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"Le collège unique. Éclairages socio-historiques sur la loi du 11 juillet 1975", Laurent Gutteriez et Patricia Legris (dir.), Presses universitaires de Rennes. Entretien avec Les Cahiers pédagogiques

9 mars 2017

Le collège unique
Éclairages socio-historiques sur la loi du 11 juillet 1975

Laurent Gutierrez et Patricia Legris (dir.)
Avec une préface d’Antoine Prost.
Avec le soutien du Centre universitaire d’information pédagogique et du laboratoire CERHIO (UMR 6258) de l’université Rennes 2.
2016
Nombre de pages : 258 p.
ISBN : 978-2-7535-5024-7

Présentation éditeur
Sommaire

 

Le collège unique, une vieille histoire !
Entretien avec Laurent Gutierrez

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

En ces temps où, une fois de plus, le collège pour tous se trouve contesté, il est utile d’inscrire cette polémique récurrente dans une histoire longue, et d’aller voir notamment à la source : la réforme Haby, à la demande du président Giscard en 1975. D’où l’intérêt de l’ouvrage Le collège unique, récemment paru aux Presses universitaires de Rennes et préfacé par Antoine Prost, sous la direction de Patricia Legris et Laurent Gutierrez. Celui-ci répond ici à nos questions.

Pouvez-vous présenter l’objet de votre livre ?

Cet ouvrage est issu d’un séminaire de recherche qui s’est donné pour objectif d’étudier quelques traits saillants de cette réforme de l’enseignement connue sous le nom de « réforme Haby », tant décriée au cours de ces dernières années. Sont ainsi passés en revue la genèse de ce projet de réforme, la campagne d’information menée par le ministère, les positions adoptées par les syndicats enseignants, les réactions des associations de spécialistes, l’évolution des positions de René Haby sur la question des filières, le rôle joué par Valéry Giscard d’Estaing dans l’adoption de la loi, la nature des polémiques sur le collège unique et, enfin, l’évaluation des résultats obtenus par les élèves sur le plan des acquisitions scolaires. Les auteurs appelés à participer à cette réflexion, sont, pour la majorité, des chercheurs appartenant à l’association transdisciplinaire pour les recherches historiques sur l’éducation (ATRHE).

[...] Comment expliquez-vous que ce collège unique, malgré sa visée démocratique initiale, ait cristallisé contre lui un tel mécontentement chez la plupart des acteurs du monde éducatif ?

Je ne suis pas certain que les acteurs de cette époque voulaient, majoritairement, de ce collège. Le poids du contexte et des traditions compte ici comme dans de nombreux domaines. Si, sur le plan des intentions, il permettait de rassembler des enfants qui se destinaient, jusqu’alors, à poursuivre leur scolarité dans des filières différentes, dans la réalité des classes, ce nouveau collège faisait surtout rentrer l’hétérogénéité. En réaction et, disons-le, pour maintenir leurs effectifs, certains chefs d’établissements (avec, parfois, l’accord de leur hiérarchie) qui voyaient des parents d’élèves scolariser leur enfant dans l’enseignement privé, optèrent pour de nouvelles formes de classes de niveaux.

Pour certains parents d’élèves, cette ouverture du secondaire au plus grand nombre rendait plus difficile encore la poursuite d’études de leur enfant. Désormais, le collège devenait l’étape à franchir en même temps que le symbole d’une méritocratie de plus en plus exigeante.

Enfin, les polémiques médiatiques et politiques qui ont accompagné ce nouveau collège ont eu des effets dévastateurs sur son rôle et sa fonction au sein de notre système scolaire. Pensé comme l’un des moyens à la disposition du législateur pour combattre les inégalités, ce collège a alimenté une crise scolaire et mobilisé des arguments sur son inefficacité. Éloigné des objectifs recherchés en 1975, le collège actuel apparaît comme un modèle à réformer en optant pour des formes de rapprochement entre les différents paliers de la scolarité des élèves.

[...] En quoi ce retour sur la réforme Haby nous aide-t-il à mieux comprendre les enjeux des débats sur le collège d’aujourd’hui ?

Parmi les enseignements que l’on peut tirer de cette étude, le premier revient sans doute au fait qu’une réforme de l’enseignement doit être pensée à l’échelle de l’ensemble du système éducatif. Cette approche systémique est la seule qui puisse lui garantir sa cohérence.
Un deuxième enseignement est lié aux incompréhensions qui accompagnent les décisions en matière de réforme de l’enseignement. Chaque acteur l’interprète selon ses attentes. Le nombre important de partenaires éducatifs rend l’accord parfois même impossible, sur l’essentiel. Les conditions qui sous-tendent le changement en réduisent par ailleurs la portée, dans un contexte où chacun pense que la réforme ne peut pas se faire sans elles.

Le troisième enseignement de cette étude historique sur le collège unique porte sur la formation des enseignants. Elle constitue, en effet, l’une des principales lacunes de la réforme de 1975 qui s’attaque alors à un enjeu de taille : réunir tous les élèves quelque soit leur origine sociale et leur niveau scolaire. Les enseignants se sont ainsi retrouvés désemparés devant une hétérogénéité à laquelle ils n’avaient pas été préparés. Si une réforme doit s’anticiper à différents niveaux et être programmée sur plusieurs années, elle doit aussi accompagner celles et ceux qui la mettent en œuvre. Pas tant par des moyens supplémentaires mais par des actions concrètes portant sur la nature du travail à accomplir. Partir des difficultés rencontrées par les enseignants dans leur classe et par les élèves dans leur apprentissage devrait être constitutif de toute formation pédagogique digne de ce nom.

Laurent Gutierrez
Maître de conférences en Sciences de l’éducation à l’Université de Rouen

Extrait de cahiers-pedagogiques.com du 07.03.17 : Le collège unique, une vieille histoire !

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