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L’OCDE examine à nouveau l’éducation prioritaire française

6 septembre 2007

Extrait de « L’Expresso » du 05.09.07 : L’OCDE demande plus d’autonomie et de concurrence dans le système éducatif français

Comment améliorer la performance du système éducatif français ?

L’Ocde, sous la plume de Paul O’Brien, relève ce qu’elle estime être des faiblesses du système éducatif français. "Certains aspects du système éducatif - la carte scolaire et une affectation des enseignants centralisée, par exemple - sont manifestement conçus pour tenter d’imposer l’égalité de traitement. Les travaux que nous avons cités suggèrent que la France, du moins comparée à un petit nombre d’autres pays, ne fait pas beaucoup mieux que les autres pays pour limiter la transmission des inégalités. D’autres facteurs, le fait que l’on tolère l’existence de lycées d’élite, les ressources consacrées aux classes préparatoires, l’importance attachée au classement des étudiants dans des établissements où seule une infime proportion d’étudiants peut être admise, projettent l’image d’un système dont la motivation est de repérer, puis de privilégier la minorité qui réussit. "

L’organisation reconnaît la position médiane de la France dans l’Ocde pour les dépenses éducatives. Mais elle s’inquiète de trois faits. La formation des enseignants lui semble insuffisamment pédagogique, le redoublement est trop important, enfin les établissements manquent d’autonomie. P. O’Brien croit en effet dans l’impact positif de la mise en concurrence des établissements.

Par suite, l’organisation recommande le droit pour le chef d’établissement de choisir ses enseignants et une clarification en ce qui concerne la carte scolaire.

L’étude de l’OCDE

Education : la France fait-elle le bon choix ?

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Un extrait

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Zones d’éducation prioritaire

Certaines zones concentrent de nombreux problèmes sociaux (voir Jamet, 2007a). Les mauvais résultats scolaires, tant dans le primaire que dans le secondaire, font partie de la problématique mais ils en sont aussi la conséquence ; de plus, ils sont un élément du cercle vicieux. Les zones d’éducation prioritaire (ZEP) ont été créées en 1982. Les limites géographiques des ZEP sont définies sur la base des performances éducatives (notamment les résultats aux tests nationaux, la fréquence des redoublements et le nombre d’enfants qui quittent l’école sans diplôme), ainsi que d’indicateurs plus généraux comme la taille moyenne des familles, le taux de chômage et la proportion d’étrangers dans la population.

Le plan de relance de cette politique a abouti en 1998-99 à la mise en place des réseaux d’éducation prioritaire (REP) qui ont permis de faire bénéficier des avantages du label ZEP certains établissements scolaires manifestement confrontés à des problèmes. Fin 2004, près d’un cinquième des élèves du premier cycle du secondaire étaient scolarisées en ZEP ou en REP.

Les établissements classés en ZEP ou en REP se voient allouer des ressources matérielles plus importantes que les autres établissements. Des objectifs particuliers sont la scolarisation gratuite de tous les enfants de deux ans et l’élaboration de plans d’étude personnalisés, avec la participation d’acteurs locaux autres que les établissements scolaires, pour les élèves en difficulté ainsi que l’amélioration de la mixité sociale dans les établissements. Les taux d’encadrement sont plus favorables et des dispositions sont prévues pour mieux rémunérer les enseignants et accélérer leur avancement.

Les statistiques disponibles semblent indiquer que dans l’ensemble, en dépit de la réelle quoique faible diminution de la taille des classes obtenue, ces politiques ont été d’une efficacité limitée et que le programme ZEP n’a pas eu globalement d’impact statistique sur les résultats scolaires pendant sa première décennie d’existence (1982-92) (21). Deux raisons principales ont été avancées. En premier lieu, on estime que les établissements situés en ZEP ne bénéficient que d’une majoration de 10 % environ de leurs ressources (22). On fait valoir qu’on ne saurait espérer obtenir des résultats significatifs face à des problèmes aussi difficiles avec un tel saupoudrage des ressources.

Les ressources pourraient certes être mieux ciblées (23), mais l’argument du « saupoudrage » n’est pas convaincant. Dans une analyse minutieuse de l’influence de la taille des classes, Piketty et Valdenaire (2006) montrent que leur diminution a un effet significatif du point de vue économétrique sur les performances des élèves (elles confirment cependant qu’une augmentation des dépenses consacrées aux ZEP aurait de fait un faible impact) et rien n’indique dans leurs travaux que les effets des variations dans la taille des classes sont non linéaires (24).

Un facteur plus important expliquant les difficultés rencontrées par le programme ZEP est que celui-ci a engendré une série de signaux inadaptés. L’un d’entre eux est que dès qu’une zone géographique est classée en ZEP, elle tend à être perçue comme une zone « à problèmes », ce qui incite les parents, lorsqu’ils ont le choix, à la quitter ou à ne pas s’y installer. Au minimum, cela accentue simplement la concentration des problèmes sociaux dans ces zones, et a peut-être un impact plus que proportionnel sur les résultats scolaires par suite d’effets de contagion, bien que Bénabou et al. (2006) concluent que cet effet de stigmatisation était assez faible, voire inexistant, dans les années 90. Mais les incitations offertes aux enseignants sont un autre facteur important. Les enseignants intervenant en ZEP bénéficient de primes.

