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"Evaluation des Programmes de Réussite Educative", mars 2016. Le rapport de l’IPP conclut à "une absence d’effet des parcours PRE sur la situation des enfants". Trois analyses du rapport

2 mars 2016

Additif du 14.03.16
Voir en bas de cette page l’analyse du rapport de l’IPP par la Lettre de l’Education

 

RAPPORT IPP N°13 – MARS 2016
Evaluation des Programmes de Réussite Educative

Pascal BRESSOUX
Marc GURGAND
Nina GUYON
Marion MONNET
Julie PERNAUDET

Etude réalisée en partenariat avec la DEPP et le CGET

Le texte du rapport sur le site de l’IPP

Note : L’Institut des politiques publiques (IPP) est développé dans le cadre d’un partenariat scientifique entre PSE-Ecole d’économie de Paris (PSE) et le Centre de Recherche en Economie et Statistique (CREST). L’IPP vise à promouvoir l’analyse
et l’évaluation quantitatives des politiques publiques en s’appuyant sur les méthodes les plus récentes de la recherche en économie.

 

SYNTHÈSE DES RÉSULTATS (pages 3 à 8)

Les Programmes de réussite éducative (PRE), institués par la loi de cohésion
sociale de 2005 et déployés sur l’ensemble du territoire, constituent une politique ambitieuse de lutte contre l’inégalité des chances à destination des enfants et des adolescents les plus en difficulté. Ces programmes ont pour objectif d’apporter aux enfants des quartiers prioritaires de la politique de la ville un parcours individualisé reposant sur une approche globale des difficultés rencontrées, en collaboration étroite avec la famille (suivi social, médical, activités culturelles ou sportives, ateliers d’expression ou encore différentes formes de soutien scolaire).
Leur spécificité consiste à exploiter les ressources locales (associations, centres de loisirs, centres de santé, conseil général, dispositifs scolaires), et à impliquer de manière systématique les parents, le but étant de renouer le contact entre les familles et les acteurs du « droit commun » dans les quartiers en difficultés. Plus de 100 000 enfants bénéficient d’un PRE aujourd’hui dans toute la France, pour un coût annuel d’un peu plus de 100 millions d’euros par an.
De nombreuses études ont déjà été consacrées à ces programmes, en particulier sous l’impulsion de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), mais aucune analyse d’impact des PRE n’avait été réalisée à ce jour au niveau national.

Une étude reposant sur la collecte d’une grande variété de données
L’analyse d’impact présentée dans ce rapport repose sur la mise en place de deux enquêtes (la première à l’automne 2012, la seconde au printemps 2014) auprès des
enfants, bénéficiant ou non d’un parcours, de leurs parents, de leur enseignant et des coordonnateurs PRE travaillant avec les écoles de notre échantillon.

Afin d’être en mesure de documenter au mieux l’ensemble des difficultés rencontrées par les enfants et leur famille, et de ne pas réduire le spectre de dimensions sur lesquelles les PRE peuvent avoir un impact, les questionnaires balaient un grand nombre de champs, en multipliant les points de vue. Les enfants ont ainsi chacun rempli plusieurs questionnaires visant à mesurer leur qualité de vie ressentie, leur estime de soi, leur motivation, qui complètent les mesures de compétences cognitives évaluées à travers des tests de mathématiques et de français. Les enseignants ont également eu à évaluer pour chaque enfant différentes compétences scolaires et attitudes face aux apprentissages, et ont été interrogés sur le contexte familial des enfants.
Les parents ont quant à eux été interrogés, entre autres, sur leurs relations avec l’école, avec leur enfant, et sur leur accès aux services publics. Enfin, les coordonnateurs PRE ont été enquêtés afin d’identifier les enfants bénéficiant d’un parcours et de documenter les difficultés diagnostiquées, la nature ainsi que la durée des parcours.
L’échantillon d’analyse est composé de 102 écoles accueillant au moins un élève bénéficiaire, et de 31 écoles situées dans des territoires comparables mais n’étant pas bénéficiaires d’un PRE.
Cet échantillon d’écoles, sans être représentatif de l’ensemble des territoires, est diversifié géographiquement et il reflète la structure de la géographie prioritaire dans le Nord, la région parisienne et l’Est, ainsi que dans la région lyonnaise et le Sud-Est.

