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Quels outils d’évaluation pour mesurer le coût et l’efficacité des ZEP ?

Le coût de l’éducation prioritaire (ZEP et REP), avec Daniel Auverlot et Marc Bablet, IA adjoints (Créteil) (Rencontre OZP)

janvier 2002

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires - www.ozp.fr

n° 31 - janvier 2002

Le coût de l’Education prioritaire

Compte rendu de la réunion publique du 23 janvier 2002

Invités par l’OZP à donner leur opinion et à témoigner sur ce sujet, Daniel Auverlot et Marc Bablet, l’un et l’autre inspecteurs d’académie adjoints dans l’académie de Créteil, ont abordé différentes facettes d’un état des lieux actuellement difficile de réaliser faute de références bibliographiques disponibles et d’outils de mesure adaptés.

Statistiques, tableaux de bord, indicateurs, des outils pour le pilotage des ZEP

L’effort en faveur des ZEP peut-il être chiffré ?

Le premier constat à faire aujourd’hui est que, pour le moment, personne n’est capable de chiffrer, et cela même approximativement, l’effort supplémentaire fait par le ministère de l’Éducation nationale pour les élèves étudiant en zone ou réseau d’éducation prioritaire. Il n’est pas possible d’apprécier si l’engagement de base de l’éducation prioritaire est atteint, à savoir donner davantage à ceux qui en ont le plus besoin, alors même que cela est absolument essentiel si on veut aller au-delà des discours et mesurer la portée de l’effort en faveur de l’éducation prioritaire.
À ce jour, aucun écrit n’existe, c’est du moins ce que l’on peut constater lorsqu’on effectue des recherches bibliographiques. Toutefois, il faut souligner que le ministère a récemment commencé à rattraper son retard par l’intermédiaire d’une publication (une autre est en préparation) : le numéro 61 de la revue de la Direction de la programmation et du développement, Éducation et formation, daté d’octobre-décembre 2001, a présenté un article rédigé à partir de données nationales : « Quelles priorités dans l’attribution des moyens à l’éducation prioritaire ? ».
Des indications chiffrées montrent que l’effort fait par l’État en terme de différentiel est substantiel. En ce qui concerne par exemple les emplois et les heures d’enseignement dans les écoles, les chiffres de 17 % d’enseignants en plus, avec 9,5 % pour ceux directement en présence des élèves, et de 8,8 % de dotations horaires globales pour les collèges sont avancés. En matière de dotations destinées à l’emploi d’aides-éducateurs, elles sont évaluées comme étant deux à trois fois plus élevées en ZEP. En ce qui concerne les classes, la différence porte en moyenne, pour le collège, sur une réduction d’effectifs de deux élèves par division. On note également des différentiels significatifs en ce qui concerne les fonds sociaux.

Connaissant ces chiffres, l’une des questions intéressantes à se poser concerne la façon dont sont utilisés ces moyens supplémentaires. Il est essentiel aussi d’essayer de comprendre pourquoi certains établissements ZEP, à ressources identiques, arrivent à donner une forte « plus-value » aux résultats attendus et d’autres pas.
À propos des dotations financières, on constate que, globalement, il n’y a pas de différences significatives dans les subventions de fonctionnement attribuées par les conseils généraux selon qu’ils s’adressent à des établissements ZEP ou hors ZEP ; on constate à ce niveau une absence de volonté d’accompagner l’effort de l’État.

En tant que correspondant académique de l’éducation prioritaire à Rennes, Daniel Auverlot s’était déjà intéressé à ces questions. A l’époque, il avait pu constater que 15 ZEP étaient frappées par l’inégalité des situations. Ne disposant pas d’outils pour analyser précisément les faits, il avait constitué un tableau d’indicateurs comportant notamment les items sur la réussite scolaire et sur la disposition des moyens. La question se posait alors ainsi : qu’apportait-on aux ZEP et que leur apportait-on de plus qui soit mesurable ? Pour répondre à cette interrogation, de grandes difficultés sont apparues. Le ministère, à ce moment, a décidé d’examiner ce problème et s’est rendu compte de la nécessité de la mise en place d’un appareil conséquent mais qui, pour autant, n’existe toujours pas encore aujourd’hui.

