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Effets des séjours à l’étranger sur l’insertion sociale. Des bénéfices inégaux selon l’origine sociale (Injep, Analyses & Situations, n°25)

13 septembre 2019

A qui profitent les séjours à l’étranger ?

Ils sont à la mode les séjours à l’étranger. En témoignent, par exemple, les très récentes modifications apportées au bac pro et au CAP pour y inclure une unité mobilité. Pourtant , selon une nouvelle étude de l’Injep, l’accès aux séjours à l’étranger reste fortement lié à la situation sociale des parents. Et les effets sur l’emploi de ces séjours dépendent eux aussi étroitement de la catégorie sociale des parents. Inclure cette dimension dans les examens augmente-il les inégalités scolaires ou est-ce une étape pour les réduire ?

Une pratique élitiste

Basée sur la grand enquête Génération 2013, la nouvelle étude de l’Injep observe le type de séjour à l’étranger selon les classes sociales. Elle en évalue aussi les effets sur l’accès à l’emploi et le type d’emploi.

" Au sein de la « Génération 2013 », 324 000 jeunes, soit 47 % de la cohorte tous niveaux de diplômes confondus, déclarent avoir effectué au moins un séjour à l’étranger, dans et hors du cadre de leurs études, durant leur formation initiale, et 34 % affirment même en avoir effectué plusieurs", notent J Calmand et A Robert (Céreq), les auteurs de l’étude. " Parmi les jeunes partis à l’étranger pendant leur scolarité, 34 % ont réalisé au moins un séjour dans le cadre d’un stage encadré par une convention ou d’une période d’études dans un établissement de formation". Ces expériences sont plus ou moins longues : un quart dure moins d’un mois et un tiers plus de 6 mois.

Cependant, " partir à l’étranger pendant ses études demeure toutefois surtout réservé à une élite étudiante... Les non-diplômés, c’est-à-dire les jeunes sans diplôme ou ayant uniquement le brevet des collèges, et les diplômés de CAP-BEP sont les moins nombreux à avoir effectué des séjours à l’étranger pendant leur scolarité pour leurs études ou un stage (respectivement 3 % et 4 %). À l’inverse, les plus concernés (environ 70 % d’entre eux) sont les ingénieurs et les diplômés d’école de commerce, pour lesquels la mobilité internationale est partie intégrante du cursus".

Si tous les jeunes n’ont donc pas accès aux séjours à l’étranger c’est qu’ils demandent des conditions matérielles et surtout un investissement familial. " La possibilité pour les jeunes d’avoir un soutien matériel et financier de leur famille est déterminante dans le processus de mobilité". Aussi , " les jeunes issus des milieux favorisés, définis dans le cadre de cette étude comme ceux dont au moins un des parents est cadre, partent plus souvent à l’étranger (70 % contre 42 % des jeunes d’origine populaire)".

Inefficacité des aides publiques

Et les bourses n’y changent rien. Un autre apport de l’étude c’est de montrer que " les aides financières à la mobilité internationale sont également inégalement réparties entre les jeunes. Ainsi, les jeunes d’origines modestes, qui partent moins souvent que les autres à l’étranger, bénéficient moins souvent d’aides financières en dehors de leur famille (indemnité de stage, bourses…) lorsqu’ils partent à l’étranger dans le cadre de leurs études (période en établissement de formation ou stage). Ainsi, 51 % des jeunes dont au moins un parent est cadre sont concernés, contre 43 % des jeunes dont les deux parents sont ouvriers ou employés. Les incitations à partir à l’étranger des politiques nationales et européennes, telles que les bourses, n’arrivent donc pas à gommer les inégalités en termes d’origines sociodémographiques".

Des retombées socialement inégales

Les inégalités se poursuivent logiquement dans la nature des séjours. "Parmi les jeunes dont au moins un parent est cadre, 70 % des séjours pour études ou stages sont certifiants, contre seulement 45 % des jeunes d’origine populaire", soit presque deux fois moins.

Du coup les retombées sur l’emploi varient aussi selon les classes sociales. " Les jeunes partis dans le cadre d’un séjour d’études long diplômant financé ou d’un stage financé ont significativement plus de chances d’accéder à un emploi de cadre trois années après leur sortie du système éducatif que ceux qui ne sont pas partis. C’est sur l’accès à ces positions les plus élevées sur le marché du travail que la plus-value est la plus importante. Plusieurs types de séjours permettent d’obtenir un gain salarial trois années après la sortie du système éducatif" . Les effets positifs des séjours à l’étranger sont donc réservés aux plus favorisés. Ils ne concernent pas les jeunes des milieux populaires.

Un parallèle avec le grand oral

Et cela nous ramène à la valorisation de la mobilité internationale dans les formations éducation nationale. Les valoriser revient à donner de la reconnaissance institutionnelle à une pratique socialement marquée. Les jeunes des milieux populaires au final ont peu de choses à en attendre. On se retrouve avec le même questionnement qu’avec le grand oral imposé et valorisé au bac. On sait que l’aisance orale et sociale est un trait des milieux privilégiés. B Lahire vient encore de nous le rappeler. Est ce parce que les jeunes défavorisés maitrisent mal cette compétence qu’il faut l’imposer pour qu’ils se forment ? Ou est ce une façon de bien marquer et de valoriser la différence ?
François Jarraud

L’étude

Extrait de cafepedagogique.net du 10.09.19

Site OZP. L’étude de l’Injep, organisme officiel, est classée parmi les rapports officiels. Ouverture sociale (Rapports officiels)
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