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Publication de la Note de synthèse du Csen sur le colloque du Grenelle de l’éducation (Le Café, ToutEduc)

29 janvier 2021

Rapport de synthèse
rédigé à la suite du colloque scientifique
Quels professeurs au 21ème siècle ?i

Note synthétique
Texte rédigé par Yann Algan
Avec les contributions de Stanislas Dehaene, Élise Huillery, Elena Pasquinelli, Franck Ramus

La note synthétique (10 p.)

 

Le Grenelle, le CSEN et la domination des enseignants
Fidèle et éclairant. Le rapport de synthèse du colloque du Conseil scientifique de l’Education Nationale (CSEN) organisé à l’occasion du Grenelle de l’éducation sur le thème du professeur du XXIème siècle est conforme aux contributions du colloque. Organisé autour de 5 questions, il décrit un métier où, sous couvert du développement du travail d’équipe, l’enseignant est en permanence sous surveillance et en évaluation. Le principal enseignement du rapport est de montrer à quel point des membres du CSEN l’utilisent au service d’une ambition politique, celle de JM Blanquer.

Cinq questions pour un nouveau métier

Le rapport de synthèse du colloque organisé par le CSEN lors du Grenelle de l’éducation, élaboré par Yann Algan avec les contributions de Stanislas Dehaene, Élise Huillery, Elena Pasquinelli et Franck Ramus, dessine un nouveau métier enseignant entièrement fidèle à la vision ministérielle, telle que JM Blanquer a pu la présenter dans ses ouvrages récents. Il le fait en s’appuyant sur des travaux et des modèles soigneusement choisis et en écartant les nombreux échecs des politiques vantées dans le rapport.

Il est construit autour de 5 questions : " Pourquoi l’éducation et les professeurs sont-ils l’investissement du 21ème siècle ? Quelles sont les nouvelles connaissances et compétences des élèves au 21ème siècle, et les pratiques pédagogiques associées pour les professeurs ? Quelles sont les formations initiales et continues pour le professeur du 21ème siècle ? Quelles sont les nouvelles conditions de travail et d’enseignement, notamment grâce aux technologies numériques ? Quels nouveaux modes de gouvernance et comment favoriser la collégialité et la gestion des ressources humaines à tous les échelons du système éducatif ?"

Légitimer les inégalités

Sur le premier point, le rapport utilise les données de Pisa qui, depuis des années, montrent l’intéret économique pour la société et les individus et aussi le bénéfice social du niveau d’instruction. Ainsi les personnes les plus instruites gagnent plus, sont en meilleure santé et sont plus satisfaites de leur vie. Ce qui n’est rien d’autre que la légitimation par l’Ecole de la construction sociale. Cette question sert surtout à valider l’idée très à la mode de l’importance des compétences socio-comportementales dans le système éducatif. Leur enseignement pénètre d’autant plus facilement dans le système éducatif qu’elles sont socialement très clivantes. Avec JM Blanquer on en a des illustrations avec le "grand oral" , certaines modalités d’orientation dans parcours sup (la lettre de motivation par exemple), toutes pratiques descendues des formations du supérieur.

Mettre le métier enseignants sous surveillance

Mais le rapport met surtout l’accent , à travers les 3 derniers thèmes sur l’évolution du métier enseignant. Les auteurs veulent réécrire le référentiel de compétences des enseignants pour en faire un cadre contraignant organisant la progression de carrière. " Réorganiser le référentiel de compétences, dans la lignée du rapport du CSEN, afin de rationnaliser la formation selon les domaines de compétence attendus des enseignants, et leurs différents niveaux de maîtrise, de manière synthétique et lisible. Un tel référentiel présenterait un double avantage : Servir de cadre à la structuration et à l’élaboration des contenus de la formation initiale et continue ; Lier la progression de l’enseignant dans les niveaux de maîtrise de chaque compétence avec le déroulement de sa carrière". La carrière dépendrait de la conformité acquise à travers des "formations" aux attendus fixés par le référentiel.

" Mettre en place des formations fondées sur « l’apprentissage actif et collaboratif », avec un dispositif d’observation et de formation par les pairs, et le développement de formations en fonction d’objectifs partagés de l’établissement". Notez bien que les formations seraient toujours décidées sans avis des enseignants ("par l’établissement") et que l’argument des pairs est lié à "un dispositif d’observation". Le tout aboutit à "un système de valorisation" dans la carrière des enseignants. Des "temps collectifs" seraient introduits dans les obligations de service pour surveiller le maintien de la conformité des enseignants.

Inutile de chercher où les auteurs ont trouvé ce modèle. Ils l’indiquent eux mêmes : c’est Singapour. Voilà un pays où les enseignants sont surveillés et évalués en permanence en formation et dans leur classe par des pairs un peu plus anciens, selon un système de grades sophistiqué. Tout le système est tendu vers l’application de référentiels imposé à la profession et qui ne peut en aucun cas être critiqué puisque "basé sur la recherche".

Libéralisme et autoritarisme
Ce modèle fonctionne semble t-il à Singapour, une ville état soumis à un pouvoir autoritaire dans une société de tradition chinoise. Par contre le colloque du Cnesco sur la formation des enseignants a montré les difficultés à l’importer en Europe, souvent en lien avec des tentatives pour brider les organisations enseignantes.