Au moment de la relance des ZEP, durant l’année scolaire 97-98, les coordonnateurs devaient remplir des cahiers comprenant une page consacrée aux moyens et aux financements. Ce document se concluait de la façon suivante : « La transparence reste à construire au niveau des différents établissements des ZEP et au niveau de l’inspection académique. Nous sommes dans l’incapacité actuellement de déterminer à l’échelon de l’équipe d’animation ce qui est accordé au titre de la politique ordinaire et au titre de la politique ZEP ».
Dans un numéro daté de 1998 ou 1999 des "Cahiers Français", il était écrit « Il s’avère aujourd’hui impossible, faute d’un cadre de collecte d’informations apportées au plan national, d’évaluer ce que représente précisément l’effort consenti au profit des ZEP de la part de l’Éducation nationale ainsi que la part des financements en provenance d’autres instances nationales ou locales ou des collectivités territoriales. Parce que l’argent des ZEP ne provient pas uniquement de l’Éducation nationale, il faut voir tout ce qui peut s’y agréger ».

Le montant des subventions données par les collectivités locales reste aujourd’hui très mal connu. Le flou demeure aussi à l’échelon des associations locales avec lesquelles les écoles sont souvent amenées à travailler, simplement par le fait qu’elles-mêmes reçoivent des subventions d’un peu partout provoquant un parasitage difficilement décryptable quand il s’agit de déterminer l’origine première des fonds.
Par rapport à cette situation, une des réponses se trouve dans le contrat de réussite qui, normalement, précise à partir d’un diagnostic ce qui est attribué spécifiquement au titre de la ZEP ou du REP. Au bout de trois ans, à la clôture de ces contrats, ayons la mémoire de ces moyens, à condition que le système ne digère pas trop vite les surcoûts donnés au départ, comme cela arrive souvent.
À ce niveau, la difficulté réside dans la rédaction des critères retenus afin de ne pas laisser croire aux enseignants de zones banales que ce sont toujours les ZEP qui sont les grandes bénéficiaires de l’octroi de moyens supplémentaires. Á ce propos, soulignons les risques que l’on fait courir aux ZEP et REP en les mettant toujours dans les possibilités offertes d’avantages divers, en faisant notamment un appel d’offres systématique pour tout ce qui est novateur. Cela implique d’avoir une analyse très fine de ce qu’on appelle le « plus » qu’on veut donner aux ZEP.

Concernant le personnel enseignant de l’éducation prioritaire et l’accompagnement qui lui est proposé, la difficulté réside dans l’équilibre à trouver entre les besoins de présence d’enseignants pour les élèves et l’absentéisme pour cause de stage de formation continue des professeurs. Dans les choix qui doivent se faire dans ce domaine, la tendance vise à privilégier la présence du professeur auprès de l’élève.
Actuellement, le ministère met en place dans les zones les plus fortement touchées par un « turn-over » important un dispositif destiné à stabiliser les enseignants et à assurer la formation des nouveaux arrivants en leur libérant à cet effet du temps spécifique en dehors des heures de cours (dispositif dénommé PEP IV, postes à exigences particulières de type IV, c’est à dire situés en ZEP où la rotation du personnel est trop forte).
Á ce propos, Daniel Auverlot a tenu à souligner qu’avant les problèmes d’organisation d’autres questions se posaient. Sur certains sites pilotes à problèmes, il est en train d’étudier l’état d’une discipline d’enseignement, de la petite section de maternelle à la classe de troisième, en travaillant avec l’inspecteur de la circonscription et l’inspecteur pédagogique régional de la discipline concernée. Les inspecteurs et les principaux de collèges sont chargés, dans ce cadre, d’organiser une politique de liaison afin de définir de façon précise les types de formation et les solutions pratiques devant être mises en place.

Il y a trois ans, en 1998, le rapport Sueur (présenté le 13 février 1998 et publié à la Documentation française) a parlé du financement des ZEP en spécifiant que, dans l’Éducation nationale, la politique des ZEP incitait à penser que les concentrations de difficultés étaient prises en compte du seul fait de l’attribution de moyens spécifiques. La réalité est en fait composée d’un mélange de mesures bénéficiant aux agents publics qui y travaillent.
Lorsque sur Internet on tape « coût d’une ZEP », on tombe sur le compte rendu de la commission éducation Sénat dans lequel le président de la commission s’adresse aux deux ministres Ségolène Royal et Claude Allègre en leur demandant de chiffrer le coût et le surcoût des ZEP. La réponse donnée est de l’ordre du dilatoire. Aucun document faisant une synthèse globale n’est pour le moment disponible. Dans ces conditions, que peut-on répondre à des organisations syndicales ou autres qui disent qu’on n’en fait pas assez, alors que l’État lui-même ne sait pas chiffrer les moyens qu’il attribue ?

Sur quelles bases piloter ?

On nous dit qu’il faut des moyens supplémentaires, or on ne peut pas répondre quant à la hauteur de ce que l’on attribue et de ce que l’on pourrait attribuer. Dans ces conditions, assurer un pilotage cohérent de l’ensemble des ZEP et des REP s’avère difficile puisqu’on ne sait si les crédits sont bien utilisés. Encore faut-il savoir ce que veut dire « bien utiliser les crédits » dans le cadre de l’éducation !