Des bénéficiaires présentant des difficultés plurielles, non strictement scolaires
Les données collectées au travers des différents questionnaires ont permis de dresser un état des lieux de la situation des enfants bénéficiant d’un parcours dans notre échantillon, et de décrire en quoi ils se distinguent, avant leur entrée en parcours, des autres enfants. Notre échantillon de bénéficiaires est composé de 404 enfants entrés en parcours entre l’automne 2012 et juin 2014. Ils étaient à l’automne 2012 en CE1 ou en CM1.

L’analyse descriptive révèle que ces enfants sont plus en difficultés à la fois sur le plan familial social (situation professionnelle plus précaire des parents, relations moins bonnes entre parents et enfants), sur le plan scolaire (moins bons résultats en mathématiques et français, évaluation plus basse des compétences scolaires par les enseignants), et sur le plan de leur propre vie sociale (relations plus conflictuelles aux autres, moins bonne intégration dans la classe).
La nature des parcours mis en place reflète bien cette pluralité des difficultés, puisque 20 % des enfants de notre échantillon ont été orientés vers un psychologue ou psychiatre, 21 % vers une assistante sociale, 38 % ont reçu un soutien scolaire, et 15 % des parents ont bénéficié d’un accompagnement (financier, administratif et/ou physique). La durée des parcours est adaptée à chaque situation, mais la plupart des parcours durent entre 7 et 14 mois. Il ressort enfin de l’enquête auprès des PRE qu’une vaste majorité d’enfants bénéficiaires a été orientée vers les PRE par l’Education nationale.

Une évaluation reposant sur la comparabilité d’enfants bénéficiaires et non
bénéficiaires dans un grand nombre de dimensions

L’analyse d’impact consiste à comparer l’évolution d’enfants bénéficiaires d’un parcours entre l’automne 2012 et juin 2014 à celle d’enfants ayant des caractéristiques comparables mais ne bénéficiant pas d’un parcours. Si les deux groupes d’enfants sont parfaitement comparables avant mise en place des parcours, alors toute différence d’évolution entre les deux groupes est imputable au parcours, qui est tout ce qui distingue (en moyenne) les deux groupes. Cette analyse, dite contrefactuelle, permet de parler de l’effet des PRE. La difficulté consiste alors à construire un groupe de comparaison crédible, qui connait entre l’automne 2012 et le printemps 2014, une évolution proche de ce qu’auraient connu les bénéficiaires en l’absence de parcours.

Pour cela, nous avons dans un premier temps rapproché les écoles accueillant
des élèves bénéficiaires d’un parcours à des écoles situées dans des communes ne bénéficiant pas d’un PRE mais ayant des caractéristiques sociodémographiques proches, dans des voisinages aux caractéristiques socioéconomiques similaires et dont les élèves et familles présentent également des caractéristiques semblables.

C’est ensuite au sein de ces écoles « témoins » que nous avons cherché, pour chaque élève bénéficiaire, un élève « témoin » ayant des caractéristiques semblables aux élèves bénéficiaires (selon l’enquête de 2012, c’est-à-dire avant que ces derniers
bénéficient d’un parcours). Grâce à la diversité des données collectées, nous avons pu prendre en considération un grand nombre de caractéristiques (la qualité de vie ressentie par les enfants, leur estime de soi, leur motivation, leurs compétences scolaires, la situation de leurs parents, etc.). Il subsiste néanmoins quelques dimensions scolaires et familiales pour lesquelles les bénéficiaires sont plus fragiles que les élèves témoins, mais ces différences sont très faibles. Les différences d’évolution que l’on pourrait observer entre les deux groupes d’élèves seraient donc raisonnablement attribuées au parcours PRE, et non à un écart initial.

