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Selon le rapport annuel du réseau Cidree, une logique de scolarisation de la maternelle s’étend en Europe et en France au détriment des besoins des enfants et en particulier de ceux de milieu défavorisé (ToutEduc)

29 décembre 2022

A la maternelle, une logique de “scolarisation“ au détriment des besoins et de la créativité des enfants (CIDREE Yearbook)

La logique de scolarisation à l’école maternelle “peut engendrer des désavantages qualitatifs dans l’éducation et la santé des jeunes enfants“, estime Ghislain Leroy (Rennes 2) dans le rapport annuel du réseau Cidree (réseau autonome d’organismes nationaux qui participent à la recherche en éducation, ndlr).

L’article en question se fonde sur un travail d’observation de terrain, de lecture de rapports d’inspection et de directives ministérielles. Son point de départ, des études concernant le développement des pratiques d’évaluation selon lequel, depuis plusieurs décennies de nombreuses institutions pré-scolaires européennes, en France, en Suisse, en Italie et en Belgique de façon similaire, voient s’installer une logique de scolarisation.

En France, en 1977, les instructions officielles du ministère de l’Education nationale donnaient la priorité à la créativité des enfants, mais peu à peu le contexte, notamment économique et social, a conduit à définir l’école maternelle comme un lieu non plus uniquement fait “pour jouer“, mais aussi “pour les préparer à la discipline de l’éducation formelle“.

Une logique qui s’est ensuite renforcée, et il fut alors demandé aux personnels préscolaires d’être “des professionnels de l’enseignement“. Plus largement, dans les politiques publiques, la logique de compétences a supplanté la logique de qualifications, le but étant que les individus deviennent plus compétitifs et améliorent constamment leurs pratiques professionnelles. Il fallait transformer les enfants en élèves, que ceux-ci apprennent à contrôler leurs émotions et puissent développer un comportement “moral“.

Il est aussi demandé d’évaluer les enfants de plus en plus souvent. L’injonction de tenir les registres de ces évaluations est renforcée. Celles-ci ne servent pas toujours à ajuster ou à améliorer l’enseignement, mais davantage à justifier le travail demandé aux adultes. Ces évaluations demandent en outre beaucoup de temps, et transforment par conséquent les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Tout cela pouvant créer un climat de stress à la fois pour les enfants et les enseignants.

Dans ce cadre, les écoles maternelles de l’enquête doivent se centrer sur les apprentissages fondamentaux qui permettraient aux enfants de réussir dans leur futur parcours scolaire, ce qui “correspond aux nouvelles méthodes de management public qui se caractérisent par l’intérêt porté à l’efficacité“. Le raisonnement est de dire que rendre les pratiques d’enseignement pré-scolaires plus académiques ou explicites les rendra plus utiles et efficaces.

Les conséquences de ce type de logique peuvent être, considère le sociologue par exemple dans le cas de la France, de conduire à instaurer une vision plus dure de la relation pédagogique (où est renforcée l’obéissance), ou encore d’installer une pédagogie moins ludique et qui se soucie moins de la prise en compte des besoins de l’enfant.

Ces évolutions dans les programmes scolaires dans les dernières décennies ont eu un impact sur les pratiques quotidiennes et les représentations des enseignants de maternelle. Alors qu’auparavant, les valeurs héritées du mouvement de l’Education nouvelle avaient unifié le corps des enseignants de maternelle sur le thème de l’ “apprentissage sans contraintes“, ces valeurs ont par la suite décliné et la vision de la maternelle “a significativement changé“. Les enseignants considèrent désormais que l’école maternelle est “plus un apprentissage des contraintes de l’école qu’un espace où les enseignants cherchent à articuler les apprentissages et les intérêts des enfants (et à rendre l’apprentissage intéressant)“.

L’auteur constate en outre que les enseignants français mettent en place des situations d’apprentissage plus tôt que par le passé et que “ce climat productiviste signifie que le temps est une denrée rare et que les enseignants sont trop occupés ailleurs pour travailler avec les enfants les plus en difficulté“. En réalité, ajoute-t-il, “de fortes attentes d’autonomie existent dès l’arrivée à la crèche, ce qui semble favoriser les enfants les plus dotés intellectuellement par leur milieu d’origine“, ce qui entraîne l’exclusion des plus faibles et renforce les inégalités entre les meilleurs.

Ghislain Leroy a également étudié des rapports d’inspection. Il constate que les activités des années 60-70 à la maternelle étaient plus variées et que nombreuses sont celles, notamment artistiques, qui ont disparu des programmes ces dernières décennies, “sûrement parce que leur bénéfice scolaire n’était pas certain“.

Aussi, il considère que certains enseignants de maternelle se voient désormais “uniquement comme des enseignants“, la logique de scolarisation pouvant s’établir au détriment de la relation psycho-affective avec l’enfant. Par exemple, il peut arriver que dans certaines situations, les enfants restent parfois à pleurer pendant très longtemps, “jusqu’à ce que ça passe“. Certaines situations de violence, même si elles ont toujours existé, pourraient être renforcées à l’école pré-élémentaire du fait de ce climat de scolarisation et des nombreuses attentes de résultat.

Les rapports d’inspection des années 60-70 font état de normes différentes qui pourraient, pense Ghislain Leroy, servir de leviers pour d’autres types de relations à l’enfant, et qui leur donneraient plus de légitimité.

Le Cidree Yearbook 2022 (en anglais) ici (PDF)

Extrait de touteduc.fr du

 

Consortium d’Institutions pour le Développement et la Recherche en Education en Europe
CIDREE

Le CIDREE est un réseau autonome d’organismes nationaux qui participent au développement des curriculum et/ou à la recherche en éducation. Etabli en 1990 en vue d’établir de plus proches relations de travail au sein des systèmes d’éducation européens, le CIDREE est animé par ses membres, pour ses membres.

Extrait de ife.ens-lyon.fr

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