Celles-ci semblent toutefois généralement insuffisantes pour attirer les enseignants plus expérimentés et compenser les inconvénients du travail en ZEP, les problèmes de discipline et de violence dans les établissements scolaires n’étant pas les moindres. De plus, les mesures d’incitation prenant la forme d’un avancement accéléré, dans le cadre de la méthode d’affectation des enseignants dans les établissements en fonction de leur nombre de points, se traduisent par un taux de rotation des enseignants plus important dans
les établissements situés en ZEP que dans d’autres zones (graphique 6) (25). De nombreux enseignants débutants ou inexpérimentés semblent utiliser précisément leur période d’affectation en ZEP pour acquérir les « points » nécessaires pour atteindre plus rapidement un statut leur permettant d’obtenir un poste dans la zone de leur choix.

voir, ici, un graphique publié dans l’étude, page 24

Indépendamment de cet éventuel effet de stigmatisation et de l’impact évident sur l’expérience des enseignants et leur rotation, Bénabou et al. (2006) avancent également que les écarts importants de résultats mettent en lumière un autre facteur qui explique le manque d’effet apparent. Ils font valoir que peu de mesures d’incitation positives ont été adoptées pour rechercher de meilleurs résultats, si bien que dans de nombreuses ZEP aucun programme cohérent n’a été mis en œuvre en faveur des enfants en difficulté ; les mauvais résultats obtenus dans ces zones occultaient les bons résultats obtenus dans d’autres. Cela montre d’autant plus l’importance d’offrir les incitations appropriées à tous les niveaux pour tirer le meilleur parti possible des ressources supplémentaires (ou existantes).

En 2006, des changements majeurs ont été introduits dans la politique concernant les zones d’éducation prioritaires afin de distinguer trois niveaux de besoins (EP1, EP2 et EP3). Les ressources sont actuellement augmentées dans les zones classées en EP1, notamment pour sélectionner des établissements précis qui bénéficieront de moyens financiers supplémentaires, en particulier pour le recrutement d’enseignants plus expérimentés, dans le cadre du programme ambition réussite. La « mobilité » entre les différents niveaux de priorité devrait également être possible, afin que certaines zones puissent passer d’un niveau à un autre ou tout simplement sortir du programme.

Cette réforme répond clairement à certaines des critiques adressées aux politiques mises en œuvre précédemment. Elle fait largement appel à la « contractualisation » dans le but de favoriser la coordination entre les différents établissements scolaires ainsi que de fixer des objectifs clairs et de susciter un accord sur les méthodes à utiliser, tout en laissant la place à l’expérimentation.

La contractualisation semble avoir pour finalité d’accroître la responsabilité en matière de résultats, bien qu’elle ne prévoie pas de sanctions en cas de mauvaises performances. La mise en place du nouveau système n’a débuté qu’au cours de l’année scolaire 2006-07 ; il faut donc attendre pour voir comment il fonctionne en pratique. Les points faibles qui subsistent pourraient être notamment les incitations offertes individuellement aux enseignants, l’avancement accéléré figure toujours parmi les incitations, par exemple.

La nouvelle politique ne va pas non plus aussi loin qu’elle le pourrait pour modifier l’optique géographique du programme : une alternative constituerait à allouer des ressources à chaque établissement en fonction du type d’élèves qu’il accueille plutôt qu’en fonction de la zone géographique où il est situé. Il faut espérer que la coopération encouragée par les contrats conclus entre les différents intervenants dans l’éducation sera enrichie par la coordination avec les initiatives de réussite éducative lancées dans le cadre du Plan de cohésion sociale (voir Jamet, 2007a).

Notes :

21. Voir Bénabou et autres (2004 et 2006) et Moisan et Simon (1997). Ces derniers ont étudié les caractéristiques qui distinguent les ZEP qui obtiennent les meilleurs résultats de celles qui réussissent moins bien au lieu de procéder à une évaluation de l’ensemble du programme.

22. Cela leur permet d’avoir des classes d.une taille inférieure à la moyenne, mais pas dans une mesure considérable. en 2003-04 la taille moyenne effective des classes dans les établissements situés en ZEP ou en REP (écoles élémentaires et établissements du premier cycle du secondaire confondus) était de 21.3 élèves contre 23.2 dans les autres établissements ; voir ministère de l’Éducation (2004).

23. C’est d’ailleurs le principal point sur lequel ont porté les changements introduits en 1998-99, dans une large mesure conformément aux suggestions de Moisan et Simon (1997).

24. Si les effets des ressources étaient linéaires, une concentration d’une quantité donnée de ressources sur une zone plus restreinte n’aurait pas d’incidence sur les résultats moyens.

25. Bressoux et autres (2005), outre qu’ils montrent que la taille des classes comme la formation des enseignants ont un impact significatif sur les performances scolaires, démontrent que les enseignants plus expérimentés sont généralement affectés dans de bons établissements ou du moins dans ceux où le niveau d’aptitude des classes est nettement plus élevé que dans ceux où sont affectés les débutants et qui comptent moins de redoublants.

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Rappel : les autres études de l’OCDE publiées en août 2007 et en juin 2007

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