Une absence d’effet des parcours PRE sur la situation des enfants
Sur cette base, nous mesurons les effets des PRE. Si le bien-être psychologique et le comportement des enfants semblent peu affectés par la prise en charge en PRE, d’autres dimensions capturant les relations aux autres (estime de soi sociale,
problèmes avec d’autres enfants de l’école reportés par les parents) se dégradent même légèrement pour les enfants en parcours relativement aux enfants du groupe témoin.
Sur le plan scolaire, les élèves bénéficiaires d’un parcours connaissent également une évolution moins favorable dans certaines dimensions de la motivation
pour l’école, mais leurs compétences en mathématiques et français évoluent de manière similaire au groupe témoin. On constate néanmoins une amélioration de l’assiduité scolaire significativement plus forte chez les bénéficiaires que chez les 6 élèves témoins.

Les parents d’élèves bénéficiaires, bien que jouant en théorie un rôle important dans les parcours, ne connaissent pas d’évolution spécifique relativement aux parents des élèves du groupe témoin, tant dans leur relation à l’école que dans leur perception de l’accès aux services : ils n’ont par exemple pas plus le sentiment qu’il est facile d’avoir de l’aide dans leur quartier en cas de problème. Il n’existe ainsi aucun indice pouvant faire penser que les PRE ont, en moyenne, fait progresser les enfants bénéficiaires davantage que les enfants témoins.
Nous reproduisons l’analyse sur un ensemble de sous-groupes d’enfants selon la nature de la prise en charge, l’ampleur des fragilités de départ, les relations entre les parents et l’école, etc., mais nous ne trouvons pas de sous-groupe pour lesquels les résultats seraient sensiblement différents.

Un programme incomplet par manque de moyens ?
Pour comprendre l’absence d’effet, nous comparons ce programme avec des programmes américains proches dans l’esprit et dont les effets très positifs ont été démontrés par la recherche. Cela conduit à souligner que les PRE s’appuient largement sur les ressources du droit commun. Or, les effets sur les enfants que nous estimons sont, in fine, les effets de la somme des actions dans lesquelles les enfants ont été effectivement engagés. Ces actions sont souvent des activités sportives, des séjours en centres de loisir, du soutien scolaire, bref des actions offertes sur le territoire par différents acteurs, mais qui n’ont pas été développées spécifiquement en vue de ce public en grande difficulté.
Les programmes américains positivement évalués coûtent environ dix fois plus cher que les parcours PRE mais, précisément, on doit se demander si l’ingénierie institutionnelle ne devrait pas être complétée par des ressources suffisantes permettant de construire plus souvent des actions spécifiques, adaptées, auxquelles exposer les enfants. Un effort beaucoup plus important de l’Etat est peut-être la condition pour faire face aux défis immenses présentés par les enfants dans des situations sociales très difficiles.

Concernant les effets plutôt négatifs, nous soulignons qu’ils ne sont pas exceptionnels dans ce type de programme, et la littérature en a analysé les raisons possibles. Une abondante recherche montre que le jugement que les enseignants portent sur le niveau des élèves peut être infléchi par de multiples informations autres que les seuls résultats scolaires : le redoublement ou encore le placement en filières spécialisées peuvent par exemple tendre à tirer ces jugements vers le bas, à niveau de compétences constant.
Si la prise en charge en parcours PRE des élèves est interprétée par les enseignants comme un marqueur de difficultés, alors il est possible qu’ils jugent moins favorablement les performances des élèves en parcours relativement aux élèves témoins, en dépit d’un niveau équivalent.

Une autre piste d’interprétation des résultats légèrement négatifs que nous trouvons pourrait être le stigma ressenti par les élèves en parcours, indépendamment du jugement de leur enseignant. En pointant un certain nombre de difficultés, l’entrée en parcours PRE peut faire prendre conscience aux enfants et à leur famille de ces difficultés et entraîner une dégradation de leurs perceptions.

Enfin, il est possible que les différents acteurs ne coordonnent pas suffisamment leur action et que la prise en charge de l’enfant soit finalement incomplète. On trouve ainsi de tels effets de délégation dans la littérature. En outre, il se peut qu’un effet de substitution entre le parcours PRE et l’implication directe des parents à l’école soit à l’œuvre, les parents utilisant le PRE comme un intermédiaire avec l’école, et s’impliquant en conséquence moins de manière directe.

