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"Monomaniaques". C’est Jean-Yves Rochex lui-même qui qualifie ainsi son équipe (et lui-même !) dans leur approche du système éducatif. Le chercheur n’est pas là pour faire plaisir mais pour observer, au regard de son expérience et de son savoir, ce qui se passe en classe sous l’angle qu’il étudie. Et pour JY Rochex, c’est celui de la construction des inégalités scolaires. Un sujet qui intéresse forcément les membres de l’OZP. Mais qui fait passer les pratiques des enseignants sous le microscope voir le scalpel du savant. Et ça, c’est pas plaisant...
Ce qui distingue l’Observatoire des zones prioritaires des autres cercles de réflexion du monde éducatif c’est ce rapport distancé et étroit entre le terrain et son analyse. Les membres de l’OZP sont face aux difficultés scolaires et c’est par la réflexion collective qu’ils essaient de les surmonter. D’où des prises de position pas faciles, par exemple quand ils ont approuvé le profilage de certains postes de zep. Jean-Yves Rochex est à sa place dans cette assemblée. [...]
François Jarraud
Extrait de cafepedagogique.net du 02.02.12 : Rochex au grand jury des pédagogues de l’OZP
Comment l’école contribue-t-elle à la construction des inégalités scolaires ? C’est à cette question que répondait, hier 1er janvier, Jean-Yves Rochex (sciences de l’éducation, Paris-VIII), invité par l’OZP à présenter le travail d’une dizaine de chercheurs sur les processus qui sont à l’oeuvre, de manière récurrente, dans les classes, sans que les enseignants en aient toujours conscience.
C’est ainsi que, dans le cadre de "pédagogies actives", le professeur peut penser que l’élève qui a réalisé la tâche demandée, un découpage de mots par exemple, aura acquis des savoirs nécessaires à l’apprentissage de la lecture, alors qu’il n’a pas vu quels étaient les enjeux, pour l’enseignant, du maniement des ciseaux, lequel lui a bien plu...
Un autre peut croire que, parce qu’à force de le paraphraser, les élèves ont compris ce que disait un texte philosophique, ils seront capables d’écrire une dissertation sur le modèle de ce texte... On peut proposer à un élève en difficulté un exercice plus facile, qu’il réussit, mais dont, du coup, la finalité s’estompe. On peut aussi confondre familiarité et simplicité : rédiger une recette de cuisine suppose un ensemble d’opérations complexes. Finalement, la différenciation pédagogique et l’aide aux "élèves en difficulté" peuvent accroître les difficultés qu’elles sont supposées combattre.
Et le chercheur met en garde, le terme "démocratisation" a disparu des textes officiels au profit de "innovation", lequel renvoie "à du pédagogique mou" et de "modernisation", qui évoque une conception manageriale de l’éducation". Les appels à l’autonomie du terrain, les discours du type "vous êtes formidables, vous êtes au contact des difficultés, donc vous allez inventer des solutions", le laissent également perplexes, tout comme ceux qui portent sur les "bonnes pratiques", qu’on pourrait ainsi transposer. Se pose évidemment la question de la formation des enseignants, et du lien entre les pratiques et le travail théorique pour "rendre saillante la question des objets d’apprentissage".
Interrogé sur "le socle commun de connaissances et de compétences", il décrit le "livret personnel de compétences" comme "un outil consternant de bêtise", qui amène les enseignants à valider sans savoir ce qu’ils valident. Il craint que le socle n’apparaisse rapidement comme "un lot de consolation pour les perdants".
Extrait de touteduc.fr du 03.02.12 "La démocratisation n’est pas soluble dans l’innovation" J-Y Rochex