Ainsi en Ontario (Canada), sous prétexte d’efficacité, c’est toute une évolution du métier qui est enclenchée avec des enseignants chargés de nombreuses nouvelles missions et enfermés dans un cadre idéologique très fort. Le lien entre une famille politique et cette "reculturation" des enseignants est parfaitement assumé. L’alternance politique interroge maintenant ce système. Au Québec la tentative d’instaurer ce modèle a échoué. En Europe c’est l’Estonie qui a tenté d’importer les mêmes idées. On y a vu une tentative d’imposer des référentiels et une nouvelle conception du métier, portée par un ordre professionnel (comme en Ontario et au Québec), mais avec un syndicat qui a su résister.

L’impérialisme idéologique d’une partie du CSEN se marie très avec le projet libéral et autoritaire pour l’Ecole qui est porté par JM Blanquer. Ce courant ignore le doute. Il est proche du pouvoir et il ira aussi loin que les enseignants le permettront.
François Jarraud

Le rapport du CSEN

Grenelle : Un colloque pour modifier la carrière des enseignants

Cnesco : le dossier sur la formation

Extrait de cafepedagogique.net du 28.01.21

 

"Quels professeurs au xxième siècle ?" : le CSEN fait l’éloge des pédagogies actives et souligne l’importance du bien-être des enseignants

Le bien-être de l’enseignant est l’un des facteurs essentiels de réussite du système scolaire. C’est l’une des conclusions du "rapport de synthèse rédigé à la suite du colloque scientifique Quels professeurs au XXIe siècle ? organisé le 1er décembre 2020 dans le cadre du Grenelle de l’éducation" et rédigé par Yann Algan. Il vient d’etre publié.

Le rapport insiste sur l’importance pour les élèves des compétences socio-comportementales, et du développement de la "culture collaborative" pour les enseignants. Pour les premières, elles "engendrent un double dividende : elles renforcent le développement des compétences académiques et donc la réussite scolaire, et elles ont un impact sur la réussite professionnelle" ainsi que sur "le développement des valeurs citoyennes et de la tolérance chez les élèves". Il semble donc nécessaire "de développer plus avant des pratiques pédagogiques fondées sur l’état d’esprit progressiste, c’est-à-dire l’idée que tout élève peut progresser", mais aussi sur "l’apprentissage coopératif et le travail en groupe, qui permettent de développer plus efficacement la coopération et la citoyenneté que des cours théoriques sur ces enjeux", "l’évaluation formative, fournissant un retour sur erreur positif, utile et non décourageant, non stigmatisant, et sans mise en concurrence entre élèves" et "les pédagogies actives, qui facilitent l’engagement de l’élève dans l’apprentissage et la connaissance par l’élève de ses propres processus d’apprentissage".

L’auteur souligne l’importance de la persévérance, de "la capacité à différer un plaisir immédiat en faveur de gains futurs plus élevés", de "l’application dans le travail", de "l’autodiscipline", du "caractère consciencieux" considéré comme "le facteur le plus prédictif" de réussite scolaire.

Mais les enseignants français "sont peu nombreux à s’estimer bien ou très bien préparés à l’enseignement des compétences transversales (25 % contre plus de 50 % en Angleterre ou dans les pays nordiques)". Dès lors, "comment favoriser la formation collaborative entre pairs" ? Celle-ci doit s’appuyer sur les avancées de la recherche, ce qui suppose "des collaborations entre les centres de formation, les départements de recherche et la société civile".

"De fait, les modalités de formation les plus fréquentes restent les cours ou séminaires en présentiel, ainsi que la lecture solitaire de documents pédagogiques." Il faudrait donc "mettre en place des formations fondées sur l’apprentissage actif et collaboratif, avec un dispositif d’observation et de formation par les pairs, et le développement de formations en fonction d’objectifs partagés de l’établissement", ces formations étant valorisées "en tant que critères dans la progression de carrière des enseignants".

Yann Algan reste pourtant dans la logique du Conseil scientifique, et propose de "favoriser la formation initiale et continue des professeurs sur les pratiques pédagogiques fondées sur les preuves" ainsi que les progressions pédagogiques explicites. Il propose de "réorganiser le référentiel de compétences" afin de "rationaliser la formation". Il insiste aussi dur l’importance du mentorat pour les nouveaux enseignants, et de la collaboration entre pairs. "Dans ce domaine, la France dispose de marges de manœuvres importantes, l’exercice du métier d’enseignement restant un exercice plus solitaire que dans la plupart des autres pays de l’OCDE". Il ajoute que les nouvelles technologies, qui "ne sont en aucun cas la panacée", "peuvent apporter une assistance intelligente, notamment pour consolider les progrès des élèves" et pour évaluer le soutien dont ils ont besoin.

A noter encore parmi ses propositions, "améliorer le dispositif d’accueil des nouveaux professeurs lors de leur prise de fonction (mentorat, soutien financier et matériel, progressivité de la charge de travail et de la difficulté des classes)" ; "développer des temps collectifs de réflexion sur un objectif commun au niveau de l’établissement par discipline ou transdisciplinaires (comme sur le développement des compétences socio-comportementales), et sur la formation" ; "développer le bâti scolaire pour créer des espaces collaboratifs pour les élèves et les professeurs".

Extrait de touteduc.fr du 28.01.21

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