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Le poids de la forme scolaire est prégnant aussi dans la société pour les milieux populaires (in Animation & Education : Interroger la forme scolaire)

21 septembre 2023

"Interroger la forme scolaire
Animation & Education,
juillet-octobre 2023

 

Extrait (pages 28-29)
En quoi la forme scolaire est-elle constitutive de notre mode de socialisation et de notre rapport au monde ?
Pourquoi et comment entretient-elle les rapports de domination et la reproduction des inégalités sociales ? Réponse des sociologues Simon Kechichian et Daniel Thin

[...] Le poids des logiques scolaires perdure
Les effets différenciateurs et inégalitaires de la prégnance de la forme scolaire sont particulièrement visibles lorsqu’on s’intéresse aux groupes dominés et éloignés des logiques scolaires. Ainsi, les familles populaires ne sortent pas indemnes de la diffusion des logiques scolaires et sont toujours jugées à l’aune de celles-ci, non seulement par l’école mais aussi dans de nombreuses autres instances.
En outre, de plus en plus souvent, des dispositions à l’écriture, à la planification, à la réflexivité ou à « l’autonomie » sont exigées lors des recrutements et déterminent les carrières, même pour des métiers peu qualifiés et investis par les classes populaires. Être doté de ces dispositions devient une des conditions d’accès à un emploi et, pour les plus démunis, à une place acceptable dans la société, car même au sein des emplois les plus dominés, l’actualisation de dispositions scolaires reste un enjeu.
Les jeunes des milieux populaires, relégués dans des dispositifs d’insertion professionnelle, sont souvent perçus comme « inemployables » et sont la cible d’un travail de réforme de leurs dispositions visant à les rendre conformes à des manières d’être ancrées dans les normes scolaires. En fait, les membres des classes populaires (des fractions inférieures surtout) se confrontent, tout au long de leur vie et dans des domaines variés de leur existence, à des rappels de la distance qui les sépare des logiques scolaires.
Chaque démarche administrative et chaque interaction avec des mandataires de l’État, comme avec des individus ou des dispositifs porteurs des logiques scolaires, sont des occasions qui réactivent leur rapport désarmé au scolaire. Cette violence symbolique peut conduire à des stratégies d’évitement des situations qui rappellent de manière
trop vive les verdicts et les exigences scolaires. Pour les membres des classes populaires, ces expériences renouvelées de la forme scolaire participent à l’intériorisation d’un point de vue scolarocentré sur leurs propres pratiques, à l’incorporation de la légitimité des normes et des logiques qui en découlent et donc Si la domination n’est pas réductible à ses dimensions scolaires, l’expérience de la domination reste aujourd’hui amplement structurée par des modalités scolaires de socialisation. Pour les dominés, la socialisation scolaire, même en dehors de l’école, s’apparente à un apprentis sage de la domination et participe en cela à la légitimation et à la reproduction d’un ordre social inégal.

Simon Kechichian,
docteur en sociologie à l’université
Lyon 2, centre Max-Weber

Daniel Thin,
professeur émérite de sociologie à l’université Lyon 2,
laboratoire Triangle

Extrait de animeduc.occe.ccop de septembre 2023

 

Voir aussi : 22

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