.12.18 : Violence scolaire : Benjamin Moignard éclaire le Sénat

 

En France, on "punit énormément" (B. Moignard devant la Commission des affaires culturelles du Sénat)

"La France est un pays qui punit énormément", contrairement aux idées reçues, estime Benjamin Moignard. Le chercheur (Paris-Est) était entendu ce 12 décembre par la commission des affaires culturelles sur le thème de la violence dans les établissements scolaires. Les élus souhaitaient analyser le phénomène #PasDeVague. Il a été applaudi, bien qu’il ait tenu des propos qui allaient souvent à l’encontre du sentiment dominant. Il fait notamment remarquer que la moitié des collégiens français ont été "collés" dans l’année, contre 21 % en Angleterre, 17 % en Allemagne, 15 % en Espagne. 10 % des collégiens ont connu une exclusion temporaire, contre 2 % "ailleurs".
Benjamin Moignard souligne encore que les pratiques varient du simple au décuple d’un établissement à un autre, pourtant comparable au premier, les taux d’exclusions allant de 6,7 % à 64 %. Autre élément d’information donné par l’universitaire, les violences scolaires sont stables depuis la fin des années 90, mais elles sont concentrées dans certains établissements, puisque 40 % des faits sont recensés dans 10 % d’entre eux. Enfin, il souligne que, depuis le milieu des années 90, on compte 12 à 14 plans anti-violence, tous plus ou moins sur le même schéma, non évalués mais pareillement inefficaces. On sait d’ailleurs que les programmes du type "tolérance zéro" ne fonctionnent pas. C’est la stabilité des équipes pédagogiques et les partenariats que noue l’établissement avec son environnement qui sont les prédicteurs d’un climat social apaisé tandis que le sentiment d’injustice, que peut nourrir la surenchère des punitions et sanctions, produit l’effet inverse, surtout lorsqu’elles s’inscrivent dans "une routine".

Un effet de notre passion pour l’école ... et les diplômes
Dès lors, comment expliquer "que ce mouvement de libération de la parole des enseignants, né en réponse à l’agression d’une professeure à Créteil, révélée le 21 octobre, (se soit) traduit par une mobilisation massive et très rapide, comparable à #BalanceTonPorc", comme l’écrivent les sénateurs ? B. Moignard note d’abord que "dans les pays où l’école ne compte pas", le niveau des violences est beaucoup plus faible. Celles-ci sont un effet de "notre passion pour l’école" et du poids du diplôme pour la carrière.
C’est d’ailleurs assez mal vécu par les chefs d’établissement eux-mêmes, à qui on demande de gouverner sans avoir les moyens de cette gouvernance et qui "ne sont soutenus par personne". Ce sentiment de solitude se retrouve aussi chez les enseignants : "les collectifs enseignants n’existent pas", sauf dans des lieux comme les micro-lycées où les professeurs se portent volontaires et sont recrutés sur la base de leur adhésion à un projet. La France est de plus "le seul pays" qui envoie les plus jeunes dans les établissements les plus difficiles. Ce n’est pas tant leur jeunesse qui fait problème que le turn over que cela provoque. Il ajoute que ce moment où un enseignant arrive dans le bureau du chef d’établissement pour demander une sanction contre un élève est le seul où puisse se manifester une solidarité entre eux.
Pour Catherine Morin-Desailly (Union Centriste), présidente de la commission, "le mouvement #PasDeVague révèle avant tout un besoin d’écoute et de considération des professeurs. Il illustre clairement certains des problèmes structurels de notre système éducatif." L’examen du projet de loi pour une école de la confiance "sera l’occasion pour le Sénat d’œuvrer pour remédier à ces déficiences graves", notamment en termes d’évolution des métiers et de formation des enseignants : "Il est temps de s’en préoccuper", conclut la sénatrice.

Le site du Sénat

Extrait de touteduc.fr du 12.12.18 : En France, on "punit énormément" (B. Moignard devant la Commission des affaires culturelles du Sénat)

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