 

 

ANALYSE ET COMMENTAIRE DU CAFE PEDAGOGIQUE

L’échec des programmes de réussite éducative

La France est-elle incapable d’aider les enfants les plus fragiles ? Un nouveau rapport réalisé par l’Institut des politiques publiques, Ecole d’économie de Paris, sous la direction de Pascal Bressoux, Marc Gurgand, Nina Guyon, Marion Monnet et Julie Pernaudet, démontre l’inefficacité des programmes de réussite éducative. "Il n’existe pas, dans nos données, d’indice permettant de démontrer que les Programmes de Réussite Educative (PRE) ont, en moyenne, fait progresser, sur le plan cognitif et non-cognitif, les enfants bénéficiaires davantage que des enfants non-bénéficiaires aux difficultés de départ très comparables", affirme cette étude. Lancés en 2005, les PRE touchent 100 000 jeunes et coûtent près de 100 millions. Apparemment en pure perte.

100 000 enfants concernés
Janvier 2005, le gouvernement Raffarin lance un grand "Plan de cohésion sociale" censé remédier à la montée des inégalités et de renouer le contact avec les familles les plus fragiles et souvent les plus délaissées. Dans ce plan, les Programmes de réussite éducative (PRE) visent à prendre en charge de façon globale, et sous la direction du Ministère de la Ville, les enfants les plus fragiles à partir de 2 ans, repérés souvent par l’école. Il s’agit de mettre en place une réponse globale à leurs difficultés en amenant les différents acteurs (école, services sociaux, municipalités etc.) à travailler ensemble. Pour chaque PRE, un coordinateur est chargé d’articuler le parcours et assurer le suivi individualisé des enfants bénéficiaires en proposant des aides dans différents domaines (scolaire, social, sanitaire, culturel, sportif) en accord avec les familles. Aujourd’hui près de 100 000 jeunes bénéficient d’un PRE pour un coût global estimé à une centaine de millions.

L’équipe de l’Institut des politiques publiques a évalué les effets des PRE en comparant l’évolution de 404 enfants de CE1 et CM1 bénéficiaires des PRE avec celle d’enfants ayant des caractéristiques comparables mais ne bénéficiant pas du PRE.

Pas d’effet sur le bien être
Les résultats sont sans appel puisque sur tous les aspects, les PRE s’avèrent n’avoir aucun effet ou même, parfois , des effets négatifs.

S’agissant des effets psychologiques des PRE, " la qualité de vie ressentie dans les dimensions psychologiques ne semble pas affectée par l’intervention, mais l’échelle de satisfaction dans la vie connaît un effet négatif assez fort, quoique faiblement significatif 3. Le comportement, qu’il soit mesuré à travers le sentiment de bien se comporter, ou l’évaluation faite par l’enseignant, diffère peu entre les élèves bénéficiaires et témoins. En revanche, certaines dimensions de la relation aux autres se détériorent par rapport au groupe témoin. Si la qualité de vie perçue dans les dimensions sociales s’améliore légèrement, l’estime de soi sociale, qui reflète principalement le sentiment d’avoir de bonnes relations amicales, est affectée négativement", note le rapport.

Des effets négatifs sur les résultats scolaires
Dans le domaine scolaire, " on observe également des mouvements négatifs, surtout dans les dimensions conatives. Certaines dimensions de motivation diminuent significativement : la motivation intrinsèque, qui reflète le plaisir que les enfants trouvent à l’école et la motivation identifiée, qui caractérise l’intériorisation par les enfants de l’utilité de l’école... La réussite scolaire à proprement parler est peu affectée, même si on relève un effet légèrement négatif sur le jugement des enseignants concernant des capacités telles que l’autonomie, le niveau de langage, la compréhension des consignes".

