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B* Correspondance épistolaire et voyage à Taiwan de collégiens REP+ d’Aulnay-sous-Bois (93). Entretien du Café pédagogique avec la professeure d’anglais

5 juin 2018

Yann Reby : A Aulnay-sous-Bois le chemin de l’anglais passe par Taïwan

Etre un collège Rep+ a aussi des avantages. Yann Reby, enseignant en anglais au collège Pablo-Neruda d’Aulnay-sous-Bois (93) mène un projet d’envergure avec Elise Albert enseignante de SVT. Depuis 6 ans, leurs élèves correspondent avec des collégiens taïwanais. « Pour certains, ces lettres sont les seules lettres personnelles jamais reçues », assure Yann Reby. L’échange épistolaire aboutit à un voyage d’étude à Taïwan. Mascotte du projet, la limule est aussi étudiée en SVT avec les élèves. Comment une correspondance épistolaire peut-elle aboutir à un échange réel ? Comment financer un tel projet dans un quartier populaire ? Comment les enseignants impliquent-ils les familles ?

Comment avez vous monté ce projet ?
Depuis 2012 j’organise une correspondance en anglais entre des élèves du quartier du Gros Saule d’Aulnay-sous-Bois et les élèves du collège Jinhu Junior High School de l’île Kinmen à Taïwan. L’échange est majoritairement épistolaire même si occasionnellement nous pouvons faire appel aux TICE. Un atelier d’une heure est organisé chaque semaine, ouvert à tous dans la limite des places disponibles (habituellement 15 à 16 élèves). Pas de profil type, seule contrainte : les volontaires s’engagent à assister à l’atelier et à poursuivre la correspondance jusqu’en juin quoiqu’il arrive. Généralement les élèves préparent et finalisent leur lettre individuelle, l’envoi est commun d’où la nécessité de respecter un rythme collectif. Dans l’intervalle entre les lettres, ils travaillent sur des projets de groupe pour découvrir un aspect de la culture de leurs correspondants ou pour expliquer un aspect de la culture française. Lorsque les lettres arrivent elles sont lues en classe et chacun peut s’il le souhaite la partager avec ses camarades pour tenter d’expliciter certains points.

Pour éviter les pannes d’inspiration dès le début du projet, mon homologue taïwanais et moi avons mis en place une progression correspondant à 8 thèmes de lettres individuelles et 8 travaux collectifs. Les élèves sont libres se cantonner au sujet proposé ou au contraire de partir sur des productions totalement originales.

Pourquoi axer votre démarche sur un échange épistolaire ?
Pour certains, ces lettres sont les seules lettres personnelles jamais reçues. Si cette année mes élèves partent bien pour Taïwan, ce n’est pas le cas le reste du temps. La lettre est un objet qui rappelle cet échange. La plupart des élèves les conservent précieusement. C’est un objet de travail très intéressant. Nos élèves apprennent à structurer le message, à respecter des standards de présentation, à travailler le soin (orthographe et grammaire autant que possible, lisibilité, propreté…) mais aussi l’originalité puisqu’elles sont le plus souvent décorées. C’est une source de frustration lorsqu’on est obligé de la recommencer pour la quatrième fois, d’attendre une réponse pendant un mois. Mais quelle fierté quand le résultat vous plait et quel plaisir quand en classe on ouvre une grosse enveloppe aux timbres bizarres. La correspondance épistolaire englobe une somme d’aspects auxquels nos élèves sont de moins en moins confrontés mais auxquels ils sont sensibles et en fin de compte attachés.

Quels sont les sujets évoqués entre collégiens ? Que se disent-ils ?
Les élèves parlent de leurs familles, leurs passions, leur quotidien. Quand l’inspiration se tarit nous leurs proposons de travailler sur les fêtes traditionnelles et les célébrations (l’occasion pour nos propres élèves de mieux comprendre certains aspects de la culture française), la cuisine familiale, l’actualité, l’environnement, la découverte d’une maison française…

Depuis la venue des taïwanais en novembre, les lettres ont pris une tournure bien plus personnelle et, entre autonomie et pudeur, les élèves me sollicitent moins pour rédiger les lettres. On se donne des nouvelles des membres de la famille, on fait des projets pour notre arrivée en avril, on échange de petits commérages.

