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Collégiens en Rep+, ils créent leur émission en live sur Twitch
Dans cette classe média imposée, les élèves s’essayent à différents postes, apprennent à collaborer et à croire en eux.
A la découverte du projet « Melting’Potes » du collège Paul Éluard de Beuvrages dans l’académie de Lille, qui a reçu le prix Médiatiks. Image : Getty
Réaliser une émission en direct avec des élèves, il fallait oser. C’est un challenge relevé depuis sept ans par la classe média du collège Paul Éluard de Beuvrages dans l’académie de Lille. Le projet est né d’une erreur. « Avec Mme El Brik, professeure d’histoire-géographie, on voulait lancer une classe média mais on a eu un problème de posture. Au lieu de mettre les élèves en pratique médiatique, on a fait un cours magistral sur les fake news. Rapidement, on a vu que les élèves n’adhéraient pas », se rappelle Gaëtan Bergues, professeur documentaliste dans l’établissement. Le projet s’arrête un an. Avec une autre collègue, il décide alors de créer un média de jeunes pour les jeunes sur Twitch, un service de streaming vidéo que les élèves maîtrisaient déjà. « La notion de live nous paraissait très importante car ça fédère une classe : si un élève se loupe, tout le monde se loupe. On recherchait ça car, dans notre collège Rep+, les élèves ne sont pas tous copains entre eux », ajoute le professeur. Le projet « Melting’Potes », du nom de l’émission, s’inscrit donc dans un cadre qui dépasse celui des EMI et des compétences scolaires.
Une classe média volontairement imposée
Chaque année, une classe de 4ème est désignée « classe média » et gère la création de l’émission avec trois enseignants Mme Tellier, professeure de français, Mme El Brik, professeur d’histoire-géographie et M. Bergues, le professeur documentaliste. Le choix se porte sur la classe dans laquelle les élèves n’ont pas d’options afin de ne pas davantage alourdir leur emploi du temps. « On se refuse à faire de cette classe média une option car on a plein d’élèves qui, par timidité, par manque de confiance en eux ne se lanceraient pas dans l’aventure. Or, au fur et à mesure de l’année, on s’aperçoit qu’ils prennent confiance et s’autorisent à devenir présentateur ou chroniqueur sur leur émission », constate Gaëtan Bergues. Ainsi, bons élèves et élèves en difficulté ou perturbateurs œuvrent sur ce projet commun sans sélection. L’enseignant le reconnaît volontiers : certaines années tout se passe très bien et d’autres années la tâche est plus compliquée car certains sont réticents.
Un apprentissage complet
La classe média a lieu une heure par semaine et est animée par les trois enseignants. Tous travaillent à la réalisation d’un speed live de 20 mn qui est produit à chaque fin de période, avant les vacances scolaires. L’équipe dispose donc de sept heures pour préparer un live. A chaque fois, il y a un reportage, un invité plateau et un jeu. La classe est divisée en trois groupes. Celui dirigé par Mme Tellier travaille à angler les sujets, à scénariser le live et le reportage, celui avec Mme El Brik s’occupe de la recherche documentaire sur le sujet, les personnes à interviewer, les questions à leur poser et le dernier groupe apprend la partie technique sur les reportages et le live avec Gaëtan Bergues. « Dans notre classe média, on a mis un point d’honneur à ce que ce soit nos élèves qui fassent tout de A à Z. Ce n’est pas parfait mais ça fait partie du projet », explique le professeur. Sur les trois premières périodes, les groupes tournent et chacun apprend donc à tout faire. Sur les deux dernières périodes de l’année, les élèves choisissent le poste qu’ils ont préféré et préparent un grand live de 1h15. Recherche d’information, prises de contact avec les interlocuteurs, réalisation de la déco, communication, tournage… le choix est vaste !
Plus de confiance en eux
En début d’année, quand les enseignants sondent les élèves la majorité est peu enthousiaste à l’idée de faire une heure de cours supplémentaire. Mais à la fin de l’année, beaucoup confient qu’ils ont plus confiance en eux, qu’ils ne se pensaient pas capables de faire ça. « En Rep+, nos élèves ont toujours du mal à prétendre à pouvoir faire de grandes études ou à mener de tels projets. Souvent ils sont très fiers et plus sûrs d’eux, c’est ce qui nous intéresse. C’est un vrai moment fort dans leur scolarité et ils s’en souviennent », ajoute Gaëtan Bergues. Certains s’orientent par la suite vers des options en lien avec le monde journalistique. Et côté enseignant, les rapports changent aussi. Le cours pratique amène à avoir d’autres liens avec les professeurs de français et d’histoire-géographie. « Ils nous voient rire, c’est plus détendu. Il y a une proximité qui s’établit avec les élèves. L’ambiance est souvent meilleure dans les cours au fil de l’année. Moi c’est différent, ils apprennent à me découvrir en dehors du CDI et en 3ème ils y viennent plus volontiers car le studio est collé à celui-ci, ils connaissent mieux les lieux », remarque Gaëtan Bergues.
Un coût limité pour le collège
Le collège dispose désormais d’un bel équipement en ayant presque rien déboursé mais il a fallu six ans pour trouver l’ensemble des subventions. L’aventure a débuté avec une simple webcam et des micro-cravates branchés à un PC. Le professeur documentaliste a déposé un dossier auprès de la Fondation de France pour obtenir une première aide financière. Le projet a aussi gagné le prix académique Médiatiks ce qui lui a offert une certaine reconnaissance. « Il y avait beaucoup d’inquiétudes sur le fait qu’une classe en milieu scolaire utilise Twitch. Ça a rassuré tout le monde », glisse l’enseignant. Un dossier déposé auprès du département a également permis de transformer une salle informatique en studio avec régie, plateau et salle de conférence de rédaction connectée au CDI. Un autre dossier a été déposé en Cité éducative pour compléter le matériel de tournage et du studio. Désormais la classe média est très bien équipée et entend poursuivre ses live avec le même plaisir.