Les relations entre les parents et l’école "n’ont pas évolué de façon significativement différente entre les élèves bénéficiaires et les autres. Et la seule dimension significativement affectée va dans le sens d’une diminution des relations entre la famille et l’école du point de vue de l’enseignant", dit le rapport. Il note d’ailleurs que c’est "un résultat relativement contre-intuitif dans la mesure où une partie du travail du PRE, tel qu’il est révélé dans les monographies, est de définir avec la famille des actions qui sont en partie scolaires."

Pas de dynamique sociale positive
Sur le plan des relations sociales, " le sentiment qu’il est facile d’avoir de l’aide dans son quartier en cas de problème ne s’améliore pas, malgré les contacts réguliers du référent avec la famille, qui est attesté dans notre questionnaire auprès des PRE".

Au total, " nous n’observons pas de dynamique plus positive des enfants bénéficiaires d’un parcours par rapport à des enfants dans des situations scolaires, psychologiques et sociales comparables au départ", affirment les auteurs de l’étude.

Une aide low cost
L’équipe de l’Institut des politiques publiques avance des hypothèses. Ils rappellent d’abord que des dispositifs de soutien peuvent être efficaces. Le rapport cite le programme américain Head Start qui a touché un million d’enfants à partir de 1965 et qui a des effets positifs à long terme.

Qu’est ce qui distingue ces programmes efficaces des PRE ? D’abord l’âge des enfants. Les PRE interviennent peut-être déjà trop tard puisqu’ils se poursuivent au collège, voire parfois après. Mais aussi le coût. Head Start coute environ 7 000 euros par enfant quand le coût d’un PRE s’établit à environ 850 euros. En clair, la République veut bien aider les enfants fragiles, souvent ceux des pauvres, mais en low cost... Au final, note le rapport, il apparait que " l’Etat a fait le choix de limiter son effort (financier) en mettant l’accent sur des questions d’ingénierie institutionnelle, qui sont sans aucun doute un passage obligé, mais sans mettre de moyens pour développer les actions elles-mêmes".

Du soutien scolaire inefficace
Car le rapport s’interroge aussi sur la gestion de l’aide et sa concentration. " L’effort des PRE est mis sur l’accompagnement des familles et sur la coordination des professionnels. Mais pour ce qui est des interventions auxquelles sont exposés les enfants, ils recourent pour l’essentiel au droit commun existant sur le territoire... Or, " il semble que ces actions, même si elles sont régulières, sont peu intensives (une séance de sport hebdomadaire dans un club, des vacances dans un centre de loisir, etc.) ; et d’autre part, l’efficacité de ces actions en tant que telles n’est pas nécessairement démontrée, et ceci en partie parce que l’objet des dispositifs existant sur le territoire, clubs de sports ou centres de loisir, n’est pas principalement de favoriser les progrès d’enfants en grande difficulté psychologique ou sociale".

Le rapport rappelle les évaluations négatives de dispositifs comme "Coup de pouce clé" de l’Apfée dont l’inefficacité a été évaluée par l’Ecole d’économie de Paris en 2012 et plus récemment par un rapport d’A Florin. Le Coup de pouce est pourtant largement utilisé dans les PRE parce qu’il est largement diffusé sur le territoire. A travers ce dispositif c’est l’efficacité des dispositifs hors éducation nationale qui est interrogée...

Des effets stigmatisants
Pire encore, les auteurs estiment que le dispositif a un effet "étiquetage" qui explique ses effets négatifs. " Le jugement que les enseignants portent sur leurs élèves n’est pas le simple reflet de la réalité mais une construction fondée sur des informations diverses", relèvent-ils. Le PRE pourrait fonctionner comme une "prophétie autoréalisatrice" sur le plan scolaire. " Les effets créés sont de deux ordres : de moindres opportunités d’apprentissage pour les élèves jugés faibles (moindres exigences de réussite, exposition à un curriculum moins riche) et un sentiment de compétence érodé. Dans les deux cas, les performances des élèves vont tendre à se conformer aux jugements des enseignants". Selon les auteurs, le stigma existerait aussi sur le plan social. Il jouerait sur les relations entre les enfants et les autres élèves ou entre les familles et les institutions.