En quoi les parents des élèves vous suivent-ils ?
D’abord circonspects, ils se sont petit à petit laissés gagner par le projet. Les parents ont tous ouvert leurs portes aux correspondants taïwanais. Ils ont participé aux diverses actions organisées et collectionné avec une fierté grandissante les articles parus ici et là. Très inquiets au début par la perspective que leur enfant parte au bout du monde, ils sont, 10 mois plus tard, complètement rassurés. Certains y voient l’aventure humaine, d’autres une opportunité d’ouverture culturelle sans précédent au collège, d’autres enfin une ligne particulièrement originale dans le futur CV de leurs enfants. Mais tous ont conscience que c’est un projet très original où la persévérance et le collectif ont payé.

Quelques mots sur le travail effectué autour des limules…
J’ai rapporté les carapaces de deux spécimens lors d’un précédent voyage. Les élèves les ont découverts et manipulés avant de remplir un dossier contenant des planches anatomiques et des schémas proposés par ma collègue de SVT Elise Albert. Des articles en anglais et divers pistes de réflexion sur l’exploitation et les menaces qui pèsent sur cette espèce sont également au menu du programme.

La limule est aussi la mascotte de notre projet, elle apparaît sur un des tampons que nous avons fait faire, sur notre logo, sur nos enveloppes et nos lettres. Paradoxalement cet engouement à beaucoup surpris nos homologues taïwanais qui avant ne prêtaient pas attention à cet animal extraordinaire. Le voyage d’avril pourrait faire évoluer un peu plus leur point de vue sur cet animal menacé.

Comment est financé l’échange ? Avec quels partenaires extérieurs travaillez-vous ?
Les partenaires sont multiples, le principal est la Fondation Odyssée Jeunes qui nous a offert une énorme partie du financement mais nous avons aussi reçu de l’aide de la mairie, du conseil général, du Lions club, de la fondation Seligmann et de très nombreux donateurs qui ont contribué à notre cagnotte Leetchi.

D’autres pistes pour poursuivre cette démarche ? Quelles seront les prochaines visites ?
Nous partons en avril explorer la capitale de Taiwan, Taipei avant de retrouver nos amis à Kinmen pour une semaine d’échange et de découverte sur l’île de Kinmen, nous y visiteront une ferme aquacole qui élève des limules.

Avec l’expérience et à force d’échecs avec des anglais et des australiens, je sais qu’un bon contact se cultive et se soigne. Je travaille avec le même professeur Kinmenais depuis près de 6 ans. Tout n’a pas marché du premier coup mais à force de dialogue nous avons affiné notre projet. J’entends poursuivre l’expérience quelques années encore tout en proposant à des collègues d’essaimer dans les autres collèges de l’île.

Par ailleurs nous poursuivront notre collaboration avec le BRTF (l’ambassade de Taiwan en France) qui s’est toujours efforcé de répondre à nos sollicitations (prêts d’expo photo, documentation et petits cadeaux divers). Rarement contactées, les ambassades de petits pays sont toujours ravies de participer à des projets scolaires. Certes tous ces pays ne sont pas anglophones mais on y trouve des enseignants qui ont à cœur de bien enseigner cette langue et qui savent apprécier des propositions d’échanges linguistiques et culturels. D’expérience, le profil multiculturel de mon collège situé dans la banlieue de Paris n’est pas particulièrement attractif pour des écoles britanniques plus sensibles aux offres d’écoles plus classiques.

A contrario nos partenaires taïwanais, qui évoluent dans un environnement culturel très homogène, sont particulièrement attirés par le fait que dans notre délégation cohabitent de petits français dont les familles sont originaires de 7 pays différents. Leur collège étant en milieu très rural, notre quartier très urbain leur convient parfaitement aussi. Il ne faut pas hésiter à jouer sur les contrastes qui sont source de réaction et donc de communication. Pour ce qui est d’un projet réussi, il ne faut pas oublier cependant que le contraste est souvent synonyme de savoirs faires différents et d’attentes qui ne coïncident pas forcément au début.

Avec l’enseignant taïwanais nous avons mis à plat nos progressions, nos attentes de productions pour nos élèves et pour nos partenaires, notre vision du projet, nous avons établi une progression commune. Le succès d’un tel projet tient souvent au fait d’être capable de proposer à un partenaire un projet clair et clef en main tout en mettant en évidence que l’on est flexible et ouvert aux souhaits de notre homologue.
Entretien par Julien Cabioch

Sur le site du collège

Extrait de cafepedagogique.net du 31.05.18 : Yann Reby : A Aulnay-sous-Bois le chemin de l’anglais passe par Taïwan

 

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