Avons-nous les moyens de connaître le surcoût et les disparités alors qu’aucune étude monographique n’existe à ce jour pour savoir de combien disposent les écoles ? Á partir de l’observation de ces disparités, avons-nous les moyens d’intervenir et de monter un pilotage financier ? Avons-nous les moyens de dire à nos partenaires des collectivités : « Voilà ce que nous, nous mettons dans les ZEP, et vous ? »
Or un certain nombre de constats empiriques révèlent qu’on en est loin.
Aucun rectorat à l’heure actuelle ne peut donner une répartition budgétaire relative aux postes occupés en ZEP. Encore faudrait-il s’entendre sur ces données ! Donc, très souvent, pour des attributions à un niveau rectoral, on a recours à des méthodes simples qui sont au prorata du nombre d’élèves, auquel on ajoute quelque chose d’un peu qualificatif. Au-delà, on a plus de mal à le faire. En terme de pilotage financier, on ne sait pas encore bien faire.

Il y a trois ans, Daniel Auverlot a réalisé en collaboration avec une équipe de l’académie de Rennes un essai de chiffrage sur Brest, avec « guichet unique » pour voir tout ce qui était donné. La première question a porté sur l’étalon de référence. Si les ZEP ont un surcoût, c’est par rapport à quelque chose, mais ce quelque chose, c’est quoi ? Une piste existe à partir de la note de la DEP sur le coût de l’éducation, chiffré en termes de coût d’un élève par an, soit 3 340 € (22 000 F) pour un élève de pré-élémentaire, 3 500 € (23 000 F) pour l’élémentaire et 5 760 € (38 000 F) pour le collège. Différents types de financement alimentent ces dépenses. L’État y participe pour 68 %, les collectivités territoriales à hauteur de 21 % et le reste est financé par les familles et les autres ministères.
Malgré la connaissance de cette répartition, le chiffrage exact de l’investissement de tous les acteurs périphériques à l’Éducation nationale reste inconnu. Une des raisons de ce flou vient du fait que les crédits destinés aux ZEP viennent de différents guichets.
A partir de ces données, on peut malgré tout faire un relevé qui n’est pas exhaustif de toute une série de choses qu’on met dans les ZEP. En ce qui concerne les dépenses communes des premier et second degrés, on prend en compte la « prime ZEP » et le salaire du coordonnateur ZEP, tous deux sont calculables aisément. Il faut aussi tenir compte des crédits, dont les crédits pédagogiques. On peut ajouter l’apport de ce que donne la collectivité, y compris les crédits « contrats de ville » puisque les élèves en sont directement bénéficiaires. A l’échelon de Brest, des calculs ont pu également être effectués, ce qui a permis d’évaluer le surcoût annuel d’un enfant de maternelle à 424 € (2 800 F) et à 280 € (2 500 F) pour un enfant d’école élémentaire, soit au total un surcoût de 12 % pour le pré-élémentaire et 11 % pour l’élémentaire, cela devant être pris avec la possibilité d’une marge d’erreur puisqu’il s’agit d’un travail artisanal.
Pour le second degré, les calculs sont beaucoup plus difficiles à faire dans la mesure où les postes ne sont pas systématiquement fléchés. Ceci étant dit, on considère que le surcoût est de l’ordre de 258 € (1 700F) par collégien, soit 5 %, ce qui représente un surcoût assez faible sur Brest pour l’année 1999, même si pour cette seule ZEP, cela se chiffre à environ 910 000 € (6 millions de F). Il existe donc un important décalage entre le faible surcoût engendré par élève de ZEP et le budget très important qu’il faut débloquer dès lors qu’il s’agit de l’octroyer à l’ensemble des ZEP réparties sur le territoire français.

L’échec scolaire a-t-il un coût social ?