Ne pas baisser les bras
En conclusion , les auteurs appellent à revoir l’aide portée à ces enfants. "Pour être plus efficaces face aux défis immenses présentés par les enfants dans des situations sociales très difficiles, les PRE devraient donc peut-être disposer des moyens de déployer beaucoup plus souvent leurs propres interventions, et cibler davantage les enfants d’âge préscolaire". Dans le contexte actuel, ne pas baisser les bras va être le défi premier après la publication de cette étude.
François Jarraud

L’étude
Plan de cohésion sociale de janvier 2005
Journée de réussite éducative 2013
Sur le coup de pouce
Sur le coup de pouce

Extrait de cafepedagogique.net du 03.03.16 : L’échec des programmes de réussite éducative

 

ANALYSE ET COMMENTAIRE DE TOUT EDUC

Les PRE ont-ils "les moyens de faire face aux défis immenses présentés par les enfants dans des situations sociales très difficiles" ? C’est la question que pose l’IPP* dans la conclusion de son rapport d’évaluation des programmes de réussite éducative. Et les auteurs précisent : Peuvent-ils y parvenir "en ayant pour principale ressource les associations et l’offre sanitaire du territoire" et sans construire d’actions "structurées par le programme lui-même, conçues en fonction de ses objectifs" ? "La pertinence des interventions sanitaires (psychologue, orthophoniste, etc.) ne fait pas débat", pas plus que les activités sportives, les séjours en centres de loisir, le soutien scolaire, "qui n’ont pas été développées spécifiquement en vue de ce public en grande difficulté". Si les familles finissent "par aller chez l’orthophoniste, même en l’absence de PRE, parce que les enseignants les y orientent en fait assez souvent, la valeur ajoutée des parcours sera limitée". Des programmes américains "proches dans l’esprit" ont en revanche des effets "très positifs", mais ils "coûtent environ dix fois plus cher" et on doit se demander si "l’ingénierie institutionnelle" ne devrait pas être complétée par "des actions spécifiques, adaptées, auxquelles exposer les enfants".

En effet, l’analyse statistique ne permet pas aux auteurs** d’observer "de dynamique plus positive des enfants bénéficiaires d’un parcours par rapport à des enfants dans des situations scolaires, psychologiques et sociales comparables au départ". Ils précisent que "cela ne signifie pas que leur situation ne s’est pas améliorée dans l’absolu, cela signifie à tout le moins qu’elle ne s’est pas davantage améliorée (peut-être même un peu moins), ou pas plus vite, que celle des enfants témoin, c’est-à-dire des enfants ne bénéficiant pas d’un parcours". Et ils concluent à "une absence d’effet du PRE, au sens où le destin (sur 20 mois) des enfants est semblable là où le PRE n’est pas présent".

Une approche globale
Ils rappellent que ces programmes, "institués par la loi de cohésion sociale de 2005", ont pour objectif d’apporter aux enfants des quartiers prioritaires de la politique de la ville "un parcours individualisé reposant sur une approche globale des difficultés rencontrées, en collaboration étroite avec la famille", de façon à "renouer le contact entre les familles et les acteurs du droit commun" dans ces quartiers. Ils concernent quelque 100 000 enfants "pour un coût annuel d’un peu plus de 100 millions d’euros par an". L’étude repose sur la collecte "d’une grande variété de données" à l’automne 2012 et au printemps 2014 sur la qualité de vie des enfants, leur estime de soi, leur motivation, des tests de mathématiques et de français, mais aussi sur les jugements des enseignants tandis que les parents ont été interrogés sur leurs relations avec l’école, avec leur enfant, et sur leur accès aux services publics. L’échantillon de bénéficiaires est composé de 404 enfants qui étaient à l’automne 2012 en CE1 ou en CM1. Le groupe témoin est composé d’enfants "ayant des caractéristiques comparables", même si, sur certaines dimensions scolaires et familiales, "les bénéficiaires sont plus fragiles".

