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Education nationale : quelles finalités ? Interview de Fabien Truong dans Futuribles (Touteduc)

2 septembre 2024

Les politiques scolaires sont incohérentes, mais l’Ecole n’a pas démérité (Fabien Truong, Futuribles)

Notre Ecole ne joue plus son rôle d’ascenseur social, entend-on dire. Pour Fabien Truong (sociologue, Paris 8), nous avons "une vision un peu mythifiée de la mobilité sociale d’avant", quand les études statistiques portaient "presque exclusivement sur les hommes nés en France". Le sociologue, interviewé dans le dernier numéro de la revue Futuribles, ajoute que le but alors "était de doter les enfants du pays d’une culture commune républicaine (...), pas de corriger les inégalités sociales." Dans les années 60, les enfants de la classe ouvrière n’avaient d’ailleurs "aucune envie véritable d’aller à l’école car être ouvrier comme leur parent, c’était avoir une place et un réel motif de fierté".

Depuis "sont arrivés plus sur le marché du travail, les femmes, des jeunes hommes d’origine modeste en plus grand nombre, des étrangers, des immigrés" et "les enfants des classes populaires sont exposés durablement, et de plus en plus longtemps, à l’institution scolaire", ils sont soumis à l’injonction "de réussir les épreuves académiques qui sont supposées leur permettre de bénéficier d’une promotion sociale".

Second phénomène mis en avant par le chercheur : dans les quartiers, "ceux qui réussissent le mieux, notamment parce que l’École y fait sa part, vont s’installer ailleurs et sont remplacés par des individus en plus grande difficulté (...). Le travail des enseignants est d’autant plus difficile qu’ils disposent de peu de moyens pour gérer des classes où il y a une trop grande concentration de difficultés. Et ces difficultés qui arrivent, du fait des départs, sont le revers de la médaille des réussites passées de l’École !"

Mais les élèves en échec, à qui "on a tellement dit qu’ils devaient réussir à l’école et que cette réussite était la condition essentielle de leur promotion sociale", connaissent un "amour éconduit", et Fabien Truong commente : "Il faut essayer d’entendre ces élèves et cette souffrance qui ne se dit pas, ce qui n’est pas évident pour des enseignants nullement formés à cela." Et pourtant, "lorsque l’on parle avec ces jeunes ayant eu un passé conflictuel avec l’École, longtemps après", on se rend compte que pour eux, "l’École a toujours compté, beaucoup", ce que ne dit pas "l’hypermédiatisation des épisodes de violence scolaire".

Pour lui, il y aurait urgence à "développer des passerelles permettant aux élèves d’échapper à l’unique alternative filière d’enseignement général / filière de relégation", à "s’affranchir d’une conception élitiste de l’École privilégiant les savoirs académiques" et à "changer le rapport de l’institution au collectif, à la capacité à vivre ensemble, à tirer profit de l’échange, des différences, de la mutualisation (...). Si réellement l’objectif de l’École est de développer ce que les économistes appellent le ’capital humain’ de chacun et d’apprendre à ’vivre ensemble’ (...) il faut permettre à chacun de trouver sa voie, donc diversifier les parcours sans pour autant créer des ghettos." Mais cela suppose des moyens. "Aujourd’hui, on dépense plus d’argent pour les enfants de cadres supérieurs que pour ceux d’origine plus modeste. C’est la Cour des comptes qui l’affirme (...). A l’école et durant tout le temps de la scolarité, nous donnons plus à ceux qui ont déjà beaucoup, et nous voudrions que l’École corrige les inégalités. C’est incohérent."

Le site de la revue ici

Extrait de touteduc.fr du 30.08.24

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