La première réflexion consiste à savoir si l’échec scolaire, davantage présent en éducation prioritaire, a un coût social mesurable, auquel nous pourrions comparer la politique d’éducation menée en ZEP.
Dans quelle mesure le fait que les ZEP comprennent plus de jeunes sortant sans qualification provoque ultérieurement un coût social ? Et, à partir de là, les tentatives de réduction de ce coût social ultérieur apportent-elles des bénéfices significatifs ? On se place alors dans un positionnement tout autre que celui du coût immédiat. Pouvons nous considérer que les jeunes sortant du système éducatif sans qualification constituent un autre coût que celui de l’éducation prioritaire ? Peut-être ne le pouvons-nous pas. Penser le coût des ZEP amène à penser la question globale de l’efficacité des ZEP.
Cela nous conduit à étudier, par des données d’entrée et de sortie présentes, l’efficacité, compte tenu des événements qui s’y produisent, parmi lesquels le coût n’est qu’un événement comme les pratiques pédagogiques et autres.
Parmi les complications qui se présentent, on peut considérer le « coût enseignant », plus faible en ZEP qu’ailleurs puisque là on accueille davantage de jeunes enseignants évidemment moins rémunérés que ceux qui sont proches de la retraite. De ce point de vue, on doit raisonner en terme de gestion et de comptabilité globale. Y a-t-il un coût lié aux conflits générés par les entrées et les sorties des zones du dispositif prioritaire ? La question du coût symbolique de la politique ZEP se pose aussi dans la désignation de certains quartiers comme « ZEP », et qui de ce fait connaissent une réduction de la mixité sociale provoquée par des mouvements de fuite de certains élèves, bien que cette mixité soit facteur de réussite dans les apprentissages. En ce sens, nous produisons de l’effet négatif, difficilement mesurable, il est vrai.

Quels outils d’évaluation ?

Quels outils peut-on se donner pour « estimer » une ZEP ? Quelles sont les données sur lesquelles nous pouvons nous appuyer ? Parmi les données « d’entrée », on doit se baser sur l’état de la population en termes sociologiques et, pour les collèges, sur les résultats à l’évaluation à l’entrée en sixième. Pour les écoles, les tentatives d’évaluation qui sont en train de se mettre en place sont intéressantes et alimenteront les données « d’entrée ».
Les ZEP auraient intérêt à réfléchir sur leur positionnement d’entrée, et les outils de la direction de la programmation et du développement (DPD), qui sont en cours de diffusion pour la grande section et le CP seront, de ce point de vue, extrêmement intéressants à exploiter dans les réseaux d’éducation prioritaire : les écoles auront en terme de résultats scolaires des données d’entrée « grande section-CP », des données de cursus CE2 et de sortie grâce au retour d’informations du collège à propos des élèves de sixième. Cela est très intéressant pour observer l’efficacité, tout en sachant qu’il faut en même temps contrôler la variable population, puisqu’existe une déperdition d’élèves tout au long du cursus.
Il est donc nécessaire dans ces conditions pour les enseignants d’étudier les élèves qui entrent et qui sortent pendant la période où ils les avaient en charge. Sans cette donnée, ils perdent une information qui a beaucoup de sens par rapport aux résultats observés.
Pour le collège, l’utilisation de deux outils s’avère particulièrement pertinente dans le Val-de-Marne : il s’agit des données d’évaluation à l’entrée en sixième ainsi que des données de notes au brevet des collèges qui constituent un outil d’appréciation précis des résultats des élèves tout en donnant la possibilité de regarder en « données de sortie » ce à quoi aboutit chacun des collèges.
On ne peut pas penser le coût des ZEP sans le rapporter à un moment donné à leur efficacité par rapport à l’objectif de départ : il faut donc analyser les différentiels d’échec scolaire en tenant compte de la situation sociale des populations concernées et aussi des données scolaires d’entrée de la population concernée dans chacun des niveaux de systèmes qu’on veut canaliser.

Supplément

En complément de ce compte rendu, signalons ce qui est indiqué à ce propos sur le site « éducation prioritaire » du ministère de l’Éducation nationale :

« Quelle est l’utilisation des moyens supplémentaires attribués aux REP et aux ZEP ? »
« Cette utilisation des moyens dépend des projets développés par chaque réseau dans le cadre du contrat de réussite. Pour ce qui concerne l’Éducation nationale, les moyens supplémentaires dont bénéficient les réseaux sont importants : un élève de réseau bénéficie - en moyenne - de 10 % de moyens en plus que les autres élèves. Ces moyens sont pour l’essentiel des postes et des heures d’enseignement (en effet, le budget de l’Éducation nationale est très majoritairement consacré à des dépenses de personnel).
Ces postes et heures sont pour une très large part consacrés à abaisser les effectifs par classe. Il existe certes de sensibles disparités entre académies et entre zones, mais - toujours en moyenne - les classes des écoles primaires des ZEP avaient en 1997 près de deux élèves de moins que celles des autres écoles, et on constatait une différence du même ordre dans les collèges.
Par ailleurs, les moyens supplémentaires en postes dont bénéficient les ZEP ont permis, conformément à une orientation nationale forte, d’y développer la scolarisation précoce. En moyenne, à la rentrée 1998, le taux de scolarisation à 2 ans y est de plus de 40 %, alors que ce même taux est de moins de 35 % hors ZEP. »

Liste complète des Rencontres de l’OZP

ci-dessous une version PDF à la mise en page identique à l’original papier

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