"Si le bien-être psychologique et le comportement des enfants semblent peu affectés par la prise en charge en PRE, d’autres dimensions capturant les relations aux autres (estime de soi sociale, problèmes avec d’autres enfants de l’école reportés par les parents) se dégradent même légèrement pour les enfants en parcours relativement aux enfants du groupe témoin. Sur le plan scolaire, les élèves bénéficiaires d’un parcours connaissent également une évolution moins favorable dans certaines dimensions de la motivation pour l’école, mais leurs compétences en mathématiques et français évoluent de manière similaire au groupe témoin. On constate néanmoins une amélioration de l’assiduité scolaire significativement plus forte chez les bénéficiaires que chez les élèves témoins (...) Les relations entre les parents et l’école n’ont pas évolué de façon significativement différente entre les élèves bénéficiaires et les autres."

Des mécanismes subtils et complexes
Dès lors les auteurs, très soucieux de prévenir les critiques méthodologiques, se demandent si les personnes (le plus souvent les enseignants) qui orientent les enfants vers les PRE le font pour les raisons qui ont présidé au choix des paramètres observés. Ne disposent-ils pas d’autres données qui leur permettraient "d’anticiper que ces enfants vont avoir une dynamique négative" ? Autre point de discussion, l’âge des enfants. "Il semble que les interventions éducatives et sociales sont beaucoup plus efficaces auprès des très jeunes enfants, et ont moins d’effets (...) à mesure que les enfants sont plus âgés. Au vu de la littérature existante, on peut se demander si l’âge scolaire devrait être la principale cible de ce type d’intervention." Finalement, la principale conclusion est que "les mécanismes en jeu dans ce type d’intervention sont extrêmement subtils et complexes" et les auteurs espèrent que leur "analyse quantifiée" permettra "de poser des questions qui peuvent conduire à une analyse plus poussée des mécanismes en oeuvre".

Le rapport est téléchargeable ici

* IPP : Institut des politiques publiques - Ecole d’économie de Paris et Centre de recherche en économie et statistiques)

** Les auteurs : Pascal Bressoux (Université Pierre-Mendès-France, Marc Gurgand (EEP-CNRS), Nina Guyon (National University of Singapore), Marion Monnet (IPP) et Julie Pernaudet (CREST)

Extrait de touteduc.fr du 03.03.16 : Les PRE (programmes de réussite éducative) sans effet sur le destin des enfants ? (rapport IPP)

 

Note du Qz : Voir les autres études de Marc Gurgand (Ecole d’économie de Paris)

 

VOIR AUSSI (10 mars 2016)
Réussite éducative (suite) : le CGET ajoute une étude de Trajectoire à celle de l’IPP et préconise de renforcer le lien entre le PRE et l’Education nationale, particulièrement dans les REP+

 

Additif du 14.03.16 :

Approcher l’enfant en difficulté dans sa globalité, le faire bénéficier de ressources diverses et individualisées, associer les familles à la démarche suivie... Même ces principes communément admis peuvent aboutir à un constat d’échec et imposer un réexamen de l’action publique.

Du genre accablant, ce rapport a le mérite de montrer la vanité de certaines décisions prétendant à l’efficacité en matière d’éducation. Celui, aussi, de démystifier le recours aux « évidences ». Mais cette déclinaison de l’aphorisme selon lequel l’enfer est pavé de bonnes intentions est embarrassante quand elle touche à la lutte contre l’échec scolaire lourd et précoce, que tous les ministres de l’éducation se promettent de réduire. [...]

Extrait de lalettredeleducation.fr : Quand la « réussite éducative » ne réussit pas... il faut trouver pourquoi

 

VOIR AUSSI

Evaluation des PRE (suite) : après son "document de référence" de janvier 2016, l’Anaré publie un communiqué contestant le rapport de l’IPP (22.03.16)

Evaluation du programme de réussite éducative (suite). Deux autres bilans : "l’enquête annuelle de suivi" du CGET (octobre 2015) ; le "document de référence" de l’Anaré (janvier 2015) (15.03.16)

Réussite éducative (suite) : le CGET ajoute une étude de Trajectoire à celle de l’IPP et préconise de renforcer le lien entre le PRE et l’Education nationale, particulièrement dans les REP+ (10.03.16)

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